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CHAPITRE 16.

"Papa,

Les choses s'arrangent progressivement avec maman. On s'est encore disputées. Elle rejetait la faute sur moi, disant que JE l'ignorais alors que la réalité était toute autre. Sous le coup de la colère, je lui ai dit qu'elle aurait préféré que je meurs avec toi.

Je pense qu'elle a été choquée par mes paroles. Elle ne devait pas s'attendre à ce que j'en sois venue à penser cela.

Tu sais, il m'arrive de m'en vouloir. Parfois, je me dis que tu n'aurais pas dû mourir, que j'aurais dû faire quelque chose. Je m'en veux d'avoir été trop petite, trop terrifiée, d'avoir réagi en quelques secondes de trop, ce soir-là.

Si j'avais posé mes mains plus vite sur ta poitrine, tu aurais perdu moins de sang. Le comble, c'est que je te racontais combien j'étais fière d'avoir obtenu mon diplôme de secourisme le matin même.

J'entends encore le bruit que la voiture à fait quand tu as mis un coup de volant brusque pour éviter le mur.

J'entends encore le bruit des freins des voitures de derrière.

J'entends encore le bruit de la tôle du toit qui frotte contre l'asphalte lorsque la voiture à fait un tonneau.

J'entends encore ta voix qui m'appelle et ton gémissement de douleur lorsque tu t'es penché vers moi pour me protéger.

J'entends encore ton souffle rauque et le murmure dans lequel tu m'as dit que tu m'aimais et que tu veillerais sur moi depuis les étoiles.

J'entends encore les sirènes des camions de pompiers et des secouristes qui me demandent de reculer, qui t'ont arraché de mes bras.

Je me souviens de tous ces détails chaque fois que je ferme les yeux. Tu es mort parce que je n'ai pas été capable de t'aider et je m'en sens encore coupable aujourd'hui. Depuis l'accident, depuis que tu es parti dans mes bras, je pense que j'aurai dû mourir à ta place ou au moins avec toi.

Et j'avais cette impression que même si elle ne le disait pas, maman le pensait elle aussi. Je n'ai fait que dire tout haut ce qu'elle pensait tout bas et je suis partie.

Celui qui m'a aidée n'était pas la personne que j'aurai voulu voir, mais je l'en remercie. Oui, papa, c'était Ethan. Mais peu importe pour l'instant.

Quand je suis rentrée, elle m'a collé une gifle fulgurante. À l'heure où je t'écris, j'ai toujours mal à la joue. Elle m'a traité d'idiote et m'a prise dans ses bras. C'est allé si vite que je n'ai pas compris le revirement de situation ni son changement si rapide et radical d'humeur.

Elle m'a serrée si fort contre elle que j'ai cru qu'elle allait m'étouffer. Elle me répétait combien elle était désolée, combien elle m'aimait et encore combien elle était désolée. Marc était accoudé au bar derrière nous. Il me souriait. Je ne pense pas qu'il soit étranger à la prise de conscience de maman. Il a dû lui révéler ce que je lui ai confié lorsque nous sommes arrivés.

Tu te rappelles, je t'en ai parlé dans ma première lettre de New York. Et, je pense que tu l'aurais beaucoup apprécié.

C'est un vrai papa poule avec Matt et il me traite de la même façon. Il ne te remplace pas, hein ! Ce n'est pas ce que je dis. Mais il s'occupe de moi comme si j'étais de lui. Il a dû comprendre plus vite que maman ce qui se tramait.

Je sais qu'il m'observe beaucoup, il veut savoir si j'arrive à prendre mes marques, à m'habituer à cette nouvelle vie. Maman l'écoute et ce qu'il lui a dit lui a sûrement fait prendre conscience de ses erreurs.

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