Chapitre 2

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C'est sans surprise que je retrouve mon amie à la cuisine, déballant un carton de vaisselle alors que deux assiettes sont déjà dressées sur le comptoir. Je souris. Uma aime aussi l'ordre et la propreté, et je sais qu'elle me sera d'une grande aide pour déballer mes maigres cartons.

Mon regard divague vers la baie vitrée, qui donne sur un petit jardin ainsi qu'à une partie de la rive du lac. Il y a un ponton plus loin sur la droite, dans un autre jardin. Il y a aussi une petite pirogue. Je n'avais pas vu à proprement parlé la vue. Mais elle me coupe le souffle.

-Pas mal, hein?

Je pince les lèvres en me tournant vers Uma. Cette dernière a ses yeux marron braqués sur moi, un large sourire scotché sur sa fine bouche. Elle parvient aussi à me faire sourire.

-C'est magnifique.
-Et encore plus en hiver! Tu vas voir, tu vas adorer!

Elle se précipite vers moi en sautillant, hurlant à tue-tête, je cite: "tu es enfin ici! On se retrouve enfin!". Je me crispe un peu, mais me détend rapidement. Réflexe. Je lui souris et me joins un peu à elle, frappant uniquement dans mes mains. Il ne faut pas non plus trop m'en demander...

Elle finit par cesser son excès de folie, qui malgré tout me réchauffe le cœur. Il n'y a qu'elle qui puisse égayer ma vie. C'est d'ailleurs le seul être humain que j'arrive à fréquenter. Et ce sur une longue durée. Je l'ai rencontré il y a huit ans déjà.

-À quoi tu penses, ma jolie? Si tu penses aux assiettes, promis je les ai lavé avec ton produit vaisselle à la pomme avant de servir le gâteau.

Je souris à Uma qui malgré son ton, garde les sourcils froncés. Elle s'inquiète toujours pour moi. Et ce n'est pas près de s'arrêter, malheureusement. Je secoue négativement la tête alors que nous nous installons pour déguster ce fameux gâteau.

-Je peux gérer pour les assiettes. Je pensais juste aux débuts de notre amitié.
-On était femme de ménage de nuit dans des bureaux de riches. Tu parles de souvenirs.

Elle enfourne une généreuse bouchée de fondant au chocolat, puis agite sa cuillère devant mon visage. Je recule. Réflexe.

-Tu venais d'arriver à New-York et moi...

Je ne finis pas ma phrase. Elle sait. J'avais dix-sept ans. J'avais arrêté l'école une année plus tôt. J'avais été violée deux années auparavant. Le procès était finit. J'ai cru en l'illusion de l'oubli. Mais c'était une illusion. J'ai tenu deux mois.

-Mais on s'est rencontrées! Et tu ne peux plus te passer de moi!

Elle sourit, fière d'elle. Je suis obligée de sourire aussi, même si les mauvais souvenirs refont surface. Je continue de manger, mourant à petit feu de faim. Je n'ai rien avalé depuis ce matin, trop angoissée à l'idée de sortir dans le monde extérieur et de devoir fréquenter d'autres humains.

-Tu m'as manqué, Uma.

La brune me regarde, et petit à petit ses yeux s'humidifient. Je regrette aussitôt d'avoir parlé autant à cœur ouvert. Merde. Qu'est-ce que j'ai fait? Quelques larmes commencent à ruisseller sur ses joues, me faisant encore plus culpabiliser.

-Bordel, Muse... C'est la première fois que tu me dis ça.
-Pardon. Je ne voulais pas...
-Laisse-moi te prendre dans mes bras, s'il te plaît.

Je la fixe dans savoir quoi lui dire. Uma a toujours été extravertie, elle m'a toujours fait part de ses états d'âmes, ainsi que du respect et de l'affection qu'elle ressent pour moi.

Pourtant je n'ai jamais eu ce courage. Je sais que je tiens à elle, mais je n'ai jamais su le lui dire. Les mots n'ont jamais voulu sortir. Faute d'avoir essayé à de nombreuses reprises. Mais aujourd'hui, c'est différent.

À cœur perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant