« On va vraiment monter dans cette voiture ? Bégayai-je les yeux grands ouverts
— Je dois l'essayer pour m'assurer qu'on ait bien trouvé la panne.J'hochais la tête. C'était une Ford Mustang rouge sang, un véhicule bien tape à l'œil.
— Bah monte, tu attends quoi ?
J'hochais vigoureusement la tête avant de me glisser a l'intérieur de l'habitacle. Je ne savais plus ce que je ressentais ni pourquoi je le ressentais. Parler avec mon père, c'était ce que j'avais toujours espéré mais est-ce que j'étais prête à tout entendre ?
— Je sais que tu m'en veux. Je n'ai pas toujours fait les meilleurs choix dans ma vie mais j'ai toujours respecté la volonté de ta mère parce que c'est la seule femme que j'aimerais toujours. Elle m'a appris tellement de choses et je suis l'homme que je suis aujourd'hui grâce à elle.
— Tu tournes autour du pot, chuchotai-je les yeux rivés sur le pare-brise
— Je sais. Parce que c'est pas simple de faire un saut dans le passé. J'y ai laissé mon cœur brisé.
— Arrête, tu vas me faire pleurer, grognai-je les dents serrées
— Ta mère est allée voir ailleurs une fois. Et ça sert à rien de lui en vouloir car moi aussi je l'ai fait. On s'est toujours connu, on avait l'impression de rater... Et si l'herbe était plus verte ailleurs ? Franchement qu'est-ce qu'on en savait ? Je ne pensais pas que ça nous détruirait. J'ai commencé à être jaloux, pour rien. Elle allait travailler et c'était la fin du monde pour moi.
— Attend, quoi ? Vous vous êtes trompés ? Mais c'est quoi cette relation ?!
— T'es pas rendue au bout de ta vie, Esme. Peut-être que tu ne peux pas comprendre, mais on savait ce qu'on faisait à ce moment-là. Bref, on a fini par se déchirer. On s'aimait mais moi je l'aimais trop. On a commencé à vouloir se séparer, ou trouver un arrangement pour se voir un peu moins mais toujours être là pour toi. Mais c'était trop dur et je ne me sentais pas capable de voir ma femme tous les jours sans pouvoir la toucher.Je sentais que ça lui pesait cette histoire. Il ne faisait qu'accélérer sur le périph parisien mais j'étais trop captivée par son récit pour avoir peur. Moi qui pensais que mes parents avaient vécu une histoire d'amour parfaite...
— Quand on s'est séparé, c'est ta mère qui gagnait le plus d'argent entre nous deux. Moi, je travaillais dans un garage un peu bidon et mon salaire n'était pas stable. Je ne pouvais pas trouver d'appart, j'avais un dossier de merde alors je suis retournée vivre chez ma mère, à Clamart. Tu ne te rappelles sûrement pas d'elle, on ne la voyait pas souvent à l'époque.
Je compris qu'elle ne faisait même plus partie de ce monde dorénavant et je me bouffai l'intérieur de la joue pour ne pas pleurer. Il a dû se sentir bien seul quand elle est partie.
— Je n'avais pas d'endroit pour t'accueillir ni d'argent pour te payer à manger... alors avec ta mère on a convenu que je reviendrai dans ta vie quand j'aurais de l'espace pour toi. On ne voulait pas te faire vivre les trajets en train pour venir jusqu'ici sans avoir rien à t'offrir et moi je ne pouvais pas me permettre de faire des aller-retours pour venir te voir. Ce n'est pas une véritable excuse, j'aurais pu trouver d'autres solutions, je te l'accorde. Mais j'étais paumé et j'avais tout juste 30 ans.
— Et quand t'as eu ton garage, ta maison... ? Pourquoi t'es pas revenu dans ma vie ?
— J'ai voulu revenir il y a 3 ans mais ta mère avait changé d'avis sur notre accord. Je... il souffla bruyamment, on va rentrer dans les discussions qui blessent, annonça-t-il. Elle ne voyait plus l'utilité de ma présence dans ta vie. On s'est pris plusieurs fois la tête là-dessus et je l'ai toujours laissé gagner. Et sûrement que je croyais aussi à ce qu'elle me disait. Il y a 2 ans, tu as commencé à devenir une petite peste et on a commencé à se recontacter régulièrement car elle se sentait dépassée.Je fronçai les sourcils. J'étais submergée par toutes ces infos. Je ne savais plus vers qui je devais diriger ma colère. Maman m'avait caché tellement de choses...
— En décembre dernier, elle m'a appelé un matin. Je m'en rappellerai toute ma vie. Je pensais que t'avais encore fait une connerie. C'était assez récurrent à cette période.
Je passais sous silence mes justifications, honteuse. Est-ce qu'un jour j'arriverai à les verbaliser ?
— Elle pleurait. Et c'était tout ce qu'elle faisait au téléphone. J'ai pas compris au début, je pensais qu'il t'était arrivé quelque chose de grave. Je me remettais tout juste du décès de ma mère, j'étais pas prêt à encaisser une chute pareille. Finalement j'aurais peut-être préféré que tu fasses une énième nuit de garde à vue.
— Tu me dis rien là, crache le morceau, le suppliai-je
— Ta mère est malade. »Je remerciais mon corps de savoir fonctionner sans moi parce qu'à l'heure actuelle, j'étais incapable de vous dire comment on faisait pour respirer quand le monde s'écroulait sur vous.
Je ne remerciais pas mon père pour le cruel manque de tact qui a faillit me faire tomber dans les pommes. J'ouvris la fenêtre en grand, comme prête à vomir.
Papa continuait de parler mais impossible de comprendre la langue qu'il employait. Mon cerveau sifflait et si je l'écoutais bien je crois même qu'il criait à l'aide.
« Arrête la voiture, lançai-je »
On était sur le periph parisien, bien sûr que c'était dangereux de s'arrêter ici mais franchement la mort c'était quoi face à une telle annonce ? Une mustang rouge venait subitement de me déposer à la morgue.
Il pila et je déboulai hors de la voiture sans vraiment voir où j'allais.
Je suffoquais et je finis par réaliser que c'était parce que je pleurais tellement que ma respiration était saccadée.
Je chialais comme un gros bébé, dans la nuit noir, sur le bord de la route.
Comment on avait pu en arriver là ?
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copine • plk
Fanfiction• AMOUR : [amu:r]. Subst. masc. Fleuve d'Asie s'étendant sur 4354km depuis la source de l'Argoun. Exemple : Tous les soirs, du haut du pont, il pissait sur l'Amour. Si vous pensiez lire une simple histoire d'amour, il est préférable que vous pass...