16 - the judgment of the mother

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Le Donjon Rouge était une création de Maegor le Cruel. Une création terrifiante dont les nombreux passages, sous-sol, donjons et autre endroits sordides étaient devenus un secret que personne n'était capable de connaître. Tout avait disparut avec le terrible roi, laissant le potentiel de ce chateau disparaître avec lui. À la place, la cour avait su devenir un lieu plaisant — jusqu'à un certain point. Une routine cérémonielle s'était alors mit en place. Le palais se réveillait avec les domestiques, les servants, les dames de compagnies et autres personnes au service d'autrui. On s'activait alors à puiser de l'eau, à la faire chauffer, à remplir les cuves de cuivre dans les cuisines, à préparer diverses herbes et mélanges pour le bain des plus nobles parmi les nobles.

Ce matin là, Aegon se réveilla de bonne heure. Il ouvrit ses yeux, son coeur prit d'une peur intense. Il n'avait pas mal à la tête, il n'avait pas envie de vomir, son lit était froid, personne ne dormait avec lui. Pour dire toute la vérité, ses draps étaient d'une propreté qui le mit assez mal à l'aise. Le Roi des Sept Couronnes était habitué à la saleté, à la répugnance de ce que son corps produisait naturellement. Les domestiques étaient habitués à cela, ils avaient cessé de demander s'il allait bien. Quand le blond posa ses pieds au sol, il remarqua du sang au sol et des traces de griffure sur le bois. Ignorer. Faire semblant. Rien n'était arrivé. Rien ne s'était produit dans le secret nocturne de ces quatre murs.

On entra à pas de loup ce matin là et les servants s'inclinèrent, surpris de voir le garçon-roi déjà réveillé. Il était habituellement endormi jusqu'à midi, noyé dans ses propres coupes de vin, le pichet renversé sur le matelas et sur son corps. Aujourd'hui, Aegon fixait simplement le vide, attendant de pouvoir se laver de toute la peur et de toute l'anxiété qui habitaient son coeur comme une blouse mal taillée qui grattait terriblement. S'il le pouvait, il s'arracherait la chaire jusqu'à ne plus exister, jusqu'à ne plus être. C'était ce qui était le plus difficile. Être. La chaleur sur sa peau le fit cependant soupirer. Il le savait. Aujourd'hui se tenait le procès.

Les cris et pleurs des enfants se répondaient en échos. Jaehaera et Jaehaerys contre Melleor. Ou les trois contre Helaena. La Reine n'en savait rien. Elle bataillait contre son envie de fondre en larme. Quelqu'un d'autre faisait ça pour elle habituellement. Quelqu'un la soutenait du levé au couché, lui répétant que tout irait bien et qu'elle s'en sortait à merveille. Quelque chose s'était encore passé. Quelque chose de grave pour que sa dame de compagnie ne fut pas encore ici. Helaena se demanda alors si Aegon avait frappé la fois de trop. Si Strika était tombée sous la douleur, son corps prit de soubresaut terrible. Aemond entra alors dans la nurserie, silencieux comme à son habitude. Il déposa cependant un baiser sur le front de sa soeur. Un baiser trop doux.

« Qu'est-ce que tu as fais? Demanda Helaena tout bas. »

Son instinct lui soufflait que quelque chose n'était pas juste. Qu'Aemond était responsable, qu'il avait fait une erreur quelque part, que les Dieux étaient cruels de lui imposer cela. Helaena aimait Aemond. Elle aimait sa présence à côté d'elle. Il était le père de ses trois enfants, personne ne pourrait lui retirer cela, personne ne pourrait dénier la joie qu'elle ressentait d'être la mère d'enfants aussi doux et aussi formidables que les siens. Et ce bonheur, la Reine le devait à Aemond et à lui uniquement. Pourtant, là, tout de suite, le Prince sentait la culpabilité, l'erreur, la faute. Il n'était pas parfait. Il n'était pas vertueux. Aemond Targaryen était un homme. Et quand il expliqua ce qu'il avait fait hier sans cligner des yeux, la blonde fondit en larme d'une violence qu'elle se découvrit tout entière.

. . .

Quand le ciel fut assez haut dans le ciel pour que toute la maison du roi fut réveillée, la cour se rassembla dans la salle du trône. Aegon II Targaryen y était installé, enveloppé dans sa cape noir. Noir sur l'Argent. Noir et Doré, les yeux rouges et enflammé. Il avait dénié le droit de son frère cadet de se tenir près de lui, le renvoyant à leur mère. Aemond l'avait trahit. Il avait trahit sa promesse de le protéger corps et âme. De protéger ses secrets. Peut-être devait-il être celui qui devait être jugé, aujourd'hui, devant les Dieux. On avait installé un banc de prière face à eux. Face à cette famille qui ne méritait pas de passer un jugement. Aegon se sentit profondément malade, ce n'était pas le vin qu'il avait avalé en quelques gorgées, ce n'était pas la vision de son grand-père ou de son frère. Non.

Les portes s'ouvrirent dans un craquement sinistre. Tout le monde était là pour assister au jugement d'une espionne, le jugement d'une traitresse entrée à la cour pour leur faire du mal. C'était ainsi qu'Alicent avait présenté la chose, des mots qu'elle avait fabriqué avec son fils adoré, ça ne faisait pas de doute. Helaena avait grimacé, observant Aegon avec un air entendu. Et pour une fois, la première fois peut-être, elle se tint au côté de son frère-époux, droite. On fit entrée l'accusée, ses cheveux roux et sauvages l'enveloppant comme une cape protectrice, comme des ailes prêtes à s'étendre pour fuir. Strika était un oiseau. Un oiseau accusé de crime qu'il n'avait pas commis mais qu'on écraserait tout de même. Par la faute d'Aegon. Sa faute toute entière.

La jeune femme s'agenouilla sur le banc de prière, croisant ses mains. Pendant une seconde, elle imagina la lumière tamisée du Septuaire, son odeur d'encens si profonde qu'elle aimait tant. Elle revit le visage de la Mère Supérieur, hochant sa tête, sa façon à elle de complimenter ses filles. Ses filles. Strika avait travaillé dur, avait prié la Mère, le Père, la Jouvencelle et tous les autres Dieux avec ferveur, avait soigné les malades et apporté des repas chauds dans les orphelinats. Elle avait été une femme de foi, une femme de vertu. Et elle se demanda comment une personne pareille avait pu tomber si bas. Si loin dans la déchéance et la honte.

« Lady Strika Verraz, vous êtes accusée de haute trahison, d'espionnage, de tentative d'assassinat sur la personne de sa Majesté, Aegon II Targaryen. Roi des Andals, des Rhoynar et des Premiers Hommes. Seigneur des Sept Couronnes et Protecteur du Royaume. Comment répondez-vous de ses charges accablantes? »

Strika redressa sa tête. Il s'agissait d'un vieil homme brun portant une tunique de velours vert. Une broche brillait sur son coeur. Si brillante. Si fière. Elle supposa qu'il s'agissait d'Otto Hightower. Le fameux. Le terrible. Son regard s'adoucit alors en se posant sur Aegon. Son Aegon. Il avait donc souffert de la main de cet homme. Cet homme si cruel qui aurait dû être à genoux ici à sa place. Aemond détourna ses yeux de la scène. Il avait causé tout ceci, toute cette douleur. La douleur d'Helaena. Allait-elle demander à ce que le plus jeune soit jugé à la place de cette fille commune et sans nom? Allait-elle demander sa tête? Aemond l'aurait donné bien volontiers s'il s'agissait d'une commande de sa reine. La fille parla cependant.

« Je réponds coupable des accusations prononcé à mon encontre si ce sont les charges apportées par le Prince du Royaume mais aussi sa Grâce, le Roi. Il est vrai que j'ai tenu un couteau sous sa gorge, allongée de tout mon poids sur sa Majesté. Il est vrai que j'ai dit que je me glisserais de lit en lit, s'il s'agit des accusations portées par le Prince Aemond. »

On regarda alors Le Borgne avec gravité, attendant sa réponse alors qu'il glissa son unique oeil violet dans le regard brun de cette fille. Elle s'accusait toute entière d'un crime qu'il n'avait pas décrit. Elle s'accusait pour Aegon et Helaena. Pour leur éviter la trop grande pénibilité d'un procès long et compliqué. On regarda Le Borgne et il hocha sa tête sans dire un mot. Sa soeur ferma alors ses yeux, ses doigts serrant la main d'Aegon. Le plus âgé observa Strika. Il l'observa avec une intensité grandissante. Il avait envie de crier. Il avait envie de hurler qu'on la laisse tranquille mais une fois de plus, aucun mot ne sortit de ses lèvres.

Rien ne vint quand Otto Hightower, Main du Roi parut satisfait d'avoir accompli sa tâche. Rien quand Aemond les regarda avec un air presque suppliant qu'il n'avait jamais vu chez lui. Mais quand Alicent, leur mère, réclama la tête de Strika, Aegon se leva. Il avait le regard fou, menaça sa mère en pointant Feunoyr vers elle. Personne n'aurait la tête de cette fille. Personne.

« Ça suffit. Personne ne tuera personne. Emmenez-là dans les cachots. Je saurais quoi en faire. »

La voix d'Aegon avait été forte, claire, profonde et ses yeux améthystes tombèrent dans le brun à nouveau. Il eut l'impression de retomber amoureux une troisième fois. Tout était sa faute. Il n'y avait pas de doute là dessus.

« Merci, prince des bas-fond. »

Aegon ne sut dire s'il avait lu correctement sur les lèvres de Strika. Il l'ignorait mais la douleur ne le quitta pas et alors que la salle du trône se vida, il se jura de se venger petit à petit, pas à pas.

HOTD - The Lesser Lord [Aegon x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant