copine • plk

17.

« On peut rentrer ? Bégayai-je

Mon père restait en retrait dans le couloir alors que je me retrouvais face à la porte 212 de cet hôpital de malheur. J'entendais la voix de Suzy de l'autre côté. Je lui avais demandé de m'y rejoindre car je me voyais pas affronter ça sans elle.

Un cancer, putain. J'étais là, à haïr le monde entier et allonger mon casier judiciaire sans me soucier que ma mère mourait à petit feu. Il fallait croire qu'on était fort pour les secrets dans la famille.

— C'est ta mère, Esmeralda. Pas une inconnue.

Il me fit un signe de tête pour me pousser à y aller. Je toquai et attendit la main sur la poignée de porte.

— Entre ma poule ! Gueula ma meilleure amie »

Évidemment la voix de ma meilleure amie me poussa à ouvrir cette porte. Une odeur d'antiseptique m'envahit et je clignai des yeux plusieurs fois en découvrant ma mère dans ce lit surélevé.

Elle avait un crâne tout rasé et une peau blanchâtre mais elle restait magnifique, surtout avec ce sourire ensoleillé. Je fondis en larmes, évidemment. Ça traduisait tellement de choses mais en grande partie ma culpabilité. Je n'avais pas été là pour elle parce que j'étais trop concentrée sur le fait qu'elle ne me comprenait pas.

Elle avait d'autres choses à gérer. Une maladie.

On était sur un stade avancé mais rien d'insurmontable d'après les médecins. Enfin, ils ne se prononçaient pas. Leur taff n'était de ne pas faire de promesse mais ils avaient confiance en la médecine. Et moi aussi j'y croyais. C'était soit ça, soit je m'effondrais.

« Euh, ça va ? Marmonnai-je maladroitement

Elle ricana instinctivement. Elle se doutait très probablement que j'étais mal à l'aise.

— T'as pas chaud ? Elle désigna mon gros pull

J'haussais les épaules.

— Suzy, tu viens on va chercher des cafés ? Lança mon père
— Je te suis super-papa.

Tous deux sortirent de la chambre pour nous laisser de l'intimité. Voilà plusieurs semaines que nous nous étions pas vues et un temps pour nous, nous ferait pas de mal.

— Pas cool de m'avoir caché un truc aussi gros, soufflai-je
— On a tous nos secrets, non ?
— Touché. C'est quoi le plan, maintenant ?
— Je vais rester encore quelques jours ici puis je vais rentrer à la maison. J'aurais des séances de chimio prévues donc je reviendrai régulièrement et je resterai dormir ici puisque je suis seule à la maison.
— Pourquoi tu m'as envoyé chez papa ?

Elle sourit avant de secouer la tête. Elle attrapa l'une de mes mains pour la coincer entre les siennes.

— Et toi, pourquoi t'es en colère contre tous les hommes de ce monde ?

Ok, on entrait dans le vif du sujet. Pas la peine de faire semblant, papa m'avait dit qu'il l'avait appelé pour lui raconter mon altercation. Je n'avais pas envie de lui dire pourquoi j'étais en colère. Je voulais garder ça pour moi, et idéalement je voulais l'emporter dans ma tombe. Cette honte, je voulais la partager avec personne. Surtout maintenant que je savais que maman avait mille autre choses à gérer.

— On dirait que c'est de ma faute à chaque fois. Arrêtez d'agir comme si les hommes de ce monde étaient irréprochables.
— Je pensais que c'était à cause de ton père que t'étais comme ça.
— Père dont tu m'as privé, notai-je