23 - the lone king

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Violence dans l'âme, tête embrumée. Sonner les cloches. Elles sonnaient comme un si un malheur funeste s'était abattu sur l'univers entier, comme si le soleil avait disparut, comme s'il ne restait plus rien de réjouissant sur la terre. Sonner les cloches. Sonner. Sonner. Les cris rejoignirent l'orchestre. Hurlement dissonant dans le vacarme ambiant. Aegon dormait. Il dormait comme un bébé, enroulé dans ses draps, paisible. Il ne l'avait plus été depuis l'incident malheureux d'Aemond. Incident. Il préférait le voir ainsi. Les cris de Strika, sa douleur, sa peine, étaient nés d'un accident. Son procès, son temps loin de lui en revanche... Un complot. Une calomnie. Aemond. Aemond.

Aegon se redressa soudainement, sa tête tournant si rapidement qu'il eut envie de rendre son dernier repas. Les cloches sonnaient avec une furie qui déchirait son âme en deux, comme si quelque chose de terrible se passait. Est-ce que Mère était morte? Tant-mieux, pensa-t-il. Otto peut-être? Ce n'était pas du tout une perte. Aemond n'en aurait pas été une non plus. Les cris, en revanche, lui semblaient trop désespérés pour être issus d'une procession funèbre. Personne ne pleurerait si la Maison du Dragon venait à tomber.

Les rugissements draconiques mirent du temps à monter à son cerveau et quand enfin, Aegon sembla percuté, ses couvertures volèrent dans tous les sens, noires, blanches, rouges, dorées. Trop nombreuses pour qu'il ne tomba pas au sol, son visage le premier sur le parquet en bois. Le Roi des Sept Couronnes se releva alors, frottant sa mâchoire tuméfiée avec ses trois doigts, le pas pressé. La fenêtre, vite, la fenêtre. Il observa sa cité en feu, le port brûlait de flammes hautes comme deux bâtiments et là, le grand Hôtel. Son Hôtel. L'Hôtel de tout ses fantasmes, de toutes ses chances, plein de tous ses souvenirs. L'Hôtel d'Ivresse était en feu.

Le blond passa son bras par le fenêtre, détachant l'étendard noir et doré qui pendant à sa fenêtre. Si Rhaenyra et Daemon étaient là, entrain d'attaquer, ils chercheraient certainement à l'assassiner et laisser tout le monde deviner sa position aussi facilement était une mauvaise idée. Syras hurla au loin, planant dangereusement au dessus des grandes tours qui essayaient de percer le ciel. Une vision qui manqua de le remplir de joie. Oui. S'il avait pu, le garçon se serait tenu sur le bord de la balustrade, une main sur son sexe, la seconde vers le ciel, profitant des derniers instants que cette misérable vie lui offrait.

Aegon souffrait. Il n'était pas heureux, il ne l'était jamais vraiment, uniquement quand son visage était engouffré entre deux seins ou sous une jupe, son corps entouré de deux bras laiteux. Il n'était réellement en paix qu'au moment où une mer de cheveux de feu le recouvrait tout entier, une douce voix susurrant son nom avec la plus grande tendresse du monde. Une tendresse presque maternelle. Le blond d'or argenté se demanda un instant s'il avait été un monstre. S'il avait été une mauvaise personne si tout cela était sa punition divine. Douce punition, c'était ce qu'était la mort. Vingt-deux ans dans ce monde injuste était vingt-deux ans de trop. Terrible punition, cependant, de mourir loin de son amante.

Strika. Aegon se précipita alors sur ses habits, ses mains tremblant autour des boucles et cordons, synchronisation mal assurée de ses deux mains qui avaient connu un si funeste destin. Sur sa tête, il préféra la sécurité du capuchon plutôt que de la couronne. Strika. Il devait la trouver, la sortir d'ici. Gaemon. Son fils. Ils devaient retrouver la maison aux piliers sculptés de roses, aux balustrades blanchies par le soleil. Ils devaient retourner d'où ils venaient au plus vite. Fosse-Dragon. Rhaenyra brûlerait certainement le chemin pour y accéder. Ils ne pouvaient pas aller là-bas.

Le Seigneur de Westeros se précipita hors de ses appartements, manquant de trébucher à nouveau. Pas de gardes en vu, presque personne. On ne l'avait pas réveillé. On l'avait laissé pourrir ici. Mourir ici. Un rire amusé quitta ses lèvres pâles, si pâles quand elles n'étaient pas peinte de rouge de la Treille. Un vacarme assourdissant se fit entendre au dessus de lui, un vacarme qui s'écrasa plus bas, des cris de terreur. La garce essayait de faire tomber le Donjon Rouge. Aegon se précipita alors, appelant avec une force qu'il ne s'était jamais connu. Si seulement. Si seulement cette voix forte lui avait permit de diriger sa cour comme un bon roi. Mais il n'avait jamais été question qu'il soit bon ou juste ou droit. Le monde n'était rien de tout ça.

