All I need to hear

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« Il y a une morsure douloureuse : le chagrin de ne pas partager avec un être aimé la beauté des moments vécus. »

Dans les forêts de Sibérie, Sylvain Tesson


*


Na-Kyung soupira en ramassant la lettre et le téléphone et les fourrant dans son paquetage ; il ne pouvait échapper au service militaire.

Il était l'ancre de Céleste. Elle était celle qui avait amené un peu de vie en lui.

Il se souvenait de leur dernière conversation :

- Ne pleure pas, je t'en prie... avait murmuré Na-kyung retenant difficilement ses propres larmes à la sentir hoqueter contre son épaule. Je vais devoir partir. J'ignore encore quand... Nous le savions tous les deux. Ça tombe mal, mais... écoute-moi... je ne suis pas le père de ce bébé ni celui qui te manque...

- On aurait pu, tous les trois, avec halmeoni, former une famille, avait-elle réussi à répondre sans se détacher de lui. Une famille pas comme les autres, mais une famille quand même.

- Sans résoudre tes problèmes ? Tu sais bien que non ; ce n'est pas ma place.

- Tu as promis ! avait-elle presque crié en le regardant d'un air suppliant. Tu avais promis d'être là pour moi quoiqu'il arrive !

- Je tiens ma promesse !

- Et où seras-tu quand celui-ci pointera le bout de son nez ? fit-elle en tapotant son petit ventre rebondi. Qui me tiendra la main ? A qui dirai-je combien j'ai peur de ne pas être à la hauteur quand tu seras à l'autre bout du monde dans ton treillis ?

- Je serai présent à ma manière.

Chaque mot avait été un déchirement. Évidemment qu'il aurait souhaité être présent physiquement pour elle ! Lui tenir la main ce jour-là et tous les suivants.

Après une dispute violente avec sa grand-mère au sujet de Céleste et de la place de chacun dans les temps à venir, ils avaient fini par conclure qu'aucun des deux n'avaient fait les bons choix et que s'entêter dans leurs désirs de la garder pour eux seuls ne ferait plus de mal que de bien à celle qu'ils aimaient plus que tout. Céleste ne serait jamais Mme Seo Na-kyung. Et, il leur revenait, à eux, la cruelle mission de lui faire comprendre que de se terrer dans ce qui leur avait servi de cocon ne l'aiderait en rien.

Quoiqu'il en soit, il s'en voulait de ne pas avoir pu lui dire aurevoir. Le 18 septembre, jour de son enrôlement, était arrivé trop vite ! Il craignait que Céleste ne retrouve l'appartement vide, que son cousin ne bouge pas le petit doigt, de ne pas parvenir à tenir sa promesse... Son seul soulagement était de savoir qu'il avait la grand-mère la plus pugnace qui soit ! Elle pensait pouvoir dénicher leur petit coup de vent. Et puis, elle avait dit ces mots qui le rassurait :

« Céleste est la plus solide de nous trois ! C'est une force de la vie ! Elle ne voulait ni compagnon ni enfant. Et pourtant, elle prend le risque de remettre en cause ses convictions, elle se questionne et se cherche. C'est normal que le chemin soit douloureux. Laissons-lui le temps et soutenons-là ; nous la retrouverons plus forte que jamais. »


*


Malgré la chaleur de ce mois de juillet, elle enfonça son bonnet de marin sur ses longs cheveux blonds. Avec ses yeux bleus et son visage qu'on lui avait tant décrit, Jin la reconnut tout de suite. Il se retourna vers Namjoon qui faisait les cent pas entre le salon et son bureau, le téléphone vissé à l'oreille.

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