Chapitre 4

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Kayleigh


Le jour de ma revanche contre mon insupportable voisin au charme ravageur arriva enfin. Je ne l'avais pas oublié, même si nous ne nous étions pas recroisés depuis notre dernière confrontation. Non seulement j'avais trouvé du courrier qui ne m'appartenait pas dans ma boîte aux lettres, mais en plus, le voilà, les bras chargés de paquets, en train de tenter d'ouvrir la porte de l'immeuble. Je l'ignorais superbement, plongée dans l'examen de ce que le facteur avait malencontreusement glissé avec mon courrier. Le nom ne me disait rien, c'était l'appartement du dessus, c'était forcément lui. Une erreur d'étage, sa boîte aux lettres est juste au-dessus de la mienne. Si, de mon côté, j'avais la décence de ne pas ouvrir une enveloppe qui ne m'était pas destinée, ma déchiqueteuse, elle, en ferait qu'une bouchée. Bien malgré moi, toujours concentrée sur mon courrier, je ne l'entendis pas – hahahaha – entrer dans le bâtiment alors que les portes de l'ascenseur se refermaient. Un sourire victorieux se dessina sur mon visage tandis que je découvrais l'expéditeur du courrier. Ça sentait le renouvellement d'assurances ou une autre futilité du même genre.

Bon anniversaire !

Est-ce que je l'ai regretté quand le courrier est ressorti en confettis ? Mais alors, pas du tout.

Est-ce que j'anticipe la réaction de l'autre idiot ? Absolument pas, il n'a aucune raison de soupçonner que j'ai eu quelque chose à voir avec la disparition de son courrier. Je suis comme la neige : pure, immaculée et froide !

Au travail, tout se passait bien, je préparais mes nouvelles recettes pour des bûches, des gâteaux, des biscuits, des assortiments de chocolats. Même si nous n'avions plus vraiment le droit de fêter Noël, ou alors un invité par pièce, avec tirage au sort pour savoir qui peut accéder aux toilettes, nous allions faire de bonnes ventes avec mon associé.

Je coince Camille, une jeune stagiaire de l'atelier de couture en face, l'empêchant de s'échapper. Je l'apprécie beaucoup, elle ne rechigne jamais à la tâche, est toujours ponctuelle, jamais absente pour cause de maladie, polie et toujours souriante. Mia a eu raison de la choisir pour le stage, d'ailleurs elle m'a dit qu'elle était très douée. Alors, la tenant près du comptoir, je parviens à lui faire avouer l'existence d'un pari qui me concerne. Les commerçants du quartier parient sur si je vais me mettre en couple avec un homme, une femme, avoir recours à l'insémination artificielle, adopter localement ou internationalement, ou si je vais finir vieille fille. D'après Camille, les scores sont serrés entre le statut de vieille fille et celui de l'adoption internationale.

« Et toi ? », demandais-je en la regardant, les yeux plissés.

« Comment ça, moi ? » répondit-elle, soudainement nerveuse. Je remarque ses pupilles se dilater, des perles de sueur apparaître sur ses tempes, une veine palpiter à son cou, sa respiration devenir saccadée. Ses jolies lèvres, légèrement entrouvertes et tremblantes, dévoilant deux incisives légèrement plus longues. Camille est presque prête à se sacrifier pour la cause ou le pari, tandis que je m'approche d'elle. À quelques millimètres seulement, je sens son souffle imprégné de café, je suis si proche qu'en sortant légèrement ma langue, je pourrais le goûter.

« Et toi, qu'as-tu voté ? », insistais-je, brisant son petit cœur en plein émoi.

« En couple avec une femme », répond-elle, nerveuse, ses joues s'empourprant tandis qu'elle se redresse, la poitrine fière, conquérante.

Je le savais.

« Ce n'est pas ce que je recherche. Plusieurs d'entre vous vont perdre. »

Je laisse la jeune stagiaire afin qu'elle remette de l'ordre dans ses idées, sa fierté, la laissant retourner au travail tandis je repasse derrière mon comptoir. Je me plongeais dans mes recettes, calculant mes quantités pour passer mes commandes.

Cupidon ne doit plus avoir de flèches ou il ne m'a jamais vue !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant