Chapitre 10 - Une peur bleue PARTIE I

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Eliott

Cela fait maintenant une bonne heure que je suis assis avec ma charmante famille dans le salon, écoutant – ou plutôt n'écoutant pas – un traître mot des plaintes de mon père au sujet des voisins et de leurs loups.

- Eliott ! Tu écoutes un minimum ce qu'on te dit ? s'énerve-t-il, me tirant brutalement de mes pensées, son visage rougissant sous l'effet de la colère.

- Pas le moins du monde. Écouter tes conneries sur les voisins me sort par les yeux. Tu n'as même pas essayé de les connaître, je rétorque, sentant la frustration monter en moi.

- Si tu avais écouté, tu saurais qu'on a changé de sujet depuis dix bonnes minutes, réplique-t-il sèchement, ignorant complètement ma remarque. Ta mère et moi avons décidé qu'Amber ferait l'opération, ajoute-t-il avec un ton solennel qui m'agace profondément.

Je sens mes mâchoires se crisper.

- Et l'avis d'Amber ? C'est son corps, c'est à elle de choisir si elle veut ou non se faire opérer, dis-je, ma voix empreinte de colère, même si je sais qu'il n'en a rien à faire de ce que je pense.

- Bien sûr qu'elle veut se faire opérer ! Qui voudrait rester muet à vie ? réplique-t-il avec un petit ricanement.

- Quelqu'un qui ne veut pas subir une opération douloureuse sans la certitude que cela fonctionne. Mais je ne sais même pas pourquoi j'essaie encore de te faire comprendre quoi que ce soit. Ta décision était prise dès que le docteur vous en a parlé. Tu n'as même pas pris la peine d'apprendre la langue des signes pour communiquer avec elle. Ça en dit long sur le père que tu es, dis-je, mes mots chargés de sarcasme et de mépris, espérant lui renvoyer un peu de ce qu'il me fait subir à chaque fois.

Sans attendre sa réponse, je me lève brusquement et quitte le salon, me dirigeant vers ma chambre pour récupérer mon téléphone. Une fois en main, je sors rapidement par la porte arrière de la maison, bien décidé à rejoindre celle des voisins. Cependant, alors que je commence à avancer, mon portable se met à sonner. Je râle intérieurement, redoutant de découvrir l'identité de l'appelant. En sortant l'appareil de ma poche, je m'arrête net en voyant le nom qui s'affiche.

- Eydan

Surpris, car je ne me rappelle pas lui avoir donné mon numéro, je finis par décrocher.

- Allô, dis-je en m'éloignant davantage de la maison, m'assurant que personne ne puisse m'entendre.

Un long silence s'installe de l'autre côté de la ligne avant que j'entende enfin sa voix, faible, presque un murmure.

- Eliott... murmure-t-il, juste avant qu'un sanglot étouffé ne s'échappe.

- Eydan, qu'est-ce qu'il y a ? je demande, l'inquiétude grandissant en moi alors que mes yeux restent rivés sur leur maison, qui semble désertée.

Le silence qui suit est bien trop long à mon goût.

- Eydan, je suis là. Parle-moi, tu m'inquiètes, j'insiste, l'angoisse me nouant la gorge.

Sa voix brisée finit par se faire entendre à nouveau, chaque mot étant un effort douloureux.

- E... Elys... est à... à l'hôpital, réussit-il finalement à dire, et ces quelques mots suffisent à me transmettre toute la détresse qui l'envahit, me serrant le cœur.

- Envoie-moi l'adresse. J'arrive, dis-je aussitôt, contournant la maison au pas de course, reconnaissant d'avoir gardé les clés de la voiture dans la poche de mon jean.

- Merci... souffle-t-il d'une voix à peine audible, mais il reste en ligne, probablement pour ne pas se sentir seul.

Je saute dans la voiture, pose le téléphone sur le tableau de bord et le mets en haut-parleur tout en suivant les directions qu'il me donne. Mon esprit est en ébullition, mais je me concentre sur la route.

Je suis là dans une minute, dis-je en me garant précipitamment sur le parking de l'hôpital. Je sors de la voiture au même moment qu'Endy, qui descend de la sienne avec Enya dans les bras, quelques places plus loin.

Quand il me voit, il vient vers moi, les yeux rougis par les larmes, la petite blottie contre lui.

- Tu sais où ils sont ? me demande-t-il, inquiet, en me suivant à l'intérieur de l'hôpital.

- Je suis dans la salle d'attente, au fond du hall d'entrée, répond Eydan, toujours en haut-parleur sur mon téléphone.

Je coupe la communication et nous entrons dans l'hôpital en nous dirigeant directement vers l'endroit indiqué. En arrivant, nous trouvons Eydan assis sur une chaise, agrippant son téléphone comme s'il ne voulait plus le lâcher, l'oreille encore collée à l'appareil. Dès qu'il nous aperçoit, il se lève sans hésitation et se jette dans mes bras, ses pleurs reprenant de plus belle. Je le serre contre moi, lui laissant tout le temps dont il a besoin pour se calmer. Nous restons ainsi, en silence, jusqu'à ce qu'un infirmier s'approche d'Endy pour lui demander s'il faisait partie de la famille, avant de l'emmener avec lui.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? je lui murmure à l'oreille, profitant de l'absence d'Enya, qui ne semble de pas très bien comprendre ce qu'il se passe.

- On... on était dans la forêt pour remplir les mangeoires qu'Elys a installées... commence-t-il à expliquer, la voix brisée. J'ai entendu le moteur d'une voiture, puis... un coup de feu. Le temps que j'arrive jusqu'à lui... il était déjà inconscient.

- Et maintenant, il est où ? Ils l'ont emmené au bloc opératoire ? je demande, mon cœur se serrant encore plus fort tandis que je resserre mes bras autour de lui.

Je sens son corps trembler contre le mien, tandis que je me sers un peu plus fort..

- Oui... La balle n'est pas ressortie... répond-il, essayant de calmer sa respiration à coups de grandes inspirations. J'ai tellement peur, ajoute-t-il dans un souffle, se dégageant doucement de mon étreinte.

Il se rassoit lourdement sur sa chaise, et je m'installe juste à côté de lui, presque collé, pour lui montrer que je suis là, prêt à le soutenir, même si son regard trahit encore son état de choc.

Peu de temps après, Endy revient, le visage plus pâle encore que lorsqu'il est parti. Son expression me noue l'estomac, me faisant me sentir impuissant.

- Il est toujours au bloc, murmure-t-il en s'asseyant à côté de son neveu.

Il passe un bras autour de ses épaules, tandis qu'Enya grimpe sur les genoux de son frère, cherchant à se blottir contre lui pour se rassurer.

- Tu as réussi à joindre papa et maman ? demande Eydan, les yeux clos, enfouissant son nez dans les cheveux d'Enya, y trouvant un peu de réconfort.

- Non... pas encore. Pareil pour Klaus. Mais ça ne m'étonne pas, ils sont dans une zone reculée, répond Endy, lâchant un long soupir.

Il s'affaisse dans sa chaise, visiblement épuisé, son visage marqué par l'anxiété et une fatigue qui semble le consumer.

One day, Day one #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant