« En quoi ça te regarde, petite fouine ? »
J'avais demandé à Mathieu pourquoi est-ce qu'il avait eu besoin de poser quelques jours de congés. Je n'avais jamais répondu à sa réponse. Évidemment. Vivre dans le feu de l'action c'était ma marque de fabrique mais lorsque l'adrénaline redescendait, je réalisais à quel point j'étais conne. Pourquoi lui avais-je envoyé un message, sérieusement ? À quoi je jouais, à pactiser avec l'ennemi, celui qui me volait mon père sans scrupule ?
La semaine d'absence de monsieur Pruski, comme son contrat le stipulait, s'était écoulé un peu trop vite à mon goût. Je n'étais pas prête à le revoir. Et encore moins depuis que Suzy m'avait envoyé un MAIL pour me décrire tout ce qu'elle avait trouvé sur Mathieu. Elle avait même fait des PARAGRAPHES. J'avais l'impression de lire une dissertation.
Mathieu Pruski était un rappeur qui se faisait appeler PLK dans le milieu. Son absence était dû au fait qu'il était sur le point de faire une tournée de concerts avec son groupe « Panama Bende ». Ils avaient sorti un album récemment et lui avait sorti une mixtape en solo.
J'avais arrêté de lire le mail de Suzy après avoir eu ces infos, c'était déjà largement suffisant. Je m'étais juste demandé pourquoi est-ce qu'il s'absentait, j'avais pas besoin de savoir sa couleur préféré, et le nombre de joints consommés en moyenne. Ma meilleure amie était une psychopathe.
Je m'étais reclus dans le grenier, l'avantage ici c'était qu'il y avait un panorama vitré par lequel je pouvais voir tout ce qui se passait en dessous, dans le garage. Sa petite tête blonde était arrivée un peu trop tôt à mon goût. Je m'étais reculé très vite, de peur qu'il lève la tête, et je m'étais laissé tomber dans le canapé convertible.
POINT DE VUE MATHIEU
La petite d'Henry s'était endormi sur ce qui était apparemment mon clic-clac. Je n'arrivais pas à croire que mon patron m'ait prévu une telle chose et surtout je ne pensais pas mériter tout ça.
Cependant, je me faisais une joie d'avoir enfin un petit endroit à moi dans lequel j'allais me reposer. C'était d'ailleurs ce que j'avais prévu de faire lors de ma pause du midi. Le rythme répétitions, studios, interviews et garage me tuait.
J'abandonnai mon gros sac de sport dans un bruit sourd et Esmeralda sursauta. Je pouffai de rire, elle avait de la bave au coin des lèvres et une grosse trace rouge sur l'une de ses joues.
« Ah ouais ça taffe dur, lançai-je
Elle grogna avant de se relever difficilement comme si elle était toute molle. Je pris le temps d'observer la pièce.
Un canapé gigantesque noir convertible. Une petite table basse blanche. Trois gros poufs qui avaient l'air tout doux. Des rideaux noirs effet satin étaient accrochés au niveau de la grande baie vitrée qui donnait sur le rez-de-chaussée. J'allais adorer cet endroit.
— Je t'ai manqué ou quoi ? Ajoutai-je en ricanant
— Ego surdimensionné, marmonna-t-elle en se dirigeant vers l'escalierJ'accélérai le pas pour la retenir par le bras. Elle osait vraiment me tourner le dos et faire comme si elle ne m'avait pas envoyé un message quelques jours plus tôt ? Elle jouait à quoi celle-là ?
— Eh attends !
Elle me fit face tout en me dévisageant. J'observai ses lèvres se pincer entre elles, elle avait envie de sourire.
— J'allais te chercher un café, m'informa-t-elle
— Ah ouais ?
— Je sais pas si t'as vu la sale gueule que t'as mais tu m'as l'air d'en avoir bien besoin. »Elle baissa ensuite ses yeux sur ma main qui la retenait toujours par le bras. De son autre main elle retira sèchement la mienne et descendit les escaliers aussi vite qu'elle le pouvait.
Moi, je restai debout comme un con.
Avec le début de célébrité auquel je faisais face avec les gars du Panama, j'avais du mal à garder les pieds sur terre. J'avais plein de meufs sur mes côtes et mon cerveau commençait à assimiler ça comme la normalité.
Le pire était que je savais que ces meufs n'étaient pas sincères. Avant, quand je n'étais qu'un cas social de la cité, elles me donnaient même pas l'heure. J'en profitais maintenant que c'était facile.
Esme semblait toujours me voir comme le cassos que j'étais, c'était autant perturbant que satisfaisant.
Je me laissais tomber dans le canapé, afin de tester la qualité du mobilier mais aussi parce que j'étais éclaté de fatigue et que fermer les yeux deux secondes ne me feraient pas de mal.
Je sursautai lorsque je sentis quelque chose me caresser la main. Je m'étais endormi ? J'avais l'impression d'avoir fermé les yeux seulement deux secondes. J'ouvris les yeux et me rendis compte que j'étais toujours seul.
Je baissai les yeux sur ce qui m'avait chatouillé.
« Putain de merde, c'est quoi ça ?! Esme !
J'avais bondi du canapé pour m'écarter le plus loin possible de la petite bête qui s'était baladé sur ma main quelques secondes auparavant. Je ne savais même pas ce que c'était, putain. Ça ressemblait à une feuille mais ça n'en n'était pas une.
Pendant que j'étais en train de paniquer sur l'insecte qui squattait le grenier, j'entendis quelqu'un courir dans les escaliers et le rire d'Esmé me vexa immédiatement.
— Oh t'as rencontré ton animal de compagnie !
Je la dévisageai.
— Mon quoi ?!
J'étais en train de perdre la tête ou quoi ? Je la regardai s'approcher du canapé pour récupérer l'insecte. Elle ouvrit sa main pour que la petite chose se balade à l'intérieur de son bras. Esmeralda tenta de s'approcher de moi mais je bondis en arrière.
— Récupère ton café bolosse, se moqua-t-elle en tendant le gobelet
— Je récupère mon café mais toi tu récupères ta chose et tu la ramènes chez toi, on est où là ? C'est pas jardiland ici.Elle explosa de rire avant de glisser la bête dans sa boîte que je ne remarquai qu'à l'instant. Quand elle referma le couvercle, je repris mon souffle.
— C'est pas la petite qui va manger la grosse, tu sais ?
— Rien à foutre.
— Bon, on l'appelle comment ? J'avais quelques idées mais je me suis dit que tu voudrais choisir.
— Je garde pas cette merde, décrétai-je
— Je te trouve vachement ronchon aujourd'hui mon cher monsieur Pruski.Elle n'avait pas tord, sa bonne humeur me tapait sur le système. J'avais l'impression qu'on était sans cesse en décalage, elle et moi.
— Quasimodo, lâchai-je entre mes dents serrées
Elle me demanda de répéter, mais je voyais la joie habiter ses yeux. Elle était maline, elle savait qu'elle avait gagné.
— On va l'appeler Quasimodo. »

VOUS LISEZ
copine • plk
Fanfiction• AMOUR : [amu:r]. Subst. masc. Fleuve d'Asie s'étendant sur 4354km depuis la source de l'Argoun. Exemple : Tous les soirs, du haut du pont, il pissait sur l'Amour. Si vous pensiez lire une simple histoire d'amour, il est préférable que vous pass...