" Le temps qui passe la cultive" Scylla

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L'automne à Bruxelles, c'est un perpétuel enchevêtrement de pavés portant le miroitement des flaques et les feuilles flamboyantes posant çà et là quelques touches de douceur. Il n'est pas difficile de se revoir dans ces rues, slalomant, un casque de musique sur les oreilles, nos regards se perdant sur l'or et les moulures des façades de la Grand Place...

En tant que livreuse à vélo, Aéna avait finit par voir toutes les fissures de la ville, toutes ses balafres, tous ses vices... Elle avait perdu le goût de la ville. Le goût de sa ville. Bruxelles est pourtant si belle, elle ne se limite pas à sa Grand Place, elle est portée par les silences des Églises et Cathédrales, la grandeurs des façades aux mille et unes histoires, les ruelles historiquement porteuses des chuchotement de la résistance et les solitudes des vagabonds...

Assise sur son lit, elle parcourait son blog Tumblr, nostalgique de la douceur et de la torpeur transportées par ces images, ces citations, ces morceaux d'arts éparpillés sur la toile, qui ont fait et qui font toujours écho en elle. Aéna avait été attaquée par des Chasseurs deux semaines plus tôt. Elle avait depuis cédé aux regards inquiets de Evan et ses proches et avait emménagé dans la maison de la Meute. Elle n'avait pas encore eut le courage ni la force de reprendre son job étudiant, choisissant de se concentrer sur ses études et son rétablissement.

Ce soir, elle allait remonter sur son vélo, et son corps appréhendait ce moment depuis son réveil. Elle n'avait pas envie de le faire. Mais elle avait besoin de se financer, de financer ses livres, de financer ses syllabi... Elle n'avait pas le luxe de se questionner quant à ses envies et ses états d'âmes. Du moins, elle ne se l'autorisait pas, même si Evan lui avait répété qu'elle n'avait pas besoin de se tuer à la tâche, qu'il pouvait très bien l'aider financièrement. Mais c'était se retrouver dépendante de lui, et cela, elle ne le supportait pas. Elle avait candidaté pour plusieurs jobs étudiants moins précaires, espérant trouver quelque chose pour l'année académique suivante.

- Tu es sure que tu veux y aller ?

La question, posée depuis la porte entre-ouverte, la fit lever les yeux. Evan se tenait là, bras croisés sur sa poitrine, ses sourcils légèrement froncés.

- Je ne veux pas, je dois, répondit-elle dans un soupir.

- Tu accepterais de travailler pour la Meute? 

- Tu vas inventer un job pour légitimer le fait de me donner des sous? sourcilla-t-elle, peu ravie qu'il essaie de se jouer d'elle.

- Non, je te respecte bien trop pour cela, sourit-il.

Son sourire, sincère et rassurant, la plongea dans un apaisement qui détendit ses épaules crispées depuis son réveil et défronça ses sourcils. Être une Luna ne lui plaisait pas pour cela seulement : il l'apaisait pas sa seule sincérité. Et puis bon, comment rester fâchée sur quelqu'un qui ne peut qu'être sincère et bienveillant avec elle? Il disait que le lien l'empêchait d'agir autrement. Elle se demandait parfois si seul le lien créait cette sympathie ou s'il y avait quelque chose de plus profond, quelque chose qui n'est pas destiné mais qui est crée...

- Evan, est-ce que tu es attaché à moi ou est-ce que le lien t'a attaché à moi?

La question posée hors contexte, la fit rougir en quelques secondes. Elle regrettait d'avoir ouvert la bouche. Elle regrettait d'avoir demandé. Elle ne voulait pas savoir ! Parce que ses mots à lui pouvaient la blesser, et elle en prenait peu à peu conscience...

Evan n'eut le temps de répondre, elle saisit sa veste de travail, ses bottines, et se précipita hors de la chambre en hurlant :

- Je vais travailler, salut !

Evan la regarda filer, la sachant rouge de gêne. Sa question était légitime. Elle doutait. Elle avait été si souvent  abandonnée par ceux sensés être là pour elle qu'il s'attendait à cette question, à ses doutes. 

Il rejoignit son bureau où Isaac était occupé à trier le courrier reçu, le classant par son ordre de pertinence sur le bureau de son Alpha.

- Je vais garder un œil sur ma Luna, annulez tous mes rendez-vous, ordonna-t-il à Isaac, son bêta.

- Tu avais rendez-vous avec Lio, gémit le bêta. Il est là pour parler du Plan Canal... 

- Ce n'est pas aussi important que mon âme sœur qui doute de la sincérité de mon engagement, grogna avec agacement Evan en s'en allant.



Au Nom de ma Liberté...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant