NADA

Chapitre 12

Kazugami

On finit par arriver à Strasbourg en milieu d'après-midi. On a dû faire de nombreuses déviations, pour éviter les grandes villes ainsi que les axes bouchés par des accidents ou véhicules abandonnés sur la chaussée. On a rencontré beaucoup d'animaux sauvages en chemin, c'est agréable de voir la nature reprendre ses droits.

Je roule doucement dans les rues strasbourgeoises. Les fenêtres entrouvertes, on guette des bruits extérieurs. Pas le moindre signe de vie humain en vue. Mais on croise beaucoup de chiens errants qui chassent en meute. Ils n'osent pas attaquer notre voiture, mais cela ne les empêche pas de nous aboyer dessus.

J'arrive enfin à destination. L'avantage de vivre dans un monde mort, c'est qu'on peut se garer n'importe où. Même au milieu de la route, ce que je ne manque pas de faire. Je descends de la voiture et me tourne vers le gymnase du Parc à Illkirch-Graffenstaden. Clarisse me rejoint. Je lui fais discrètement signe que nous ne sommes pas seuls.

« Vous n'êtes pas de taille face à moi. Même à trois. Vous me reconnaissez, n'est-ce pas ? Je suis accompagnée de Clarisse, une amie. Viktor est là ? »

Trois silhouettes sortent de l'ombre, toutes armées de katanas et portant une armure de kendo. La personne du milieu enlève son casque.

« Nous vous attendions, messire Kazugami.

— Ravi de te revoir Elsa.

— De même. Suivez-nous. »

Elsa et ses deux compères nous emmènent dans le gymnase. Avant d'entrer, je dois poser mes armes à feu, mais je garde le droit de porter mon sabre.

La grande salle a bien été modifiée depuis ma dernière visite. Des tentes sont alignées contre un mur. Au centre se trouve une estrade de fortune, recouverte d'un parquet taché de sang. Sous un des deux paniers de basket, un trône immense se dresse, sur lequel repose un homme habillé d'un kimono noir. A entendre le son de sa console, il joue à Mario Kart.

« Attendez une seconde, je termine ma partie. » dit-il sans même relever la tête. Je soupire. Je ne me sens pas vraiment à l'aise ici. Une dizaine d'autres personnes se trouvent dans la pièce, chacune occupée à de diverses tâches. Une odeur de viande grillée me met l'eau à la bouche. Je sens certains regards méfiants sur moi. Ainsi que le regard admiratif d'Elsa. Qu'a encore dit Viktor pour qu'elle me dévore ainsi du regard ?

Celui-ci, justement, repose sa Nintendo Switch et lève la tête.

« Kazugami ! Enfin, te voilà ! Si j'avais su que c'était toi, je ne t'aurais pas fait attendre.

— Pas grave. Content de te voir en pleine forme.

— Et moi donc ! Tu fais les présentations ? Qui est donc cette charmante jeune femme ?

— Tu as raison, je manque à mes obligations. Viktor, je te présente Clarisse, ma dulcinée. Clarisse, voici Viktor, disons... un compagnon d'armes.

— Un rival même ! ajoute l'intéressé.

— Tu as ma commande ?

— Evidemment. Mais ce ne sera pas gratuit.

— Pardon ?! »

Je feins la surprise. En réalité, je me doutais bien qu'il me ferait payer. Tout reste à savoir comment.

« Et que veux-tu ?

— Un duel ! Ton genou est guéri j'espère ?

— Ouais ça c'est bon. Mais pourquoi refaire un duel ? Tu n'es pas assez satisfait de ta précédente victoire ?