Chapitre 34

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Une vive lumière me fait ouvrir les yeux. J'ai l'impression de sortir la tête d'une eau trop chaude, mes sinus sont douloureux et mes paupières très lourdes. Je me tords le cou pour voir où je suis. Les quatre murs familiers de ma chambre me rassurent, je suis à la maison, dans mon lit... trempé. J'ai beaucoup trop transpiré pendant... combien de temps s'est-il écoulé au juste ? En voulant jeter un œil à mon radio réveil, mon regard se pose sur une silhouette que je n'avais pas remarquée. Affalée sur ma chaise de bureau, Lucie dort paisiblement. Elle était donc vraiment là je n'ai pas halluciné... Est-elle restée à mon chevet tout ce temps ? L'inconfort de sa position m'indique qu'elle est restée jusqu'à s'épuiser, il faut être mort de fatigue pour pouvoir s'endormir ainsi...

Au fur et à mesure que mes pensées s'assemblent de manière plus au moins cohérente, le souvenir de ma dernière nuit au club revient m'assaillir, tel un marteau venant fracasser ma poitrine. J'ai été violemment rejeté. Ça fait mal. Je m'en doutais, je savais que ça finirait mal et c'est entièrement de ma faute... ce qui n'empêche pas la douleur d'être bien là, me poussant à rester au lit et à ne plus en sortir.

Cependant, savoir que Lucie est restée près de moi tout ce temps écarte momentanément mes pensées sombres. C'est uniquement parce qu'elle est là que je trouve la force de me redresser en position assise sur mon matelas, faible certes, mais réveillé. La moiteur de mon pyjama et de mes draps me procurent un intense sentiment d'inconfort mais pour le moment, je ne suis pas sûr de pouvoir me lever.

Lucie bouge, grogne un peu, sa tête part sur le côté et elle manque de tomber de sa chaise, se réveillant en sursaut.

— Hein qu'est ce que...!? s'écrie-t-elle avant de réaliser où elle est.

— Salut, je murmure d'une voix éraillée.

Elle se tourne vers moi, les yeux grands ouverts à présent. Quittant son siège comme un ressort, elle me tombe presque dessus.

— Raton laveur t'es réveillé ! Comment tu te sens ? Attends une seconde...

Je n'ai même pas le temps de dire ouf qu'elle fourre un thermomètre dans ma bouche.

— Mmmm mmm mmmmm ! je proteste.

— Chut reste tranquille ! Tu préférerais la version annale ?

Je secoue vivement la tête, toutefois amusé. Je suis vraiment heureux qu'elle soit là...
Lorsque le thermomètre fait biiip, elle l'enlève d'entre mes lèvres et le lit.

— Ta fièvre est tombée ! Faut te nourrir maintenant !

Elle part précipitamment, me laissant seul. Je tente de me lever, désirant enlever mes habits humides mais je retombe aussitôt lourdement sur mon lit. Je suis officiellement devenu une larve...
Une dizaine de minutes plus tard, la porte de ma chambre s'ouvre à la volée. Lucie revient avec un plateau chargé d'une tisane à l'hibiscus, de pain beurré avec de la confiture et des œufs brouillés encore fumant. Elle dépose le plateau sur mes genoux, m'ordonnant de tout manger jusqu'à la dernière miette. Je la remercie en sentant mes joues virer au rouge...
Maman et Camille nous rejoignent tandis que je commence à avaler mon repas par petites bouchées.

— Mon chéri ! s'exclame maman en déposant un baiser sur le haut de mon crâne. Lucie m'a dit
que ta fièvre est enfin tombée, tu te sens mieux ?

— Oui, je crois.

— Un docteur est venu t'examiner, tu étais dans les vapes donc pas sûr que tu t'en souviennes. Il a été plutôt rassurant, tout va bien, il a dit que ça ressemblait plutôt à un très gros surmenage.

Lucie et moi ne disons rien, sachant tous les deux très bien pourquoi je suis surmené... Camille sautille devant mon lit, ne tenant apparemment pas en place.

— Raph va pas mourir ! Raph va pas mourir ! crie-t-elle.

— Mais non je vais pas mourir Camille...

Je bois une gorgée de tisane et la sensation de chaleur descendant dans ma gorge irritée est des plus agréables.

— Tout de même... reprend maman l'air songeuse, je me demande bien pourquoi tu es surmené. Tu vas souvent te coucher très tôt, je ne comprends pas...

Mes œufs brouillés passent difficilement tandis que l'embarras s'empare de moi. Je jette un coup d'œil à Lucie, qui hoche la tête affirmativement sans rien dire. Elle a raison... je ne peux plus garder le secret, ça devient bien trop lourd.

— Je... je vais tout t'expliquer maman. Est-ce qu'on pourra discuter en privé... demain ?
Elle semble surprise mais hoche la tête.

— Bien sûr, demain, c'est dimanche, je ne travaille pas, on aura tout le temps de parler...

Regardant sa montre, elle ajoute d'une voix morose :

— En parlant de travail, il va falloir que je file... je suis déjà en retard... Je te laisse entre de bonnes mains Raph, dit-elle en lançant un clin d'œil à mon amie.

— Oh non maman tu pars ? commence à pleurnicher ma petite sœur.

— Oui ma puce mais aujourd'hui tu viens avec moi ! Il faut laisser ton frère se reposer.

— Aaah trop bien ! crie le monstre miniature.

Toutes deux s'en vont après avoir chacune déposé un baiser sur ma joue.

Je termine mon petit déjeuner en silence, tandis que Lucie, souhaitant me laisser manger tranquillement, écoute de la musique en regardant par la fenêtre. L'atmosphère est calme, apaisante, le petit matin grisâtre que l'on devine à travers les rideaux semble paisible et silencieux. Une fois le ventre plein, je me sens un peu moins faible et nauséeux. Je dépose le plateau sur le sol, au pied de mon lit et tente de me lever.

— Hep hep hep, siffle Lucie en enlevant son casque et me rejoignant en deux pas. Où est-ce que tu comptes aller comme ça ?

— Je... il faut que je me change, mes vêtements sont... trempés, admis-je en rougissant légèrement.

— Tu peux à peine tenir debout ! Je vais t'aider.

Un gargouillis de gêne s'échappe de ma gorge.

— Hein quoi m'aider ? Mais non je veux pas que tu me voies sans... habits.

Elle éclate de rire.

— T'es tellement pudique. Relax, je vais pas te mater.

— Mais...

— Arrête de discuter et viens, je vais t'aider à te laver.

— Quoi !?

Rouge de honte, je me laisse traîner jusqu'à la salle de bain, sentant ma tête tourner violemment, m'indiquant que je ne peux pas rester debout longtemps.

— Je vais vomir...

— C'était peut-être trop d'effort pour toi d'un coup attends retiens toi j'ai pas envie que ton petit déjeuner ressorte !

Facile à dire. Je m'appuie contre le mur carrelé, fermant les yeux pour faire cesser cette nausée, tandis que Lucie me laisse un instant, revenant avec une chaise en plastique qu'elle place près de la bouche d'évacuation de notre douche à l'italienne.

— Tiens assieds-toi, dit-elle en m'y aidant.

La Terre cesse de tourner, je me risque à ouvrir les yeux. Lucie prépare une bassine d'eau chaude et prend un gant propre dans l'armoire.

— Tu... tu vas vraiment me laver ? je demande avec une bouffée de gêne.

— Oui. Allez arrête un peu de faire ton timide et déshabille toi.

— Quoi...?

— Tu vas quand même pas être sous l'eau avec ton pyjama !

— Ok... mais j'enlève pas mon caleçon alors...

— C'est pas vrai quel prude...

Je lui tire la langue en me déshabillant, évitant son regard tandis que je me retrouve en caleçon sur ma chaise, les joues aussi rouges qu'une tomate.

— T'es maigrichon ma parole.

— Roh ça va hein ...!

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'elle verse la bassine d'eau chaude sur mon corps, j'étouffe un cri de surprise alors que le doux liquide ruisselle de mes cheveux à mes pieds. Après ces jours passés dans mon lit, ça fait un bien fou de me débarrasser de toute ma transpiration fiévreuse.

Lucie me savonne et me frotte avec le gant, je ne peux même pas la regarder faire, tant je suis embarrassé qu'elle s'occupe ainsi de moi. Lorsqu'elle lave mon bas ventre, à la lisière avec l'élastique de mon caleçon, je rougis de plus belle.

— Pas plus bas hein ! je proteste.

— Fais le toi-même alors, il faut bien se laver là aussi !

Je lui dis de se retourner alors, baissant mon sous vêtement gorgé d'eau le temps de me savonner. Avant que je n'aie le temps de remonter mon caleçon, j'aperçois sa petite tête vicieuse se retourner pour me regarder avec un grand sourire pervers.

— Lucie ! je m'écrie en remontant précipitamment le tissu sur moi.

— Quoi ? J'ai jamais dit que tu pouvais me faire confiance.

Elle rit de bon cœur tandis que je me renfrogne, sentant une vague de timidité m'envahir à l'idée qu'elle m'ait vu nu comme un ver. Elle s'applique à présent à tartiner mes cheveux bruns de shampooing, qu'elle fait mousser à l'aide de ses doigts. Un bien être s'empare de moi et je me laisse me détendre, savourant ce massage improvisé.

Mon amie remplit une nouvelle bassine, qu'elle me verse sur la tête. Je regarde toute la mousse couler le long de mon corps avant de disparaître vers la bouche d'évacuation. Elle me rince encore quelque fois, puis, attrape une grande serviette et m'enroule dedans. Cette fois, je laisse glisser mon caleçon le long de mes jambes avant de m'en débarrasser et de resserrer la serviette autour de mon corps. Je me sens enfin propre, ça fait un bien fou.

Revigoré, je me sens la force d'aller m'habiller tout seul. Lucie me dit qu'elle va m'attendre dans le salon. Je la remercie pour cette douche en baissant les yeux, puis vais m'habiller avant de la rejoindre.

La double vie de Raph'Où les histoires vivent. Découvrez maintenant