Chapitre 17

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Cédric

Je crois que je n'aime pas Nassigny. Enfin, une partie de sa population. J'en ai marre d'être ramené au "pote de Kazugami", qu'on me regarde mal. L'enceinte du château est devenue trop petite. Il a beaucoup de passage, je n'ai plus l'impression d'avoir une vie privée.

Le calme me manque.

La situation semble très tendue, mais le Conseil ne veut pas en parler. Cela pèse beaucoup sur le moral de tout le monde. Nous sommes tous dans l'incompréhension. Que va-t-il se passer ? Va-t-il y avoir des répercussions ? Va-t-on mourir ? Quelle est la prochaine étape ?

Je termine mon petit déjeuner. Flora, assise en face de moi, est bien silencieuse. Elle ne parle pratiquement plus depuis le départ de Kazu, et passe son temps enfermée dans sa chambre. Elle ne veut pas me dire ce qu'elle fait de son temps. Je suis de plus en plus inquiet.

« On devrait aller à Paris. »
Je sursaute.

« Pardon ?

— On devrait aller à Paris, j'ai dit.

— Oui, ça, j'avais compris. Mais pourquoi ? Ils veulent nous buter.

— Ca, ce n'est pas sûr. Et quelqu'un devrait aller voir ce qu'il se passe là-bas, quelle est leur situation, et pourquoi on a reçu un Missionnaire.

— C'est beaucoup trop dangereux...

— Arrête. Ne me fais pas croire que tu as peur. Je sais que toi aussi tu es curieux.

— Certes, mais...

— Pas de "mais" qui tiennent. Je serai prête pour partir à midi. Tous les deux. Personne d'autre. »

De toute évidence, je n'ai pas le choix semble-t-il. Elle a trop d'autorité cette gamine. Mais je me sens obligé de la suivre, comme si j'étais convaincu qu'elle avait la solution. Est-ce que notre départ va impacter le village ? Si on se fait attraper à Paris, qu'est-ce qu'on va faire ? J'imagine que Flora a déjà réfléchi à la question.

Je sors de notre résidence, à quelques pas du château. Le soleil chauffe sur ma peau. C'est l'une des sensations les plus simples que j'apprécie le plus. J'en profite pour faire quelques étirements. Au moins il fera beau sur la route. Je vais au château. J'ai caché avec Kazu quelques armes, qui pourraient nous être utiles. Je monte à l'étage, dans les appartements de Kazugami. A chaque fois que je monte ici, j'ai la sensation de déranger, même s'il n'y a personne. Pourtant, aujourd'hui, je ne ressens pas ça. J'ai l'impression que ma présence est tolérée, que Kazugami approuve mon initiative. Toutefois, j'essaye de faire le moins de bruit possible, une sorte de respect pour ce calme. J'entends alors un son que je n'arrive pas à identifier. Une sorte de bruissement, ou bien du vent. Je retiens ma respiration, cherchant d'où provient ce bruit. Il provient de la chambre de Kazu. La porte est fermée, mais devant celle-ci, je comprends que ce que j'entends est en fait quelqu'un qui sanglote. J'essaye alors d'ouvrir la porte le plus silencieusement possible pour voir qui est dans la pièce. Mais le grincement des gonds me trahit. J'avais pourtant dit à Kazu de huiler sa porte ! Je vois Astrid, assise contre le mur, relever sa tête de ses bras croisés, surprise. Au-dessus d'elle est écrit sur le mur "qui suis-je ?", une question parmi tant d'autres sur ce mur griffonné.

« Pardon.. je ne voulais pas...

— Quel est le problème ?

— C'est... »

Elle éclate de sanglots. Dans ce genre de situation, je ne sais jamais quoi faire. Elle me rappelle un peu Flora. Je me rapproche d'elle et m'accroupis. J'hésite un instant, avant de la prendre dans mes bras. Elle se laisse faire. Dans un sens, ça me rassure un peu. Elle pleure comme ça, pendant plusieurs minutes contre moi.

NADAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant