Eydan
Cela fait deux heures que nous patientons dans la salle d'attente de l'hôpital. Je tente désespérément de joindre mes parents ou mon oncle toutes les quinze minutes, sans succès. Pendant ce temps, les images d'Elystair, allongé inconscient sur le sol de la forêt, son corps couvert de sang, tournent en boucle dans ma tête, ne me laissant aucun répit.
L'odeur et la chaleur d'Enya blottie contre moi me procurent un maigre réconfort. Pourtant, cela ne peut rivaliser avec la sensation de sécurité que j'ai ressentie lorsque Eliott m'a pris dans ses bras. C'était comme si, jusqu'à cet instant, j'étais en apnée, en attente, et que, pour un bref moment, je pouvais enfin relâcher la tension et m'appuyer sur quelqu'un d'autre.
Un bruit soudain interrompt mes pensées : le téléphone d'Endy se met à vibrer, me faisant sursauter ainsi qu'Enya, qui commençait à s'endormir.
- C'est Marrec, murmure Endy avant de décrocher, se levant pour commencer à faire les cent pas dans la salle d'attente.
Je l'observe en silence, entendant des bribes de sa conversation. Il résume la situation d'une voix tendue, entrecoupée de longs silences où il écoute attentivement son interlocuteur. Quand il finit par raccrocher, il se tourne vers nous, le visage marqué par une grimace inquiète.
- Ils sont terriblement inquiets et un peu remontés. Ils vous avaient pourtant dit de ne pas aller dans la forêt, me réprimande Endy, juste au moment où deux policiers franchissent la porte, l'agent Davis et Austin, des amis de Klaus.
- Endy, Eydan, nous salue Austin en hochant la tête vers nous deux, avant de faire de même en direction d'Eliott. On nous a dit que tu étais avec ton frère quand on lui a tiré dessus ? ajoute-t-il en sortant un calepin.
- Pas vraiment. On allait remplir les mangeoires, de chaque côté du ruisseau, donc on s'était séparés. Je m'occupais de ceux de droite et lui de ceux de gauche, je réponds en déposant doucement Enya, à moitié endormie, sur les genoux d'Eliott.
Je lui adresse un petit sourire de remerciement avant de me lever.
- D'après nos collègues sur place, vous étiez à même pas quinze mètres de la lisière de la forêt ? demande Davis, cherchant confirmation.
- Oui, c'est exact. Nos parents nous avaient dit de ne pas aller dans la forêt à cause des braconniers repérés récemment, mais on ne pensait pas qu'ils s'aventureraient aussi près des maisons. Et surtout, cette partie de la forêt n'a rien de particulier, je réponds.
- Oui... c'est justement ce qui nous inquiète, murmure Davis en fronçant les sourcils. As-tu vu l'un d'eux ? Ou bien leur véhicule ?
- Non... la forêt est trop dense en cette saison. Et le temps que j'arrive auprès d'Elys, ils étaient déjà partis. Seul Elys a peut-être pu les voir, dis-je dans un souffle, tandis qu'ils continuent de noter, leurs visages crispés par l'anxiété et le mécontentement.
- On vous tiendra au courant si on trouve quelque chose ou si nous avons de nouvelles questions. N'hésite pas à nous appeler, même pour un détail qui te semble insignifiant, ajoute Austin en me tendant une carte avec son numéro inscrit.
Ils repartent aussi vite qu'ils sont arrivés, ne laissant derrière eux que des questions sans réponse. En soupirant, je retourne m'asseoir et me prends la tête entre les mains, penché en avant. Ma jambe commence à battre frénétiquement le sol, jusqu'à ce qu'Eliott pose sa main sur ma cuisse pour calmer mes mouvements.
- Calme-toi, murmure Eliott sans retirer sa main, qu'il presse contre ma cuisse, ne parvenant pas à en faire le tour. Elys est fort, je suis sûr qu'il s'en sortira comme si ce n'était qu'une simple égratignure.
Je tourne la tête vers lui, plongeant mon regard dans le sien. Il me sourit, un sourire empreint de chaleur et de force. Alors qu'il commence à retirer sa main, je l'arrête, la prends dans la mienne et la serre, cherchant plus de réconfort dans ce contact que ce que ses yeux me transmettent déjà. Je me redresse, appuyant ma tête contre le mur derrière nous, et ferme les yeux pour tenter de me détendre, sans succès. Pourtant, la caresse légère de son pouce dans le creux de ma main y parvient, m'apaisant d'une manière surprenante. Pendant un instant, je me fiche bien de qui pourrait nous voir ainsi.
Une demi-heure plus tard, des pas résonnent dans la salle d'attente, et un jeune médecin entre, le visage marqué par la fatigue.
- Vous êtes la famille d'Elystair Deaglan ? demande-t-il alors que je me lève d'un bond à son entrée.
Eliott libère doucement ma main, sans pouvoir se lever, Enya toujours endormie dans ses bras.
- Oui, c'est nous, répond Endy, s'arrêtant enfin dans ses allers-retours pour fixer étrangement le médecin.
- Comment va mon frère ? je demande, comprenant qu'Endy reste figé sur place face au docteur sans plus décrocher un mot.
- Je suis le chirurgien qui l'a opéré. Tout s'est bien passé, annonce-t-il avec une voix calme et rassurante. Nous avons retiré l'intégralité de la balle. Elle a causé des dommages au muscle et à l'os, mais l'artère principale n'a pas été touchée. Avec beaucoup de repos, il devrait récupérer rapidement.
- On peut le voir ? je demande aussitôt après ses explications, m'approchant de lui.
- Oui, je vais vous y conduire, répond-il en souriant, m'indiquant de le suivre. Il a été transféré aux soins intensifs pour la nuit. Vous ne pourrez entrer qu'un par un dans son box, précise-t-il en chemin.
À notre entrée dans la salle des soins intensifs, seuls les bips des machines brisent le silence ambiant. Deux infirmières s'affairent en silence, remplissant un chariot et des documents près de l'un des box. Une troisième, absorbée par un écran d'ordinateur dans un bureau proche, ne remarque même pas notre arrivée.
- Docteur ! s'exclame soudain l'une des infirmières en nous apercevant.
Elle interrompt son travail pour tendre un document au chirurgien. Nous avançons tous vers elle, mais alors que je tente de passer, Endy me retient doucement, me faisant signe de patienter.
- Ce n'est pas bon, murmure le docteur, tandis que la troisième infirmière s'approche de nous.
- Bonjour Docteur, dit-elle d'un ton calme et mesuré, tout en nous adressant un signe de tête.
Le chirurgien répond à son salut avant de nous faire face.
- Je suis désolé, mais vous ne pourrez pas le voir pour l'instant. Il semblerait qu'il y ait des complications au niveau de son cœur, annonce-t-il, son regard empreint d'inquiétude, surtout en croisant celui d'Endy.
Mon esprit bouillonne à ses paroles. Sa compassion est la dernière de mes préoccupations. Une vague de colère monte en moi.
- Savez-vous s'il a déjà eu des épisodes de tachycardie ? Ce n'est pas mentionné dans son dossier, mais mieux vaut vérifier, demande-t-il, son regard insistant revenant sans cesse vers Endy.
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One day, Day one #1
RomanceElystair et Eydan Deaglan, des jumeaux autrefois siamois, semblent s'opposer en tout à l'aube de leurs 17 ans : leurs amis, leurs ambitions, et même leurs visions de l'avenir. Mais l'arrivée d'Amber et Eliott, un frère et une sœur venus de New York...