Chapitre 3

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Astrid

« Putain il m'a pissé dessus ! »

Je me réveille en sursaut. Je lève les yeux. Léo est debout à côté de son lit. Une tache sombre s'étend lentement sur son sweat. Je rigole. Pendant que je me redresse, le chaton s'approche de moi, l'air innocent.

« Si je l'attrape, ton chat, je vais lui en faire voir de toutes les couleurs », s'exclame Léo.

_ Tu ne toucheras pas à un poil de lui », dis-je en attrapant l'animal.

_ Tu l'as appelé comment ?

_ Je ne lui ai pas encore trouvé de nom. »

Je repose la boule de poils qui s'est endormie, sors du lit et m'étire. Je remarque facilement que Léo me regarde discrètement du coin de l'œil en lissant les draps de sa couette. Quand il s'en aperçoit, il tourne brusquement la tête, les joues rougissantes. Je souris. J'enfile mon manteau et sors. Le ciel est bleu, l'air est très frais. De la vapeur sort de ma bouche quand j'expire.

Finalement, Léo me rejoint avec une tasse brûlante dans chaque main.

« Chocolat chaud ? » me propose-t-il. J'accepte volontiers. Il n'avait pas menti : la tasse est brûlante. Dans cette fraîcheur du matin, c'est agréable. Je sens les rayons du soleil sur mon visage, la brise fraîche sur mes joues. Je ferme les yeux et profite de l'instant. Soudain, il n'y a plus que moi, le monde entier disparaît. J'essaie de ne penser à rien, mais de sombres pensées me rattrapent. Je sens une larme couler sur ma joue glacée. Je rouvre les yeux. Léo me fixe du regard. Il brise alors le silence :

« Ça va ?

— Je... Plus ou moins. De mauvais souvenirs.

— Tu as pleuré cette nuit. Si tu as besoin de parler à quelqu'un, je veux bien répondre à cette demande.

— Merci. Mais pas maintenant s'il te plaît.

— Je comprends. Bref, passons. Je te propose d'aménager la mairie, afin de pouvoir accueillir au moins une dizaine de personnes. »

Je réfléchis. Si toutes les personnes présentes sur le forum viennent, on devrait donc être une vingtaine. Je demande :

« Pourquoi seulement une dizaine de places ? On devrait être 20.

— Je ne pense pas que tout le monde arrivera aujourd'hui. Et puis, si on veut préserver l'intimité de chacun, on ne peut pas tous s'entasser dans la mairie. Et aujourd'hui, je t'interdis de jouer au croque-mort. Ça t'a trop secoué. »

Je ne le contredis pas, enterrer les deux vieux hier m'a ravivé de mauvais souvenirs. Et j'ai hâte de voir les nouveaux arrivants.

Dans la matinée, on libère donc de la place dans la mairie, ainsi que dans les bâtiments adjacents : la salle communale et l'école. On décide que la salle des fêtes sera notre cantine. On installe donc trois tables, avec six chaises autour de chacune. C'est moi qui aie insisté pour la troisième table.
L'école se résume à deux salles de classe, un bureau minuscule et une bibliothèque pas plus grande. Il y a de nombreux dessins et autres travaux manuels qui remplissent les deux salles. Des bonshommes qui sourient, des groupes d'enfants... Tant d'innocence qui a disparu soudainement. Avec Léo, on empile les tables et les chaises au fond de la classe de CP. On dépose plusieurs matelas au sol, avec des couettes et une multitude de coussins et d'oreillers trouvés dans deux maisons proches du bâtiment. On essaie de rendre les deux pièces un peu plus chaleureuses et les décorant avec des guirlandes de Noël trouvées dans un garage. Je n'obtiens pas le résultat escompté, J'ai l'impression que les deux pièces sont encore plus tristes. Léo propose de faire une pause. Je regarde l'heure : il est déjà midi. Comme pour insister sur ce fait, mon ventre lâche un gargouillis qui résonne dans toute la pièce. On se regarde avec Léo et soudain, on éclate de rire. Je me rends dans la cuisine attenante à la salle des fêtes et sors une grande casserole dans laquelle je fais cuire des macaroni trouvés hier. Pendant que ça cuit, Léo met la table.

NADAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant