Chapitre 9

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Astrid

Kazugami n'est pas sorti de sa chambre depuis une semaine. Son état m'inquiète beaucoup. Notamment à cause de ce qu'il s'est passé. Je lui dois certes la vie, mais ça n'excuse pas entièrement sa boucherie. On lui doit vingt et une victimes. Quel carnage. Cédric m'a raconté comment Kazu a tué André. Un animal sauvage doté d'une pulsion meurtrière, m'a-t-il résumé.

Quand Kazugami a appris ce qu'il a fait, il s'est effondré. Il est tombé au sol, et tremblait de tout son corps. Une crise de panique. Il s'est finalement enfermé dans son château et n'en est pas ressorti. Plusieurs personnes ont tenté de discuter avec lui, sans succès. C'est pour cela que je me dirige vers sa demeure.

C'est Clarisse qui me l'a demandé. Elle ne parle presque plus depuis ce triste épisode. Encore moins que d'habitude. Elle va mal, tout le monde le sait, mais personne ne sait vraiment comment l'aider, même pas sa sœur Romane. La pauvre, quand même. Elle va rester traumatisée à vie c'est sûr. J'espère qu'elle va arriver à s'en remettre. Je crois qu'il n'y a plus que Kazugami qui peut l'aider.

J'arrive devant la bâtisse. C'est silencieux, ça rend l'ambiance lugubre. Tout est vide à l'intérieur. Les travaux n'ont pas avancé depuis la dernière fois que je suis venue. Je monte le grand escalier. Selon les dires de Baptiste, la chambre est à gauche, au bout du couloir. Je toque à la porte. Pas de réponse. Silence total. Je toque de nouveau. Toujours pas de réponse. Par curiosité, j'appuie sur la poignée. Alors que je m'attends à ce que la porte soit fermée, celle-ci s'ouvre. J'hésite à rentrer. Ce que je finis par faire, après plusieurs secondes d'hésitations.

J'ouvre grand la porte. La pièce est très grande. Tous les murs sont blancs, tous sauf un, celui en face de moi. Il est gribouillé, rempli de mots griffonnés au marqueur noir. Ce ne sont que des questions. "Pourquoi ?", "Que faire ?". Mais surtout, une question se démarque des autres. Elle est écrite de manière bien plus grosse, le trait est plus gras, comme si le marqueur avait été écrasé contre le mur. Une question existentielle et très importante : "qui suis-je ?". Tout le mur est recouvert de cette écriture. Kazugami me semble fou. Et lui aussi me pousse à me demander qui il est.

Je balaie la pièce du regard. Kazu dort sur le lit. Je m'approche le plus silencieusement possible. Il a l'air si paisible. Mais ses traits sont tirés, ses cernes encore plus marqués que d'habitude. Sa peau est pâle, trop pâle. Il semble malade. Ou bien est-ce la folie qui l'épuise. Ça m'inquiète encore plus.

Je me tourne alors vers le bureau. Celui-ci n'est qu'en fait plusieurs planches sur des tréteaux. Il est très encombré. Plusieurs ordinateurs, bidules électroniques et feuilles en tout genre sont éparpillés. Une pile d'une bonne centaine m'intrigue. Sur la page du dessus, il est écrit : "Plans, étapes, techniques, références et autres choses à ne pas négliger.". Je parcours très rapidement les autres pages. Elles sont toutes rédigées d'une écriture serrée et nerveuse. Certaines feuilles sont annotées dans les marges. A côté de la pile, il y a une autre page. La 116. Kazugami n'a pas terminé sa rédaction.

Je pose sur son bureau une lettre que m'a remise Clarisse, dans le cas où je n'arriverais pas à contacter Kazugami. Je sors de la pièce discrètement. Je grimace quand la porte grince pendant que je la ferme.


Kazugami

Quand je me réveille, il fait déjà nuit. Je n'ai même pas souvenir de m'être couché. Je me redresse dans mon lit. Il y a un truc qui cloche. Je me lève et me mets quelque chose sur le dos. Je m'approche de mon bureau, j'ai un manuscrit à terminer. La première page de celui-ci n'est pas parfaitement alignée avec les autres pages. Quelqu'un y a touché. C'est seulement en regardant la dernière page que je suis en train de rédiger que je remarque l'enveloppe posée dessus. Malgré ma curiosité, je ne peux m'empêcher d'être énervé. Quelqu'un est entré ici. Pire encore : il est au courant de mon manuscrit. Qui ? Ça m'énerve.

NADAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant