Chapitre 3

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      Il était maintenant au lycée et à part sa tête qui voulait à tout prix toucher le plafond et sa voix qui avait arrêté de faire des siennes, il n'y avait pas énormément de choses qui avaient changé dans sa vie. Il était toujours orphelin, toujours aussi associable et David Parker continuait toujours à le tourmenter. Mais à travers ces nuages noirs un rayon de lumière avait réussi à se frayer un chemin : une famille voulait bien intégrer dans leur famille et David allait enfin repartir.
     
      Bruno pensait que pour son dernier jour il allait sûrement le laisser tranquille mais ce fut une grossière erreur. Avec David Parker il ne fallait jamais se faire d'illusions. La veille de son départ le roux avait organisé un combat entre Bruno et lui. Bien évidemment, David le remporta haut la main et sa victime rentra à l'orphelinat le corps plein de bleu et un oeil au beurre noir. Quel mauvais timing, pensa Bruno avec désolation, ils vont sûrement penser que je suis un voyou. Et il eut raison. À l'instant où il fit son entrée, une femme hurla et son mari en colère décréta en même temps qu'il était « Hors de question d'adopter un enfant violent ! » Ce jour-là Bruno se promit que personne ne l'adopterait tant qu'il n'aurait pas retrouver son Oncle. Il sentait qu'il était là quelque part. Où ? Il ne le savait pas. Mais dès qu'il trouvera un indice il le recherchera contre vents et marées.

      365 jours après il n'avait toujours pas trouvé de famille. Pour être plus précise, il faisait tout pour battre le record du monde d'insuportabilité pour que toutes les familles d'adoption choisissent un autre enfant que lui.
     La directrice faisait de son mieux pour qu'il trouve un foyer mais c'était peine perdue ; le jeune homme lui avait bien fait comprendre qu'il ne voulait pas de ces « hypocrites qui veulent se donner bonne conscience devant la société. » Il avait donc décidé de briser la règle n°1 de l'orphelinat : l'interdiction de modifier son corps. Cela comprenait la couleur des cheveux, la chirurgie esthétique, les piercings et les tatouages.
      Ce jour-là, Bruno s'était rendu chez Mona qu'il n'avait pas vu depuis un moment et lui avait demandé de lui faire un dégradé bleu sur ses cheveux ce qu'elle fit avec grand plaisir. Plaisir qui disparut aussitôt que Bruno lui demanda un piercing sur l'oreille droite. « S'il-te-plaît Mona !
— Je t'ai déjà dit que non Bru.
— Mais pourquoi ? se lamenta le jeune homme.
— Parce que je t'ai connu assez longtemps pour savoir que quand tu me demandes quelque-chose que tu n'as pour habitude de faire, c'est que c'est pour préparer une connerie !
— Et qui te dit que j'ai pas changer ? interrogea Bruno les bras croiser. La perte de mon oncle m'a énormément bouleversé tu sais. Et comme il avait des piercings je me suis dit que j'allais aussi en faire un pour le garder près de moi. »
Bruno savait que ce qu'il venait de faire n'était pas très éthique. Mais il savait également que c'était le seul moyen d'arriver à ses fin. Mona qui sentait vraiment la bêtise arriver, eût beaucoup de mal à se faire convaincre mais en voyant la fausse tristesse du neveu de son défunt ami, elle céda.

      C'est après avoir lâché une petite larme que Bruno rentra enfin "chez lui" et croisa la directrice dans le hall d'entrée. Il se regardèrent un instant et puis lentement, très lentement, la vieille dame, le pointa du doigt. Elle ouvrit puis ferma sa bouche tel un poisson hors de l'eau et Bruno su qu'il était peut-être allé légèrement trop loin. La directrice se passa une main sur le visage en soupirant et d'un geste sec lui montra le dortoir des garçons. Il était puni. Peut-être pour toujours. C'était la première fois qu'il se faisait punir et sûrement pas la dernière.
     Un jour alors qu'il sortait des douches communes le torse nu car il avait oublié son t-shirt, un garçon de six ans le bouscula. Quand il se retourna pour s'excuser le gamin poussa un cri et menaça d'aller le dire à la directrice. Bruno l'ignora car ce petit avait l'habitude de se plaindre de tout et de rien. Mais une fois arrivé dans la salle à manger, il crut perdre ses oreilles dans tous les sens du terme. La directrice était entrain de lui percer ses pauvres tympan avec sa voix aiguë tandis qu'elle lui tirait l'oreille droite où se trouvait son piercing. Elle lui reprochait de s'être tatoué le torse. Bruno tenta tant bien que mal de se défendre en lui promettant que ce n'était pas un tatouage et qu'il l'avait depuis la naissance mais elle ne l'écouta pas et le punit pendant une semaine entière où il ne pouvait sortir que pour manger et aller à l'école. Pourtant, il disait vrai.

      Et tandis que Bruno enchaînait les punitions, l'année scolaire se termina en un battement de cils. Bruno pouvait enfin respirer ; bientôt il allait avoir seize ans et quitter cet orphelinat pourri. Il choisit pour fêter ça d'aller au parc avant de retourner dans le dortoir pour profiter de cette ambiance que donne les vacances au monde. Le jeune homme prit un raccourci et mit ses pieds nus sous le sable du parc.
      Il avait toujours pensé que "si la vie était un film d'horreur ça serait sûrement dans ce parc qu'il y aurait le plus de meurtres". Et c'était tout à fait compréhensible. Bien que généralement animé, il était seul ; le parc se composait d'un vieux toboggan où des enfants avaient jeté du sable et deux balançoires dont le bruit n'était pas très rassurant. L'herbe autour était un mélange de jaune et de vert rappelant la chaleur de l'été et la beauté du printemps. Bruno s'assit sur une des balançoires qui avait conserver la chaleur du midi et observa les alentours. Observer. Une de ses activités favorites. Il suffisait d'ouvrir les yeux, d'analyser et de comprendre. Rien de plus, rien de moins.
    
      Ce soir-là, exceptionnellement, il n'y avait personne, pas un moindre signe de vie, comme si le parc savait qu'il avait besoin de solitude, de respirer. Et c'est ce qu'il aimait le plus dans cet endroit : le calme et la nature. 
      Pas qu'il était du genre "Blanche-Neige" à aimer les animaux et le reste, mais il appréciait sincèrement ce calme et prendre des photos de ce qui un jour disparaîtrait sûrement. Sauf si tous les humains mourraient.

      Une abeille vint bourdonner près de ses oreilles et le sortit de ses contemplations. Il tomba par terre et s'enfuit en prenant encore plus peur quand il vit passer un chien qui courait vers le parc. Il avait peur de tout les êtres vivants qui ne ressemblaient pas à des tortues (même ça il en avait peur ) et encore plus quand c'était des insectes volants. Quand il fut rentré, il lut un livre et s'endormit. Demain, allait être une nouvelle journée.

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