La corbeille

47 11 8
                                    

Dans la pénombre de sa chambre, Céleste ruminait.

Elle torturait la pauvre nuisette de coton blanc, enroulait et déroulait ses cheveux autour de son index, se laissait tomber sur son lit puis sur sa chaise de bureau... Elle était en feu... elle était de feu.

Ce voyage, c'était du pain béni. Du rêve offert sur un plateau. L'occasion de voir la beauté du monde. Certes, elle économisait, beaucoup même, mais c'était pour un jour pouvoir ouvrir sa propre librairie. Pas pour dépenser son argent en futilités comme des voyages. La grand-mère de Na-Kyung l'invitait. Elle avait juste à dire oui. Elle partirait en terre inconnue mais entourée de proches.

Et pourtant, de nouveau, elle ressentait cette froide solitude.

Mais surtout, si elle acceptait, elle aurait le sentiment de faire un pas de plus vers l'attachement et la dépendance, et donc, pour elle, vers la vulnérabilité. Elle se reprochait déjà assez de s'être tant laisser aller.

Ce n'était qu'un voyage après tout ! Une parenthèse !

Des flammes plein les yeux, d'un air décidé, elle envoya un SMS à la grand-mère audacieuse avant d'entrer en trombe, sans frapper, une fois encore, dans la chambre de Na-Kyung.

—    Naki ? Je viens avec vous.

Ce dernier, sur le point de se coucher, poussa la porte derrière elle. Une nuit, rien qu'une nuit, il la voulait rien que pour lui. Cette nuit, au moins.

Le statu quo avait été brisé.

La communication aussi. Ils s'étaient évités toute la journée qui avait suivi en sachant très bien qu'ils devraient trouver une solution avant vendredi. Parce que vendredi, ils prendraient le même avion avec Halmeoni et qu'ils allaient passer trois semaines ensemble en famille, qu'il faudrait présenter Céleste.

—   On dira la vérité ! Nous sommes colocataires, voilà tout !

—   Tu sais bien que ce n'est pas TOUT ! pleurait de rage Na-Kyung.

Céleste ne l'avait jamais vu pleurer. Comme elle ne l'avait jamais vu perdre son calme. Cela lui brisait le cœur. Elle avait été stupide de faire irruption dans sa chambre la nuit dernière. Il avait été stupide de chasser ses amants.

—    Ça ne veut rien dire, Naki... ce n'était qu'un accident...

—    Tu ne crois même pas toi-même à ce que tu dis ! Laisse-nous une chance !

—    Une chance et puis quoi ? Dans un an, tu dois rentrer pour faire ton service. Un an et demi, au mieux, dans « la grande muette »... et, ensuite tu crois que tu reviendras vraiment en France ? Tu crois vraiment que tes parents ne vont pas te contraindre à trouver un travail à Séoul ?

—    Tu ne peux pas le prédire...

—    J'ai bien assez de mon père à aimer sans jamais le voir, juste à croire ses mots ! A attendre son retour et son amour en vain. NON ! fit Céleste en secouant sa chevelure blonde et ses larmes qu'elle ne retenait plus non plus.

—    Alors, je suis JUSTE ton propriétaire ? cingla le jeune homme.

—    Non, ce n'est pas ça non plus... murmura Céleste... tu le sais, non ?

—    Peut-être. Peut-être que je ne veux plus savoir. répondit Na-Kyung désespéré, avant de partir s'enfermer à clef dans sa chambre, ce qu'il n'avait jamais fait.

—    Naki... essaie d'être raisonnable... comprends-moi...

Céleste se laissa tomber sur sa chaise de bureau. Elle regarda à travers ses larmes et les rideaux entrouverts les lumières du quartier Saint Anne. La vie poursuivait son cours comme si rien n'avait changé. Comme si elle n'était pas sur le point de revivre le plus grand drame de sa vie. Être abandonnée. Encore.

La Corbeille Où les histoires vivent. Découvrez maintenant