Chapitre 36

61 7 1
                                    

Les jours et bientôt semaines défilent, bien différentes de ce que je vivais jusqu'alors. Je ne me cache plus pour aller travailler et j'ai réduit mes horaires de moitié, rendant ma vie plus simple et moins fatigante. Pour palier à cette chute de salaire, Maman s'est remis à travailler le dimanche, matin uniquement, pour continuer à passer du temps avec Camille l'après-midi. Nous sommes très juste financièrement, mais au moins, nous nous soutenons mutuellement et gagnons pile ce qu'il nous faut pour payer le loyer et manger à notre faim. Nous n'avons aucune nouvelle de Gérard et impossible de savoir si notre plan à Lucie et moi a fonctionné. Tout ce que nous avons reçu à ce sujet, c'est une lettre du tribunal nous annonçant que le rendez-vous est décallé à après le nouvel an. C'est loin de signifier qu'il s'agit d'une victoire, mais en tout cas, ça nous laisse un peu de temps.

La température a bien chuté à Paris, j'ai ressorti mon manteau et mon bonnet, attendant avec impatience les premières chutes de neige qui ne devraient plus tarder, si l'on en croit le journal du matin. Ma vie au lycée est également devenue plus agréable, surtout les cours de français, à ma plus grande surprise. Notre dernier devoir en binôme m'a fait valoir un entretien privé avec la professeure à la fin du cours, où elle a vivement commenté ma partie, des flammes dans ses iris. "Je vois que tu saisis enfin ce que j'attends d'un élève de terminal. Tu as été le seul à réellement comprendre mon si cher Rimbaud..." a-t-elle dit. Elle est ensuite partie dans des divagations sans fin à propos de son grand héro, et j'avoue que, bien que je commence à apprécier ce poète, je ne suis pas encore prêt pour des monologues interminables à son sujet. Elle a également fait mon éloge devant toute la classe et, bien évidemment, ça a rendu fou de jalousie Pierre-Alain, qui ne m'a pas lancé une seule remarque sarcastique depuis lors.

Concernant Lucie, elle a été expulsée une semaine, à cause du poing dans la figure de Mr. Fayot. Visiblement, elle n'a pas réussi à être assez convaincante avec ses fausses larmes. Je la soupçonne plutôt d'avoir été insultante avec le proviseur...

Maman a revu plusieurs fois ce Fréderic de l'association, avant de nous le présenter officiellement, à Camille et moi. C'est un homme doux, avec lequel je me suis tout de suite entendu. Je l'ai vu regarder ma mère avec ces yeux plein d'affection... et me suis tout de suite dit que c'était une bonne personne pour elle. D'ailleurs, elle semble, cette fois-ci, complètement et sincèrement remise de sa séparation avec Gérard et ça, ça me comble au plus haut point.

Quant à moi, seul à la maison en ce mercredi matin avant d'aller en cours (maman étant au travail et Camille, déjà à l'école), je suis interrompu par la sonnerie du téléphone, pendant mon petit déjeuner passé à réfléchir à des choses stupides auxquelles on peut penser lorsque l'on mange ses céréales du matin, telles que "pourquoi les poules ne volent pas ?" ou encore "qu'est-ce qui se passerait si tous les habitants du monde sauteraient en même temps ?". Enfin bref...

Je m'essuie la bouche avant d'aller décrocher.

— Allô ?

— ...Salut... répond une voix hésitante que je ne reconnais pas immédiatement.

— Bonjour, qui est-ce ?

— C'est moi... Noam...

Mon sang se fige instantanément dans mes veines. Noam... NOAM !? Des tonnes de pensées envahissent soudainement mon esprit... qu'est-ce qu'il me veut ? On ne s'est pas reparlé depuis ce soir là... Enfin, je l'ai revu quelques fois au club, mais il était avec ses amis et se contentait de m'observer de loin.

— Je... je suis désolé de te déranger... reprend-il. J'ai demandé ton numéro à la gérante du club... comme tu ne me l'avais jamais donné...

Je retiens mon souffle, écoutant chacun de ses mots avec une concentration extrême, ne souhaitant pas en rater une miette.

La double vie de Raph'Où les histoires vivent. Découvrez maintenant