Chapitre 16

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Astrid

Kazugami a le regard vide. Absent. Je l'appelle, mais il ne me répond pas. Aucune réaction. Il repose lentement le corps de Clarisse sur le sol, prenant bien soin de lui fermer les yeux. Celle-ci a le teint pâle, et un trou rouge sur le haut du front, qui commence déjà à s'assombrir. Ses lèvres semblent esquisser un sourire, comme si elle était soulagée d'un poids invisible.

Kazu se relève. Sans me jeter le moindre regard, sans m'adresser le moindre mot, il part en direction de la salle des fêtes. Il rentre à l'intérieur. Il n'y a aucun bruit autour de moi, juste un léger sifflement dans les oreilles à cause de la fusillade. Le ciel est de plus en plus gris. J'entends alors des bruits de pas. Je me retourne. Jules et Léo arrivent en courant. Je me rends alors compte que tout ce qui vient de se passer s'est déroulé en quelques secondes. Kazugami ressort alors de la salle, un corps dans les bras. Il s'approche et je reconnais là Romane, ses vêtements tachés de son sang. A moins que ce ne soit celui de Kazugami ; lui aussi à ses habits imbibés de sang. Il pose ce second cadavre à côté du premier. Il revient vers la voiture dont il ouvre le coffre.

Léo et Jules regardent aux alentours, puis courent vers la salle polyvalente. J'entends leurs exclamations à la vue du désastre. Je n'ose imaginer comment c'est à l'intérieur. Pendant ce temps, Kazugami baisse les sièges arrière de la voiture. Léo et Jules reviennent.

« Que s'est-il passé ? » demande Léo.

D'une voix brisée, en essayant de retenir un sanglot, je leur explique tant bien que mal l'histoire. Les joues baignées de larmes, Jules s'emporte :

« Tout ça c'est de ta faute Kazugami ! Ce n'était pas à toi de décider du sort de Nassigny ! C'est le Conseil qui décide ici, pas toi. Par ta faute, des dizaines de personnes sont mortes là-dedans ! Par ta faute, Clarisse est morte ! »

L'espace d'un instant, à l'évocation du nom de Clarisse, Kazugami semble vaciller. Juste l'espace d'un instant.

Il ne répond pas. Il ne les regarde même pas. Il est occupé à allonger les corps des deux jumelles dans le coffre. Léo prend sa défense :

« Ce n'est pas de sa faute Jules. Ces hommes sont venus armés et ont pris des otages. Ils étaient clairement là pour tuer des gens, pas pour négocier.

- Kazugami... »

Il lève les yeux. Pas la moindre expression, pas la moindre larme. Juste un visage fermé et un regard perdu. Il me regarde alors. Me dévisage. Il semble me scanner avec son regard. Un regard froid, mort. Sa peau très pâle me rappelle le jour de sa venue. Il semblait avoir pris des couleurs depuis.

« Au moins tu n'as pas été blessée Astrid, ça fait une personne que j'ai pu sauver. »

Une voix presque effacée. J'ai l'impression qu'il essaie de sourire, mais c'est plus une grimace qui vient déformer ses lèvres. Quand il dit ça, j'ai presque honte. Je suis restée cachée tout du long. Est-ce que je dois entendre ça comme un reproche ?

Alors qu'il s'apprête à monter dans sa voiture, Jules l'attrape par le col :

« Qu'est-ce que tu comptes faire Kazugami ? Comment vas-tu réparer tout ça ? Comment vas-tu faire revenir tous ces gens à la vie ? Tu vas encore fuir c'est ça ? Tu es un monstre ! Un monstre ! Tu ne devrais pas rester ici. Fuis, fuis avant que tu ne sois jugé. Fuis, avant que tu ne sois puni. Crois-moi que cette punition sera la plus sévère qu'il soit.

- Jules, arrête.

- Oh non je ne vais pas m'arrêter là. Tu es un monstre Kazugami. Tu n'as rien d'humain. Et c'est toi qui les a tué ces types ? Comment ? Quel est donc ton secret ? Qu'est-ce que tu nous caches encore, Kazugami ? Je sais très bien que tu ne vas pas répondre. Tu vas juste fuir. N'est-ce pas ? »

NADAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant