On m'a souvent dit que la vie est faite d'incertitudes , qu'il faut que je me batte si je veux être sécurisée... Alors je me bats. Mais je n'ai jamais prévu de me battre contre le Destin lui même, incarné en meutes de loups garous qui ne voient en m...
Refouler. Refouler encore et encore. Enfouir au plus profond de osn être tout ce qu'elle ressentait, tout ce qu'elle vivait, tout ce qui la déchirait... Elle était épuisée. Épuisée de subir. Épuisée par son impuissance.
Quand tu es dépassé, submergé par ce qui te tombe dessus et que tu n'as ni le temps d'inspirer, ni le temps de penser, tu chutes. Tu chutes lentement, violemment, inexorablement. Et dans la chute, ton corps, ton esprit, ton être, se demandent : pourquoi ? Pourquoi cela ? Pourquoi la chute ? On refoule quand on est dans l'incapacité physique et psychique de supporter un poids trop lourd, une charge trop grande...
Elle pédalait, pédalait, laissant ses pieds écraser ses pédales. Elle venait de recevoir un message de son père. Un amas de violence verbalisé virtuellement. Emer l'avait trouvé pour lui dire que sa fille forniquait. Que dans son impiété, elle avait un amant, un homme qui semblait plus âgé et chez qui elle vivait depuis quelques semaines. Aéna avait déjà tourné la page familiale, elle n'était pas atteinte par la phrase " tu n'es plus ma fille". Non. Que son père la renie n'était pas le problème qui l'avait portée sur son vélo et poussée à fuir en pédalant de toute son âme.
La phrase : "Tu vas épouser Emer, pieux et bon" l'avait fait vriller. L'avait perdue. Cet enfoiré essayait encore de poser sa marque sur son avenir, sur sa vie, sur sa corporalité...
"Il est un bon citoyen, la famille ne nous moquera plus."
Comment osaient-ils? Comment Emer pouvait oser ? Comment son père pouvait penser cela, le lui ordonner presque?
Elle étouffa un sanglot brisé, épuisé.
Refouler était sa seule arme pacifique. Elle était tentée de dénoncer ce vil complot à son âme soeur, Evan qui posait sur elle un regard non affamé. Qui était empreint d'empathie, de bonne volonté, et ne souhaitait qu'une chose : son épanouissement à elle.
Oui, le Destin leur imposait un lien vital, intangible et immuable. La condamnait en quelques sortes à rester à ses côtés. Mais.. Evan lui avait expliqué avec une délicatesse touchante : le lien est là, mais lui ne veut la contraindre à rien. Son bien être, sa proximité, étaient tout ce qu'il lui fallait.
Il était prêt à vivre en veillant dans l'ombre. La savoir paisible et espiègle, rayonnant de joie, était tout ce qu'il lui fallait. Sa peine, son navrement, ne faisaient pas sens pour lui et signaient son échec. Échec d'avoir réussi à assurer la plénitude, émotionnelle et quotidienne, de son âme sœur. Sa Luna.
Elle inspira profondément, sur la route, les battements de son cœur s'appaisant. Elle s'arrêta sur le côté, un pied posé sur le trottoir surélevé. De sa poche arrière, elle sortit son smartphone. Un sms de Evan était suivi de plusieurs appels en absences.
-" Tu vas bien ?" demandait Evan.
Elle sourit. Il ne lui reprochait pas d'avoir filé sous le nez de ses gardes du corps. Il ne lui reprochait pas son impulsivité. Il s'inquiétait. Et cette inquiétude, pure et sincère, lui fit du bien.
Elle affiche son contact sur son écran, appuyant sur le logo téléphonique pour l'appeler. Il décrocha à la première sonnerie, ce qui la fit sourire.
- Aéna ? Tu vas bien ?
- Oui, désolée. J'ai eut besoin de décharger ma colère en pédalant...
- A partir du moment où tu présentes cela comme un besoin, tu n'as pas à t'excuser. Dis-moi où tu es, je viens te récupérer.
- Je suis à l'angle de la rue Enerst Allard et... URGH !
Evan, en salle de réunion, se leva d'un bond, une vive douleur lui parcourant le corps, comme s'il avait embouti son corps opprésé contre une surface rigide..
Il n'avait pas besoin de parler : la Meute l'avait vécu. Avec certes moins d'intensité que lui, mais ils l'avaient tous et toutes vécu, au plus profond de leur être. La conscience collective de la Meute était ébranlée.
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