3.

765 25 2
                                        

Les premiers jours furent compliqués. À partir du moment où mon père me fit visiter ma chambre dans sa petite maison, je ne la quitta plus. Je n'avais pas envie de parler avec lui, pas envie de vivre avec lui, pas envie de m'habituer à sa présence. J'étais en pleine crise d'adolescence il fallait l'admettre. Suzy me manquait, mes amis me manquaient.

Je ne savais pas quoi faire de mes dix doigts, je m'ennuyais à mort et j'en avais marre de squatter les sites de streaming toute la journée. Si je restais une journée de plus dans le silence à ne rien faire, j'allais me tirer une balle c'était certain.

Alors, je pris la décision d'aller au garage de mon père. Celui-ci se situait non loin de sa maison, en bord de route à l'entrée de Clamart. Je pouvais tout aussi bien y aller à pieds mais j'aimais trop ma voiture pour la laisser là.

J'allais me garer sur le parking réservé aux personnels afin de pouvoir accéder au garage par la porte arrière. J'avais pas envie de devoir saluer tous les mécanos, je ne les connaissais même pas en réalité.

J'arrivai alors directement dans ce qui ressemblait à la salle de pause des employés. Au centre de la table se trouvait une boîte de chocolats alors je piochai dedans.

« Je t'ai vu.

Je sursautai puis tournai la tête vers Mathieu qui s'était arrêté à l'entrée de la porte.

Putain, tu m'as fait peur connard.
Ravi de voir que t'es vivante, répondit-il simplement avant de partir
Eh Bob attend, l'interpellai-je, oh Bob le bricoleur !
T'as déjà oublié mon prénom ? T'es vexante.
T'sais où est mon père ?

Il me le désigna d'un coup de tête et je le remerciai.

Je n'avais pas oublié son prénom, je préférais juste le surnom que je lui avais trouvé.

Mon père était en train de parler avec un de ses mécaniciens, des papiers plein les mains. Ce fut plus fort que moi, je ressentis une grande fierté en me rendant compte qu'il avait son propre garage maintenant. Ce n'était pas le cas lorsque j'étais petite.

J'attendis qu'il me remarque puis je lui fis un signe de tête afin de le saluer. Il me sourit en retour.

Ça te tente de changer des pneus ? Me demanda-t-il directement »

Ce fut de cette manière que mon père m'embaucha dans son garage. Il m'avait prêté une combinaison de travail noire à l'effigie de son entreprise qui était nettement trop grande pour moi alors je l'avais ouvert pour laisser le haut de la combi tomber contre mes hanches, révélant une petite brassière rouge. À défaut de pouvoir s'écouter et se comprendre, on allait travailler à nouveau ensemble, comme lorsque j'étais petite.

POINT DE VUE MATHIEU

Voilà dix jours que la tornade Esme avait débarqué à Clamart et depuis ce jour Henry semblait dévasté. Il connaissait son taff par cœur pourtant on aurait dit qu'il ne savait plus comment procéder. Je le voyais passer des heures dans le bureau à regarder dans le vide, j'aurais aimé l'aider parce que je lui étais redevable pour tout ce qu'il avait fait pour moi mais j'étais incapable de trouver une solution pour apaiser la tempête qui faisait rage dans sa tête.

À midi, je lui commandai sa pizza préféré au fast food du coin : une calzone. J'avais besoin d'une excuse pour aller le voir dans son bureau et la bouffe était une bonne raison. Je toquai à la porte. Il releva la tête pour m'observer à travers la fenêtre.

« Entre !

Je m'exécutai.

Ça va, boss ?
Je dois vraiment faire pitié pour que tu me payes une pizza, marmonna-t-il en désignant du menton la boîte que je tenais en main
J'ai pris une calzone, l'ignorai-je, on s'est tous posé en salle de pause pour manger si tu veux nous rejoindre.
Et, où est-elle ?

copine • plk Où les histoires vivent. Découvrez maintenant