2.

797 27 9
                                    

Voilà plusieurs heures que je roulais lorsque je vis enfin la devanture du lieu que ma mère m'avait indiqué par message. Il semblerait que mon père était devenu patron d'un garage dans le 92. À Clamart. Voilà que j'allais vivre en région parisienne, moi qui avait connu que les petites villes de Bretagne.

Je me garai précipitamment sur le parking lorsque je le vis, debout derrière la grande fenêtre d'un bureau. Heureusement que j'avais fait des recherches sur internet sinon je ne l'aurais jamais reconnu. En dix ans, la vieillesse avait largement eu le temps de s'installer.

Je ne savais pas comment gérer la situation, dire que j'étais en colère serait un euphémisme : j'avais envie de cramer la terre entière. Je ne comprenais pas pourquoi d'un coup monsieur voulait s'occuper de sa fille ni pourquoi ma mère acceptait de me laisser dans les bras d'un inconnu. Les hommes c'était tous les mêmes et je n'avais pas confiance.

Je tapai dans l'épaule d'un gars que je ne pris même pas le temps de regarder. S'il y avait un truc qu'on pouvait dire de moi c'était que j'étais ambitieuse alors quand je voulais un truc je fonçais dans le tas sans m'arrêter jusqu'à atteindre mon objectif.

À cet instant, j'avais envie de tuer mon père.

Toute mon ambition s'évanouit lorsque je claquai la porte derrière moi. Son odeur me projeta des années en arrière lorsqu'on se câlinait dans le canapé.

« C'est trop tard pour rattraper le temps perdu, crachai-je d'emblée

Il hocha la tête, calmement.

Je comprends pas comment t'as pu accepter de me faire venir ici, tu pouvais pas refuser ? Maman t'a proposé de l'argent pour m'héberger ? Pourquoi tu fais ça putain ?
Je sais que t'es en colère Esmeralda...
En colère ?! Mais t'as pas idée de ce qui me traverse l'esprit quand je te regarde je te jure ! Pourquoi t'es pas revenu plus tôt ? Pourquoi t'as attendu que ce soit moi qui vienne à toi ?!
Écoute, on est sur mon lieu de travail et mes employés ne vont pas tarder à arriver. Laisse-moi le temps de parler à mon équipe et on ira parler ensuite d'accord ?
Non putain non, je t'ai attendu toute ma vie bordel ! J'en ai marre de t'attendre !

J'étais monté sur mes grands chevaux et je savais à quel point je pouvais être énervante quand je criais comme une poissonnière. J'avais trop encaissé son absence pour rester insensible aujourd'hui. Je posai mes paumes de mains sur mes yeux pour essayer de maintenir la migraine qui voulait se réveiller.

Ouais, je me donnais mal au crâne à moi-même.

Ce fut là que je les entendis, ses sanglots. J'étais tellement en colère que je ne l'avais même pas regardé alors quand j'ouvris les yeux, je découvris qu'il pleurait. Décidément, c'était une manie chez moi de faire pleurer mes parents.

Je m'avançai rapidement pour l'encercler de mes bras, ce fut comme un réflexe, je n'avais pas réfléchi. Ses bras ne tardèrent pas à me serrer contre lui à son tour et je fermai les yeux quelques secondes.

Si tu savais comme je suis désolé, sanglotait-il, je te souhaite malgré tout un bon anniversaire même si j'aurais voulu être présent pour tous les précédents.
Tes excuses n'y changeront rien. »

Fin de la discussion. Mon cœur était trop à l'agonie pour que je reste dans la pièce avec mon géniteur. Moi aussi j'avais envie de chialer mais je refusais de faire ça devant un homme. Montrer mes faiblesses n'était pas envisageable.

J'allais me poser sur le capot de ma voiture. J'allais sûrement devoir attendre le midi pour qu'il m'amène chez lui alors en attendant il allait falloir que je trouve une occupation sur ce parking de malheur.

« T'en veux un ?

Je me redressai légèrement pour regarder la personne qui venait de m'adresser la parole. C'était sûrement le mécano que j'avais poussé tout à l'heure ou alors ils avaient vraiment tous la même tenue. Il me montrait un café dans un gobelet en plastique. Je m'assis puis tendis ma main pour récupérer la boisson. J'avalai une gorgée puis fis une grimace. Ce café était degueulasse.

Je galère à me servir de la cafetière, se justifia-t-il, j'ai du sucre si tu veux.

Il sortit de sa poche quelques sachets de sucre et j'en pris deux dont je vidai le contenu dans mon gobelet. Je plongeai mon doigt dans le contenant pour mélanger puis aspirai mon doigt entre mes lèvres. Ok, c'était nettement meilleur.

Merci, finis-je par dire

Il apporta son gobelet à ses lèvres en me détaillant. Je ne m'étais même pas présenté, le gars devait me prendre pour une folle d'incendier son patron.

Je m'appelle... commençai-je
Je sais qui tu es, Esmeralda, me coupa-t-il, ton père m'a parlé de toi.
Oh, ok, soufflai-je. Et toi ? Je suppose que tu ne t'appelles pas Bob le bricoleur ?
En effet, ricana-t-il, je m'appelle Mathieu. Je suis apprenti dans le garage de ton père depuis un bon bout de temps maintenant.
Je crois qu'on va être amené à pas mal se croiser dans les prochaines semaines alors, enchantée. »

copine • plk Où les histoires vivent. Découvrez maintenant