« Strika ! »

Sa voix rencontra le vide et une angoisse soudaine le prit. Et si elle s'était perdue? Et si Aemond en avait profité pour l'achever derrière le pan d'un mur ou d'un rideau à l'abri des regards? Et s'il s'était enfoncé jusqu'à la garde en l'étranglant à mort? Aussi affreux que cela puisse paraître, Aegon sentit la furie monter en lui. Il était dans la nature de l'homme de prendre ce qui n'était pas à lui mais son frère savait mieux que quiconque où et comment se servir. Il prenait sans rendre et le plus âgé refusa que le borgne qui lui servait de puiné puisse lui voler les derniers instants de Strika. Les dernières gouttes de sa chaleur. Elle était entièrement sienne. Il avait transformer le Palais Royale en enfer sur terre pour elle. Il avait ordonné la mort de Meleor pour elle.

Meleor. Une vague de culpabilité caressa son estomac lentement. Il n'avait jamais été son fils mais la douceur de ses mots, la façon dont le garçon l'appelait 'Père'. Meleor n'avait jamais su son véritable héritage et l'avait aimé malgré son indifférence. Gaemon. Il devait au moins sauver sa propre chair. Ses appels redoublèrent alors qu'il descendait les quatre-cent-dix-huit marches d'une horreur au goût amer. Les cachots. Il s'agissait de l'endroit le plus sûr en cas d'attaque, Helaena le savait, Aemond le savait, Mère le savait. Un de ces trois là y seraient surement. Ses mains repoussèrent les rideaux sur son passage, soupirant de n'y voir aucun cadavre.

« Strika ! »

Le jeune roi se prit les pieds dans sa cape et dévala les dernières marches, un gémissement plein d'une douleur brûlante quittant ses lèvres. Il ne pu bouger et Aegon grimaça, au sol, la couronne du conquérant qu'il gardait sous sa cape avait perdu un rubis. Le blond regarda alors le metal froid, son couvre-chef royal. Il le détestait. Une larme venimeuse glissa sur le blanc de sa peau, lente, presque délicate. Malgré sa myriade de défaut presque multipliables par l'infini Aegon savait pleurer. Il n'était jamais laid quand son chagrin coulait sur ses joues. Otto s'était assuré qu'il resta un Prince même dans les pires moments de sa vie. Strika. Il devait trouver Strika. Et le Protecteur du Royaume se leva difficilement, son bras lui arrachant un cri d'une douleur qui le fit transpirer. Les étoiles dansèrent devant l'améthyste de ses yeux, prêt à s'évanouir.

Avec une peu de chance, sa tête se cognerait de la bonne façon contre la pierre. Son sang se répandrait alors sur les pierres froides. Il dévalerait les dix-huit marches finales qui avaient connu son ire. Les dix-huit marches finales qu'il avait toujours sautillé d'un pas gai le matin quand il était enfant. Est-ce que Gaemon aussi sautillait? Est-ce qu'il sautait les trois dernières marches pour se donner un défi? Est-ce que Strika riait à ses bêtises, l'observant faire avec sa patience légendaire? Elle l'était. Strika était patiente. La plus patiente des femmes. Malgré son jeune âge, Aegon avait eu beaucoup de putes. Beaucoup de favorites. Aucune n'était resté aussi fidèlement à ses côtés. Aucune n'avait caressé ses cheveux la nuit, murmurant quelques mots doux qu'il ne méritait pas.

Strika. Aegon dégaina Feunoyr, la tenant difficilement. Métal glacial sur la pierre brute, traînant derrière lui dans un dernier espoir d'être au moins bon pour les derniers moments de ce qui semblait être sa vie. Aegon allait mourir, il le savait pertinemment. Si Rhaenyra ne l'achevait pas, Daemon le ferait. Et si sa mort ne venait pas de leur main, elle viendrait de la sienne. Il se jetterait dans le vide, dans la mer, se pendrait peut-être. Il empoisonnerait son propre vin, ses lèvres rougies par la liqueur, ses joues chaudes d'ivresse. L'idée lui plu. Il la garda dans un coin de son esprit et continua à descendre plus bas. Toujours plus bas. Son bras était plus douloureux à chaque tressaut de son corps en bas des marches, les dents serrées, les yeux rougies, gonflés, prêt à déverser un torrent.

« Strika ! »

Le Seigneur des Sept Couronnes sentit son corps trembler, sa respiration s'accélérer. Il était déjà épuisé, si vulnérable, si incompétent. Ridicule petit rat. Un Roi-Cafard. Pathétique. Et un premier sanglot quitta ses lèvres. Il pleura d'un désespoir si grand qu'un haut-le-coeur manqua de répandre son estomac sur le sol, dans la poussière des Cachots. Seul. Il était seul. Si seul. Et il pria pour qu'on le trouve, fusse-t-on l'ennemi ou l'allié. Quelqu'un. Quelqu'un pour le sortir de là, fusse-t-on vie ou mort.

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HOTD - The Lesser Lord [Aegon x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant