9 - lady rivers

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« Trinquons à la santé de ses trois garçons si forts. »

Le froid de la nuit mordit les joues d'Aegon quand il sortit du Donjon Rouge, s'éclipsant dans la nuit sans être vu. Le brouillard, épais, cachait les ruelles désertes de la capitale, la plongeant dans une lugubre atmosphère qui la caractérisait si bien. Le festin avait été un désastre, non seulement parce qu'il n'avait pas pu coincer quelques demoiselles que ce soit jusqu'à ses appartements mais surtout parce que la soudaine amitié de sa mère avec Rhaenyra avait coupé court à toute bagarre entre eux et les garçons Fort. Aemond avait été un génie, pensa le plus âgé. Un véritable génie qu'il avait applaudit en le suivant dans le couloir. Il avait ensuite embrasser le front de son petit frère, le félicitant sans trop savoir pourquoi, le flattant, s'assurant qu'il saurait s'endormir paisiblement. Puis le jeune prince, complètement ivre, avait déambulé dans le palais, finissant par sortir puisqu'il avait eu envie de vomir.

Ses pas maladroits l'avaient guidé jusqu'à sa cachette habituelle, récupérant quelques habits de domestique qui trainaient, sales, puants, mais suffisant pour se fondre dans les tréfonds de la ville, pour respirer un coup hors de la très étouffante atmosphère du palais. Puis par habitude, il avait descendu une rue, tourné à gauche puis à droite, suivant un itinéraire tout tracé. Après deux années, il se demanda comment son corps se souvenait encore du chemin à parcourir pour atteindre la large maison sur deux étages aux colonnes sculptées de roses, juste là, proche de Fosse Dragon. À la fenêtre de son ancienne amante, de la lumière, deux silhouettes dansantes passant de temps en temps derrière les rideaux translucides qui flottaient aux vents.

Puis le voilage s'écarta, laissant apparaître une voluptueuse rousse. La femme qui peuplait ses rêves, sa chevelure tombant en cascade sur son corps si légèrement vêtu, comme du miel coulant à profusion. C'était elle. Red Flame. Et Aegon se cacha un instant alors qu'il l'observait souffler un instant, vidant une coupe lentement. Elle semblait bien d'ici ou au moins, pas exactement malheureuse. À l'intérieur, une voix féminine appela son nom. Strika. Mysaria, supposa-t-il. Et elle rentra à nouveau à l'intérieur, fixant le vide dans sa direction et il la vit, l'étincelle de mélancolie qui l'habitait.

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Aegon frappa. Il frappa avec force, incapable de rester loin plus longtemps. S'il était venu jusqu'ici, il n'était plus la peine de faire demi-tour. Il s'agirait d'une perte de temps et d'énergie. La porte s'ouvrit soudainement et le visage du ver blanc se fronça instantanément, la jeune femme essaya de refermer la porte avec violence mais le Prince la bloqua avec sa jambe et ses bras, sifflant sous la douleur. Il entra alors, repoussant la femme plus âgée et ses cheveux retombèrent autour d'elle. Son regard était mauvais, elle devait profondément le haïr. Il y'avait de quoi. Mysaria cria alors et Strika descendit à toute vitesse les escaliers.

La scène sous ses yeux manqua de la faire crier en retour. Une scène improbable qu'elle aurait préféré ne jamais voir. Puis la capuche de l'inconnu retomba et dévoilâmes des cheveux blond argentés, presque aussi blancs que la lune si la flamme des candélabres ne les assombrissaient pas. Strika sentit une larme glisser sur sa joue, ses lèvres s'entrouvrant de choc et son corps bougea avant son esprit. Instinct de survit, remontant comme une flèche à l'étage pour s'enfermer, se barricader. Tout sauf ça.

Et Aegon suivit, criant après elle, criant de désespoir, de colère, d'amour, de haine, de joie, de tristesse. Tout ce que la vie lui permettait de ressentir jusqu'à la porte en bois. Il tambourina alors en suppliant qu'on lui ouvre, répétant qu'il aimait la rousse, qu'il mourrait à petit feu sans elle. Qu'elle était sa vie toute entière. Qu'il crèverait certainement dans moins d'un an. Et ses mots furent reçus par le grincement d'une porte qui s'ouvrit devant lui, laissant le dragon entrer comme s'il était un agneau saint, ignorant le danger de ses crocs et de son feu. La rousse tenait un poignard dans sa main et Aegon éclata de rire, un rire plein d'ironie froide. Et il tendit sa main, pulpes froides contre la peau brûlante et humide de larme.

