La soirée se termine avec un Gérard bien alcolisé, que je raccompagne jusqu'à chez lui. Sur le chemin, vu son état, il n'est pas bien difficile de glisser les clés, que m'a remis Lucie, dans la poche de sa veste. Une fois que nous nous séparons, je retrouve cette dernière sur le quai du RER C, où nous effectuons une partie du trajet ensemble, parlant de tout et n'importe quoi, nous félicitant encore mutuellement pour le succès du MPEPPLVDD. Plus qu'à attendre de voir si ça va marcher...
Il est environ minuit lorsque nos chemins se séparent, moi continuant à pied et elle, devant prendre l'un des derniers bus.
— T'as bien prévenu Fabuela cette fois ? je lui demande, un tantinet suspicieux avant de partir.
Elle fait sa fameuse moue grognon, que je commence à apprécier.
— Ouais ouais. Je crois que p'tet j'ai un peu... déconné... la dernière fois. Fin'... elle s'est vraiment inquiétée quoi quand je suis pas rentrée et tout...
Elle se dandine d'un pied sur l'autre, visiblement mal à l'aise. Elle a l'air d'avoir compris que sa mère l'aime et tient à elle... cette nouvelle me rends étonnament heureux.
— Déconne plus alors, je lui lance avec un sourire.
— On verra Monsieur-Je-Suis-Raisonnable.
— Monsieur-Je-Veux-Pas-Que-T'aies-Des-Problèmes plutôt.
Elle détourne le regard et malgré la nuit tombée, je peux apercevoir un virement de couleur sur ses joues. Elle grommelle quelque chose avant de partir prendre son bus précipitemment. Est-ce que je l'ai vexée ? Impossible à dire.
**
La semaine suivante, au lycée, je rejoins la salle de français à contre coeur, sachant pertinemment que ça va être l'enfer, comme d'habitude, mais qu'en plus, cette fois, j'ai cinq minutes de retard parce que Camille faisait son boudin pour ne pas aller à l'école ce matin.
— Tiens, tiens, Monsieur Droux quelle surprise, siffle méchamment la professeure.
Bien évidemment, Pierre-Alain et Alicia, au premier rang, sont les premiers à s'esclaffer. Ma seule consolation est de voir la grosse tâche violacée sous l'oeil de ce fayot de première et d'éprouver une bouffée d'affection pour Lucie.
Les autres élèves me regardent simplement d'un air curieux, se demandant probablement pourquoi je me mets toujours dans la mouise. Mon regard croise celui d'Hugo, qui me lance un sourire compatissant.
— Désolé... je réponds en tentant de ne pas rougir, j'ai eu un soucis avec ma...
— ... Oui oui je n'en ai que faire de vos excuses Raphaël, me coupe-t-elle sèchement. Allez plutôt vous asseoir... mmh... à la place d'Alicia. Alicia, veuillez vous installez au fond s'il vous plaît, je sais que vous n'aurez tout de même aucun mal à suivre.
Oh pitié...
L'intéressée ouvre la bouche de frustration, mais étant trop lèche-botte pour oser contester une requête de la professeure, elle rassemble ses affaires et va vers sa nouvelle place. Quant à Pierre-Alain, il semble au bord de l'arrêt cardiaque qu'un mauvais élève tel que moi puisse se situer à moins d'un mètre de lui. Je m'assois en silence, sors mes affaires et l'ignore complètement.
Le cours avance, nous parlons encore de ce Rimbaud. Souhaitant augmenter un peu ma moyenne, je fais tout mon possible pour me concentrer cette fois et prendre des notes, ne pouvant toutefois m'empêcher de baîller de temps à autre, sous le regard outré de la professeur. Je mets ma main devant ma bouche pourtant, elle veut pas arrêter sa fixette sur moi non ?
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La double vie de Raph'
RomanceParis, 1991. Raph est à première vue un lycéen comme les autres. Il est assidu en cours, a quelques bons amis et s'entend plutôt bien avec tout le monde. Cependant, ce que les autres ignorent de Raph, c'est qu'à la nuit tombée, il revêt perruque, ma...