Kazugami
Ce soir, on fête le premier mois passé tous ensemble, on est le 14 avril. Bon, je suis arrivé quelques jours après mais ça ne compte pas vraiment n'est-ce pas ? On s'est tous réuni dans la salle des fêtes, même les nouveaux arrivants qui nous ont rejoints depuis mon arrivée. Nous sommes maintenant trente-deux. Le village commence à se remplir, petit à petit.
Ces nouveaux arrivants ne connaissaient pas du tout notre forum. On les a rencontrés, par groupes de trois ou quatre personnes, au fil de nos explorations, à la recherche de matériaux divers et variés. Naturellement, nous les avons invités à nous rejoindre. Entre survivants, il faut bien s'entraider.
Au Conseil, on avait bien entendu envisagé ce cas de figure. C'est pourquoi on invite tous ceux qu'on croise, si rares soient-ils, à condition qu'ils nous laissent leurs armes et s'engagent à travailler pour la communauté. On a établi beaucoup de règles, ces dernières semaines. Ce ne sont que des règles provisoires, en attendant d'écrire une vraie constitution. On a par exemple interdit les crimes, ainsi que les armes à feu dans l'enceinte du village. Ca parait logique, mais c'est surtout pour pouvoir appliquer une justice si nécessaire. Pour l'instant, on est assez peu, et on se connaît suffisamment pour se faire confiance. Mais puisque parfois d'autres personnes nous rejoignent, il est plus prudent de fixer des règles bien définies.
Ce soir, on danse, on boit, on parle. Même si l'ambiance est agréable, je ne me sens ni à l'aise ni à ma place ici. Je fais discrètement signe à Clarisse que je m'en vais et m'éclipse.
Sur le chemin, je fais défiler toutes mes playlists sur mon smartphone. Il ne me sert plus qu'à ça maintenant. Aucun des titres ne me transcende. Des milliers de morceaux défilent. Mais rien ne me plaît. J'ai fini par arriver au château. Je monte dans ma chambre et y récupère mon instrument, puis redescends l'escalier et ressort.
Arrivé dans l'église, j'allume mon enceinte et sors mon violon. Toujours aucune idée de ce que je vais jouer. Je change de méthode et tri mes morceaux par artistes. Soudain, un morceau me fait de l'œil. Don't let me down de Band-Maid. Je ne l'ai jamais essayé au violon, mais j'imagine assez facilement comment m'y prendre. Je lance le morceau et me mets à jouer. La musique m'emporte, et j'enchaîne les titres du groupe. La réverbération du son sur les murs de l'église déforme un peu le son, le rendant unique et intéressant.
Je m'arrête après trois bonnes heures de musique. Comme à l'accoutumée, Clarisse est assise près de la porte. Je range mon instrument et la rejoint silencieusement. On se parle rarement, mais on se comprend. Je lui prends la main, et on part se balader en dehors du village, main dans la main. Je crois que je l'apprécie bien. Beaucoup même, je pense. J'ai du mal à comprendre mes sentiments, et notamment ceux que je n'ai jamais ressentis, ou oubliés. Si je me réfère à tous les livres que j'ai lus, ce que je ressens quand je suis avec Clarisse, c'est de l'amour. Je ne sais pas vraiment comment je dois y réfléchir. Je suis un peu perdu.
Clarisse est belle, à la lumière de la Lune. Une peau pâle, les cheveux de jais. Des yeux marron qui ne laissent filtrer aucune émotion, la rendant encore plus énigmatique.
Quelques lumières sont encore allumées à Nassigny. Elles doivent être visibles à des dizaines de kilomètres à la ronde, le reste de la région étant plongée dans une nuit que seule la Lune vient transpercer de sa lumière blanchâtre. On pourrait être une cible facile pour des brigands, me dis-je en imaginant le pire. Je serre la main de Clarisse un peu plus fort. Ça me rassure.
Le lendemain, lors d'une patrouille avec Paul, à la recherche de chaudières électriques et de panneaux solaires, j'aperçois plusieurs motos et 4x4 rouler à toute vitesse sur une route en contrebas. Un drapeau avec une tête de mort est accroché sur l'une des voitures. On dirait des bikers. Je n'ai jamais vu autant de gens rassemblés depuis plus d'un mois. Les survivants se rassemblent, c'est bon signe. L'humanité a peut-être des chances de survivre, finalement.
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NADA
General FictionAlors que la quasi-totalité de l'humanité vient de succomber à la Maladie, quelques jeunes survivants, qui se connaissaient grâce à un forum en ligne, décident de se rejoindre au centre de la France pour survivre et recréer un nouveau monde. Étonnam...