« Regarde toi, Strika. Superbe... Plus belle encore que la dernière fois que j'ai posé les yeux sur toi. »

Les mots du prince firent monter la colère de Strika. Il l'avait abandonné derrière. Il l'avait laissé comme la première fois, comme si elle était toujours une malpropre famélique et mourante dans l'allée de Culciper. Comme si elle était toujours la fille de 14 ans. Et Aegon s'approcha, attrapant son poignet pour la serrer dans ses bras. Il s'excusa alors à son oreille, caressant son dos avec lenteur. Pendant une seconde, le blond pensa à la rassurer assez longtemps pour la retourner, lui arracher ses vêtements et la prendre, là, de force, la laissant ensuite giser au sol, morte ou vivante, peu importe. Mais elle se mit à parler et les sourcils de l'homme se froncèrent.

«  Fuis avec moi Aegon. Quittons Port-Réal. Rien ne nous retient réellement ici, tu l'as dit toi-même la dernière fois. Ta famille pourrait me tuer. Partons d'ici.

— Arrête !

— Tu m'as promis des choses ! Tu as dis que tu m'aimais ! Est-ce que tu as menti?

— Tu es une pute Strika. Tu devrais savoir qu'il ne faut pas écouter toutes les idioties qui quittent les lèvres des hommes comme moi. »

Une pute. La rousse offrit un regard blessé à Aegon, se reculant de plusieurs pas quand il tendit sa main vers elle, choqué par ses propres mots. Il avait toujours eu vite fait de la traiter de tous les noms et de faire d'elle sa chose, pensant qu'elle ne se déroberait jamais de sous ses doigts. Pourtant, il avait eu tord et un soupire tremblant brûla sa gorge quand dans le dos de la jeune femme, un bambin aux cheveux blancs apparut, tirant la robe de sa mère en réclamant des choses avec ses mains. Strika resta alors interdite un instant, ses yeux fixant le visage d'Aegon avec terreur. Allait-il s'en prendre à elle avec violence? Allait-il les tuer tous les deux dans un coup de folie? La rousse recula alors lentement, tenant la main de son enfant derrière elle, laissant son instinct parler plus que sa raison.

Le prince, lui, tendit sa main vers elle, un air terrifié dans les yeux. Il ne voulait pas la voir disparaitre de sa vie. Pas alors qu'il l'avait retrouvé. Pas alors qu'il avait planté un enfant dans son ventre. Et les soudains pleurs de ce dernier le ramenèrent à la réalité, observant les deux silhouettes face à lui dans le noir, la femme berçant son tout petit dans ses bras en lui murmurant des mots avec tendresse. Aegon s'approcha alors lentement, prudemment, levant ses deux mains et quand il fut assez proche, il caressa les cheveux argenté du bâtard qu'il avait engendré. Il n'avait pas l'air terrifiant. Il n'avait pas d'ailes ou d'écailles de dragon. Juste une grosse bouille et des yeux effrayés.

« Tu fais peur à ton fils, Aegon. Susurra Strika en tremblant de peur.

— Mon fils? Répéta-t-il en écho.

— Gaemon, Gaemon Rivers. »

Et Strika éclata dans un sanglot supplicateur quand Aegon se saisit de son fils, le portant entre ses bras pour observer ses traits. Gaemon. C'était un joli nom, pensa-t-il, un nom digne pour un rejeton qu'il avait abandonné. Le prince passa alors sa main sur la joue de Strika avec lenteur, retraçant la cicatrice sur son visage, s'apaisant pour la première fois depuis si longtemps. Et ses lèvres rencontrèrent celle de la rousse. Blanc contre Rouge. L'enfant fut alors ramener à sa chambre et ses parents s'aimèrent à nouveau comme au climax de leur amour passé.

« Fuyons. Demain. Susurra-t-il alors à son oreille »

Mysaria fit alors sa magie et au petit matin, alors que le palais tout entier chercha Aegon, il avait mystérieusement disparut.

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HOTD - The Lesser Lord [Aegon x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant