''Où le soleil est tout noir'' Ouidad

17 3 1
                                    

Cenec n'était pas ravi. Il était l'Alpha néolouvaniste qui avait marqué l'histoire, qui avait mis à genoux les meutes traditionnelles. Il était un porteur des valeurs de la redpill, alpha avec à ses pieds des bétas et des simps. Il avait compris, lui ce qu'était la matrice. La matrice qui est une fabrication rendant le monde aussi mauvais qu'il l'était. Il avait compris, lui, que les soldats de la vérités sont les alphas qui savent, qui sont conscients du monde, face à ces suppôts de Satan qui avaient corrompu mes meutes traditionnelles.

La Red Pill... Soit la conscience du monde que Néo lui même avait pris sans regrets. Ouvrir les yeux, matérialiser son soi. Car en plus d'être un Alpha, il était un Homme, le sexe fort béni de Dieu. Il le savait, il ne se laissait plus matrixer par les personnes non éveillées qui était des bétas ou des simps...Ah les simps... Ces bétas qui ne comprennent rien et sont des larbins à la botte de la féminité désirant tout contrôler.  Les femmes sont toutes des menteuses, il le savait, les alphas de la Vérité, le savent.

Il semblait que l'Alpha Ratayon avait perdu de sa valeur : il avait laissé cette femme misérable et insolente devenir sa Luna, lui conférant un pouvoir et un statut qu'elle ne méritait pas : car elle était une féministe, matrixée par la matrice, agent de la matrice, là pour déstabiliser la manosphère. Il l'avait vue sur les photos de ses soldats de la vérités lorsque ceux-ci avaient infiltré des manifestations féministes dangereuses pour la manosphère... Elle militait contre l'odre naturel des choses: la masculinité divine qui contrôle la féminité soumise et sa nature sacré à préserver de la perversité de la matrice qui les pousse vers la dépravation et hypergamie féminine...

Les femmes comme celle-là dans le jeu de la séduction, qui connaissent les règles du jeu de la sexualité, des règles qui ne sont pas offertes aux hommes, les réduisant à des status de bétas. La société des femmes qu'est la matrice en les protégeant... Beaucoup de gens sont aveuglés par la matrice. La friendzone et la sexzone sont la preuve de ce game qui est manipulé, orchestré, mis à mal par les femmes, le féminin se voulant et pensant sacré...

En sortant du manoir des Leaders Vampires, il n'était que colère : pourquoi Med avait laissé faire ça?Laissé une Luna assister au déroulement des affaires interspèces ? Laisser CETTE Luna, le mépriser au point où son départ était la seule solution s'il ne voulait pas mourir en un battement de cil, en voyant les vampires lui ôter son souffle vital dans un soupir ? Il était en colère et avait besoin de trouver un moyen de prouver à Ratayon que cette Luna n'avait aucune valeur...


☆☆☆

Med se tenait assis à son bureau, lisant un rapport sur les derniers liens conclus par la meute néolouvaniste sous la coupe de ce jeune Alpha impétueux qu'était Cenec. Il avait entendu des rumeurs sur des pratiques peu scrupuleuses qui avaient mené à des passages à tabac d' individus à Louvain-La-Neuve, menant à pas mal d'indignation et remous dans la stabilité du Monde des Créatures.

Devant lui, assis sur son canapé,  la jeune Luna  lisait un rapport semblable. Elle ne s'était pas apaisée malgré le départ de la délégation néolouvaniste. Il se demandait ce qui avait animé tant de  colère en la jeune fille qui avait plongé corps et âme dans le stage pour ne plus penser à tous les tracas qui malmènent  son quotidien depuis ce malencontreux heurt à vélo contre Whyte...

- Que s'est-il passé entre vous et cet individu, demanda-t-il sans détours.

Aéna leva les yeux de son rapport. Sourcils froncés, profondément écœurée et en colère, elle crispa son fin poing, disant dans un agacement certain :

- Il est connu à Louvain-La-Neuve.

- Une meute connue de mortels, sourcilla Med.

- Ils forment une bande de mascus anti-femmes qui s'en prennent aux colleuses.

- Des colleuses ? 

- Des féministes qui font du collage pour dénoncer, c'est s'approprier l'espace public en quelques noms, mots, pour militer pacifiquement.

- Oh. J'en avais certes déjà lu sur les murs des villes. Intéressant comme concept, cela capte le regard, le choix du noir et blanc rendant le rouge encore plus poignant...

- Un jour, je collais avec des amies, ils ont débarqué et ...

Elle se tut, la gorge nouée, ce souvenir lui donnant la chair de poule. Fébrile, elle poursuivit, son timbre inquiétant le vampire millénaire qui se redressa sur son siège, prêt à la soutenir si elle venait à vaciller :

- Ils avaient des tuyaux, des battes, nous étions six, ils nous ont rouées de coups... Je... Je ne me souviens plus de tout. Ils m'ont frappée à la tête. Je voyais trouble... Mais ils ont... ils ont...

- Ne poursuivez pas si cela est trop difficile, tenta de l'arrêter Med, soucieux de la voir pâlir.

- Elle est morte. Ann est morte. Ils l'ont forcée à avaler. Tout... Toute la colle. Ils la tenaient. Parce qu'elle se battait... Ils lui ont versé la colle dans....

Aéna poussa un cri de colère, sa main claquant sur le bureau, entre rage et désespoir, entre culpabilité et horreur. Elle avait entendu ses cris, son étouffement, leurs rires, à moitié assommée à terre, incapable de se relever, incapable de se battre, incapable d'aider Ann qui se mourrait à petit feu, accompagnée de rires abjects et gutturaux...

- Vous seriez morte si vous aviez pu vous relever, vint la confronter la voix paisible et pragmatique de Med.

- Ils voulaient toutes nous tuer, toutes... Ils nous ont laissées par flemme. Ces enfoirés n'ont pas leur place dans des accords ou alliances, ce sont des monstres avides de domination et violence, siffla Aéna.

Med sourit à cette hargne qui étouffait sa peine et son deuil. Il glissa :

- Vous êtes Luna : vos mots ont poids d'autorité, la meute Ratayon ne fera rien que vous désapprouvez. Surtout si vous êtes impliquée par la chair.

- La chair ?

- Ah, jeune Luna... Ce souvenir que vous m'avez partagé, croyez-vous qu'il a échappé à la conscience collective ?

Elle rougit de gêne, prenant conscience de ce qu'il devait se passer un peu partout dans Bruxelles.



Au Nom de ma Liberté...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant