Chapitre 6

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Kayleigh


Le tintement de la clochette me fait relever la tête alors que je lance en même temps un « Bonjour » joyeux avant de frissonner sous le courant d'air froid qui entre dans la boutique. Le client qui entre ne répond pas, me fixant de ses yeux vert foncé, bonnet noir enfoncé sur la tête jusqu'aux sourcils, manteau épais sur le dos. Impossible de savoir s'il s'agit d'un garçon ou d'une fille.

« Je peux vous proposer un café ou un chocolat, pour vous réchauffer ? C'est gratuit. »

Je vois le client sursauter.

« Un chocolat, oui. Il est bon. »

Cette voix.

« C'est toi, tu es... Je suis repassée hier soir, mais tu n'étais pas là.

— Je n'habite pas ici » fait-elle d'une voix dure.

« Je sais. Je me suis juste inquiété.

— Faut pas. Je ne suis personne, je ne suis rien. »

Je la regarde, ne sachant pas comment la prendre, elle est constamment braquée, refuse toute aide, tout contact.

« Tiens, ton chocolat », dis-je en lui tendant un grand gobelet. « Tu peux t'asseoir et le boire ici, au chaud.

— Non, c'est bon. Je suis sale et je pue. C'est combien ? » demande-t-elle en posant quelques pièces sur le comptoir.

« C'est gratuit, je te dis. Garde ton argent.

— Pourquoi ce serait gratuit ? Rien n'est gratuit dans la vie.

— Parce que j'offre le café à tous les commerçants du quartier, c'est comme ça.

— Je ne suis pas un commerçant.

— Tu es nouvelle dans le quartier, c'est un cadeau de bienvenue alors. »

Je remarque un léger sourire filtrer sur son masque et s'effacer aussitôt.

« As-tu trouvé un endroit sécuritaire et au chaud hier ?

— Je suis vivante, non ?

— Excuse-moi, je suis trop curieuse parfois. »

Elle me regarde fixement, sans rien dire. Elle semble si jeune et déjà la rue commence à prendre le dessus sur sa personnalité que j'ai entr'aperçu brièvement. Cela m'ennuie de la laisser dehors, elle n'a rien à faire seule, à dormir dans la rue.

« Est-ce que tu veux que je te conduise à l'association ? Ils vont te trouver un endroit où dormir au chaud, en sécurité. Tu pourras manger, te laver.

— Je n'ai besoin de l'aide de personne pour survivre » répond-elle en fronçant son nez.

Survivre.

Elle est passée du stade où elle devait vivre quelque part, dans un foyer avec sa famille, à survivre dans la rue. Je me demande ce qu'il lui est arrivé et surtout quand est-ce arrivé, depuis combien de temps est-elle dans la rue ?

« J'ai rendez-vous, je dois y aller » dit-elle en me sortant de mes pensées.

« Prends soin de toi ! », lançais-je alors qu'elle avait la main sur la poignée de la porte.

Elle se raidit instantanément.

« C'était très bon... tes sandwichs et le gâteau. Merci Kelly » dit-elle, d'une voix douce, avant de disparaître rapidement dans la rue. Le temps que j'aille à la porte pour voir où elle allait, qu'elle avait disparu.

Cupidon ne doit plus avoir de flèches ou il ne m'a jamais vue !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant