" La volonté du mal ruine souvent le mal" Tolkien

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Une chose était sure en cette fin de saison : la pluie n'avait jamais été aussi présente. Du moins, elle n'avait jamais été aussi handicapante pour la jeune livreuse.  Elle avait eut cette fameuse discussion avec son âme soeur il y a déjà quelques semaines et depuis, elle ne s'était plus ouverte à lui et lui ne l'avait pas poussée à lui parler.

Cette considération, ce respect de son silence, l'apaisaient et la rendaient plus sereine. Elle n'aurait jamais pu supporter de subir ses questionnements et son inquiétude...

Après son shift, Aéna n'avait qu'une envie : se poser chez elle, devant un bon film et manger des olives. Littéralement. Elle avait besoin de s'éloigner de tout, de se replonger dans sa perception des choses, de son corps, de ses ressentis... Rien n'allait concrètement bien en cette fin de soirée : elle avait eut des commandes pénibles, lourdes , dans des recoins de la ville qu'elle n'appréciait pas forcément, devant passer du bas au haut de la ville, subissant des ascensions pénibles dans des rues étriquées où elle était dans l'obligation de mettre pied à terre dès qu'une voiture trop large arrivait en face... Ce genre de soirée où elle se demande ce qu'elle fout là quoi...

-Hey ! Tu prends le tram, demanda une voix derrière elle alors qu'elle sortait du hub.

Elle se retourna pour croiser les prunelles lasses de Jules. Collègue, il était un ami qui en souffrance psychique se confiait beaucoup à elle. Il n'avait rien de méchant, rien de mauvais... Juste une furieuse envie d'être consolé lorsqu'il n'allait pas bien, et cela devenait pénible pour pas mal de ses proches. En effet, récemment, lui et son cousin, Marc, s'étaient récemment assez méchamment chamaillés à propos de la tendance de Jules à associer drogue et alcool lors de leurs soirées. Jules ne mettait pas de mots sur le mal être qui le poussait à un tel extrême. Et son absence de mots, sa non verbalisation de son autodestruction, épuisait et attristait ses proches les plus proches. Cette dispute datait d'à peine deux semaines, et Aéna sentait que si là maintenant Jules l'interpellait avant de quitter le hub, ce n'était pas anodin... Peut-être avait-il pu mettre des mots sur ce ressenti qui le taraudait, qui le plongeait dans un attitude destructrice...

-Oui, oui, comme d'habitude, répondit-elle en lui adressant un large sourire.

-Viens je te dépose, c'est sur mon chemin ! proposa-t-il.

Aéna le fixa un instant, sceptique. Que risquait-elle en soi sinon un discours sur son mal-être et sa difficulté à supporter le quotidien ? Elle haussa les épaules. De toute façon, elle était fatiguée, et Evan lui avait expliqué qu'il serait peu présent ces prochains jours, une urgence requérant sa présence au Manoir.

-D'accord, merci.

Elle grimpa dans sa voiture, insouciante et fatiguée.Il démarra, sans dire un mot. Jules était comme ça, parfois il avait plein de choses à raconter, sur lui, sur ses maux, sur son quotidien... Et parfois... Parfois il n'était que silence et ombres. Qu'une compagnie qui rend chaque moment, chaque rayon de soleil, désintéressant. Par son obscurité, sa délicate absence, il embrassait les ténèbres et y tirait d'une main nonchalante quiconque était en sa compagnie. Il était ainsi...

-Tu veux manger chez moi?

-Quoi?

Elle fronça des sourcils, posant sur Jules un regard incrédule. Il n'allait pas faire ça? Elle voulait juste rentrer se reposer...

-J'ai cuisiné avant le shift et je me demandais si ça te tentait.

-Jules... Un autre fois, ok? Je suis fatiguée ce soir...

-Je vais mal tu sais... Et j'espérais que toi, mon ami, tu comprennes et me soutienne, lâcha-t-il d'une voix heurtée par un sanglot étouffé.

-C'est pas ça Jules...

-Et tu sais, quand j'en parle à Marc, il comprend pas, il se braque, il me dit que je dois arrêter... Mais j'ai personne merde...

Aéna se rendait compte que plus il s'emportait, plus sa conduite se faisait dangereuse. Il accélérerait, sans cesse, sans retenue, sans se soucier des conséquences... Et le vide de la route, ainsi que leur chance insolente, expliquait qu'ils n'aient pas encore été accidentés...

-Ok ok ! Jules, calmes toi, on va parler.

-Je peux disparaître, tout le monde s'en fout de toute façon ! Je suis pas assez bien, pas assez important !

-Mais...

-J'ai vraiment, vraiment besoin de ton amitié ce soir, Aéna, plaida-t-il, son regard brillant croisant celui épuisé de la jeune fille. Elle se retint de soupirer. Elle savait qu'il était comme ça, elle se doutait qu'il allait vouloir parler. Elle n'aurait juste pas du accepter son offre et prendre le tram en fait...

-Bon, ok, mais après manger tu me déposes ou me paies un taxi, j'ai vraiment envie de dormir chez moi.

-T'inquiètes !

Elle posa sa tête contre la vitre de la voiture, fermant les yeux pour trouver toute la patience qu'il lui faudrait pour assumer ce repas et cette discussion à venir.

Elle laissa ses doigts pianoter sur son écran, informant Isaac, son garde du corps attitré, qu'elle rentrait tard car mangeait chez un ami. Elle n'avait pas très envie de voir débarquer chez Jules un Isaac mort d'inquiétude et un Evan prêt à combattre le monde.

Le repas ne fut pas étonnant. Elle écouta, paisiblement, et sans  laisser les mots de Jules la submerger. Il n'allait pas bien, il le verbalisait avec assez de facilité en sa présence et disait ne pas réussir à le verbaliser de la sorte avec son psychologue, sa mère ou son cousin, Marc. Ainsi Aéna était malgré elle passé du rang de collègue de travail à celui de confidente, qu'importait la charge mentale qu'il lui imposait. Son mal être à lui prenait le pas sur ce que cela pouvait apporter, de bon ou de moins bon, à Aéna. Elle se demandait si elle ne devrait pas créer une distance, imposer une restriction à Jules... Peut-être qu'il prendrait alors conscience de l'impact de ses mots, de son négatif sur les personnes qui l'entourent... Parce que Hugue, un collègue de travail, s'était éloigné de Jules lorsque celui-ci avait fait peser sur leur amitié tous ses maux.

-Aéna, j'ai quelque chose de très sérieux à te dire.

Cette phrase la sortie de son moment introspectif, elle répondit :

-Je t'écoute.

-Mais... Tu dois me promettre que ça va pas changer notre amitié. Vraiment. Promets...

Elle cilla, sceptique, et répondit, dans un sourire aimable :

-Je ne peux pas te promettre alors que je ne sais pas ce que tu vas me dire ahaha. Si tu me racontes que t'aimes manger des chats et que tu veux manger le mien, baaah ça va évidemment changer notre amitié.

- C'est trop con comme comparaison !

-T'as compris ce que je voulais dire quoi ! Je ne peux rien promettre car ce serait mentir !

-Tu veux pas promettre d'essayer ?

Il la fixait avec une telle insistance qu'elle ne put que céder : céder pour rentrer au plus tôt chez elle. Sinon il allait encore argumenter... Elle hocha la tête, lui arrachant un sourire béat.

-Bon... Ok. Je suis attiré par toi.

Un long, très très long, silence, accueillit cette étrange déclaration. Elle le fixait sans le voir. Dans sa tête, elle revoyait mille et une scènes... Elle répondit la phrase la plus lambda au monde :

-Quoi?

-Je suis amoureux de toi, Aéna.

-Ah...

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Heyy !

Alors ? Comment trouvez-vous tout cela? Pas trop ennuyeux ? Assez immersif ?

J'ai hâte de lire vos retours !

Byye

Sofia. <3

Au Nom de ma Liberté...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant