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CHAPITRE 2.

Pendant le match, Oria a encouragé l'équipe avec un Marc métamorphosé en fan de baseball. Elle a vu l'incompréhension sur le visage de sa mère. Son changement d'humeur a laissé Hannah perplexe. Marc aussi était étonné mais il a souri et s'est mis à crier le nom de son fils.

En revenant des toilettes, l'étudiante s'est dit qu'elle ne pouvait pas condamner Matt. Il n'a rien demandé lui non plus, et Oria lui doit au moins ça pour son aide de tout à l'heure. Bien qu'elle ne connaisse pas les règles de ce sport, elle se fond facilement dans les acclamations du public.

L'ambiance ici l'a étonnée au début, mais elle est entraînante. Ce n'était pas comme ça chez elle. Pendant les matchs, c'était la honte si l'un de tes parents t'acclamait. Alors que là, les joueurs jouent avec la foule pour provoquer l'équipe adverse.

Assise à côté de Marc, il lui explique certaines choses pour qu'elle comprenne un peu mieux ce qu'il se passe sur le terrain.

Le match touche à sa fin. C'est l'équipe de Matt qui l'a remporté. L'étudiante en a entendu certains qualifier cette victoire d'"écrasante". C'est volontiers qu'elle les croit étant donné que pour elle, c'était comme lire un livre écrit en chinois.

Ils quittent les gradins pour rejoindre le parking, sa mère et son nouveau conjoint, main dans la main. Ce dernier, encore très animé par le jeu, les informe que son fils les rejoindra directement à la voiture.

Oria se retourne en entendant des pas rapides derrière eux, et voit Matt qui marche dans leur direction. Il a un adorable sourire plein de fierté scotché au visage. Pas le genre arrogant, mais comme un parent le ferait en voyant son enfant diplômé de Harvard.

– C'était bien joué, fils ! s'exclame Marc en le prenant dans ses bras.

Et alors qu'ils commençaient à débriefer, le garçon est interpellé par un groupe, probablement des membres de l'équipe car la jeune femme reconnait l'autre crétin de tout à l'heure.

– On va fêter ça, tu viens ? lui propose l'un d'eux.

Le fameux Will renchérit :

– Emmène-la avec toi !

Non mais je rêve ! Il ne lâche vraiment pas l'affaire celui-là. D'un geste de la main, il refuse leur offre en promettant de venir la prochaine fois. Ils montent en voiture, le noiraud à côté de d'Oria. Discrètement, alors que sa mère est en pleine discussion, il se penche vers elle et lui chuchote à l'oreille :

– Tu es prête à tenir la chandelle ?

Elle réprime son rire tant bien que mal. Il a très probablement raison. Les deux étudiants vont servir de chandelier ce soir. De toute façon, Oria a bien vu que sa génitrice est capable de complètement l'oublier pour quelqu'un d'autre.

Elle chasse rapidement cette dernière pensée négative qui est de trop pour l'instant. Elle préfère rester sur la positivité de la remarque de ce qui semble être son demi-frère. Elle prend soudain conscience qu'elle ne l'a toujours pas remercié pour son aide.

– Pour tout à l'heure... J'ai oublié de te dire merci. Tu sais pour ta fonction GPS et cette espèce d'abrutis.

– Je t'en prie. Et puis William est un vrai con parfois. Je te conseille de l'éviter dans les semaines qui viennent.

– Je vais aller dans la même université que toi ?

Il hoche la tête en souriant, lui expliquant que celle-ci est tellement grande qu'il n'y en a pas vraiment d'autres autour. Elle propose presque tous les cursus possibles et imaginables. La reprise des cours ne l'enchante vraiment pas. Elle est plutôt angoissée même.

Les cours ont commencé depuis une semaine. Même si ça ne fait pas longtemps, c'est suffisant pour que les groupes d'amis se soient formés ou reformés. Oria déteste être "la nouvelle". Ce titre attire l'attention et c'est tout le contraire de ce qu'elle veut. L'établissement semble gigantesque et doit accueillir des milliers d'élèves, dont peut-être une ou deux centaines par classe. On ne la remarquera donc probablement pas.

Qui plus est, elle ne connaîtra personne. Ce n'est pas son genre d'avoir besoin d'une équipe de foot en termes d'amis, mais elle a horreur d'être seule. L'étudiante commence lundi prochain, et nous sommes jeudi.

– On ne sera pas dans le même cursus, je fais des études de commerce, je suis en deuxième année. Mais je serai quand même dans les parages. Alors ne stresse pas de trop d'accord ? Tu n'auras qu'à me dire ou m'appeler si quelque chose ne va pas.

– Je réussirai bien à me débrouiller sans t'embêter, ne t'en fais pas.

– Tu ne m'embêtes pas vu que c'est moi qui propose. Et puis, je te rappelle qu'à partir de maintenant nous allons vivre tous ensembles.

– Et former une famille, renchérit sa mère qui, visiblement, ne peut pas ranger ses oreilles.

Oria lui répond par le même regard noir que quelques heures plus tôt. Hannah a réussi à plomber sa bonne humeur et elle est sûre que sa mère l'a fait exprès.

Certes, la jeune femme n'est plus aussi catégorique concernant Matt et son père, mais elle n'en reste pas moins sur ses positions. Ce ne sera pas sa famille. Surtout pas dans ces conditions. Sa mère évite son regard dans le rétroviseur et un silence très pesant s'installe dans le véhicule.

Heureusement, ils arrivent assez rapidement au restaurant. Alors qu'elle allait descendre, Marc l'arrête, un éclair de panique dans les yeux.

– Rassure moi, Oria. Tu n'es pas végétarienne ? Je n'ai rien contre les végétariens, hein, mais ce restaurant est connu pour sa viande. J'aurai dû te demander avant...

– Non, ne t'en fais pas je ne suis pas végétarienne. Au contraire, tu marques un point avec le resto, lui sourit-elle.

Il acquiesce, visiblement soulagé. La température s'est rafraîchie depuis qu'ils ont quitté l'appartement. Elle est bien contente d'avoir emmené son pull et se félicite même d'y avoir pensé. Elle l'enfile rapidement mais il ne la réchauffe pas vraiment à cause de la finesse du tissu.

– Tiens, enfile ça.

Matt pose son blouson universitaire sur ses épaules. Il a dû remarquer que la baisse des températures ne la laissait pas indifférente. Elle a la chair de poule qui s'invite sur tout son corps. Oria le remercie et ils se dépêchent de rejoindre leurs parents déjà devant la porte.

L'ambiance peut changer en un rien de temps, et la tension palpable entre la mère et sa fille n'aide pas. La jeune femme se demande bien quelle tournure la soirée va prendre. De toute façon, elle pense que quoiqu'il se passe, ce sera forcément gênant à un moment ou à un autre.

ColorlessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant