♧Muse♧
Cinq jours. J'ai compté. J'ai calculé. J'y pense à chaque instant. Il est parti depuis cinq jours. Il est retourné à New-York. Je crois que j'ai fini par détester cette ville. Pour mon passé, et parce qu'elle m'éloigne aujourd'hui de lui.
Je ferme les yeux en me laissant tomber contre le dossier du canapé. Il me manque. Terriblement. Et c'est affreux. Mais c'est aussi bénéfique. Oui, très.
Tu es accro.
Je sais. Ces cinq jours loin de lui m'ont appris une chose. Et ça, j'en suis plus que certaine. Je l'aime. Oh oui, je l'aime. Mais je n'arriverais jamais à le lui dire. C'est affreux.
J'ai essayé. J'ai essayé quand il m'a emmené pique-niquer. J'ai essayé quand il m'a dit qu'il était tombé amoureux de moi. J'ai essayé sur le chemin du retour. J'ai essayé la soir qui a suivi.
J'ai essayé quand nous nous sommes endormis pour la première fois l'un contre l'autre. J'ai essayé quand il est parti le lendemain. J'ai essayé. Mais les mots se bloquent dans ma gorge, elle se noue et je n'arrive même plus à respirer. Il l'a vu. Et il a cru que c'était à cause de ma peur d'être seule.
Stupide. Sotte. Idiote.
Emory m'a laissé les clés de chez lui pour que j'y reste. Ce que je fais. Il m'appelle chaque jour. Le soir, pour m'apaiser et m'aider à m'endormir dans son grand lit froid. Il m'appelle pour que je me réveille chaque matin. Et je l'appelle avant ses rendez-vous.
Et ça dure depuis cinq jours. Mais aujourd'hui, il rentre. Il rentrera très tard dans la soirée, alors j'ai prévu de lui faire une petite surprise. Un dîner, tous les deux. Je dois lui dire. Alors j'ai écrit une sorte de petit scénario que je lui donnerai au dessert.
J'ouvre les yeux en me redressant pour jeter un coup d'œil à l'enveloppe fermée posée sur la table basse devant moi. Ça doit marcher.
Je sursaute quand mon portable, rangé dans la poche arrière de mon jean, vibre. Ce n'est pas Emory. Il a un rendez-vous en ce moment même. Je le prends et fronce les sourcils face au lien que vient de m'envoyer ma meilleure amie.
Je lis tout de même les messages qui suivent.
Uma♡: [ Wyatt vient
de me montrer ça...][ Ça va? Tu veux que
je vienne? ][ Juliet suppose que
c'est un coup de Jane.
Elle était très en colère
la dernière fois. ][ Je peux passer, on
s'inquiète. Réponds moi. ]Qu'est-ce que c'est que cette histoire? Je réponds rapidement à Uma.
Moi: [ Non, ça va. Ne vous
dérangez pas pour ça. ]Et j'appuie sur le lien. Une page Internet s'ouvre. Un article. Pourquoi Uma m'envoie-t-elle un article? Et quel est le rapport avec Jane? Le titre attire mon attention.
《 Emory Sheridan, un homme aussi sage qu'une image? On vous dit tout. 》
Évidemment... les journalistes et leurs titres qui attirent les lecteurs. Je résigne lire la suite. Parce que je suis inquiète. Et parce que je suis curieuse.
《 Alors que le jeune trentenaire semble vivre une vie paisible hors les murs de New-York, les fans se questionnent de plus en plus sur cette grande figure du monde de la BD. Qui se cache derrière cette discrétion à toute épreuve?
Emory Sheridan ne laisse rien paraître de sa vie privée: il donne peu d'interview, ne parle que de son travail, et est indifférent aux réseaux sociaux. Comment ses fans le suivent? Avec sa maison d'édition et des newletters chaque mois. Mais ce n'est pas assez pour certains.
Installé au cœur de Saratoga springs, dans l'état de New-York, le dessinateur le plus en vogue cette dernière décennie ne mène pas le vie si tranquille qu'il se prétend mener.
Il semblerait en effet qu'il y vive une existence de libertin bien en chair. Et qu'elle chair! De jolies filles par dizaines défilent entre ses draps chaque mois. Et ces derniers temps, une seule parvient à le combler: une certaine Muse Huston.
"Je connais Emory depuis des années maintenant. Et nous savons tous dans notre petite bande d'amis qu'il est le plus fêtard et le plus affamé de tous, surtout quand il est question de femme" raconte une de ses amis.
"Je crois que le pire c'est qu'il a choisit la pire pour s'amuser ces derniers mois. Une pauvre fille complètement perdue, une genre d'hystérique qui a peur de sortir et qui l'empêche de nous voir. On ne le reconnaît plus. Elle dit qu'elle a été violée, mais je pense que c'est plutôt une folle qui se serre de lui, et de son argent."
Le mystère reste entier autour de cette jeune Muse Huston décrite comme une maniaque et une perverse narcissique par les amis d'Emory Sheridan. Affaire à suivre. 》Bordel de merde. Mes mains tremblent, et ma vue se brouille. Tout mais pas ça, non. Non, non, non... Je sursaute quand la sonnette de chez Emory retentit dans toute la maison. C'est sûrement Uma qui n'a pas écouté.
Mais je crois que j'ai besoin d'elle. Ce n'est pas possible. Jane n'a pas pu être aussi vicieuse et faire ça. Si? Je me lève et range mon portable dans la poche arrière de mon jean avant d'aller ouvrir.
Face à moi, un homme et une femme d'une soixantaine d'années. Je leur souris. Enfin j'essaie. La femme me dévisage de haut en bas, de bas en haut, dans tous les détails, sans parler. Puis elle se tourne vers l'homme qui m'assassine du regard.
-Bon-bonjour?
-C'est elle. Je m'en doutais.
-Madame, je...
-Où est mon fils?Oh non... Ce sont les parents d'Emory? Je... c'est trop dur à gérer tout d'un coup. L'article, ses parents, Jane...
-Où est notre fils?
-Il... n'est pas là.Je fais un pas en arrière, sentant la crise de panique arriver. Mais la femme me retient brutalement le bras, le serrant à m'en briser l'os.
-C'est pour une fille comme toi qu'il refuse de nous aider? C'est de ta faute, hein? Qu'est-ce que tu as fait à notre fils? Tu m'as pris mon fils! À cause toi, on vit dans la misère et la peur! C'est de ta faute! Laisse le! Rends moi mon fils!
Elle me secoue violemment, dans tous les sens. J'essaie de me défendre comme je peux, mais je suis en pleine crise de panique, ce qui me paralise et m'empêche de respirer.
-Lâchez-moi...
-Rends-moi mon fils! Laisse nous! Tu n'es qu'une folle! Vas crever! Rends nous notre fils!La femme me pousse en arrière, et ma tête cogne la porte, l'ouvrant un peu plus. Une douleur atroce vient se propager comme une traînée de poudre dans mon crâne. Je me redresse.
L'homme essaie de contenir sa femme qui hurle, encore et encore. L'homme semble totalement paniqué. Ce que je comprends. La mère de mon petit-ami vient de me violenter. Il sait que c'est mal pour eux.
-On rentre.
Sans attendre, il traine de force sa femme derrière lui. Je sens mes joues devenir de plus en plus humide. Je me relève entièrement, essayant de voir à travers mes larmes.
Ils montent dans une voiture, plus loin, et le véhicule démarre si rapidement que j'ai l'impression d'avoir rêvé cette scène. Je respire une grande bouffée d'air.
Mon regard croise celui d'une voisine, à sa fenêtre, juste en face.
L'article. Les parents.
"Vas crever", "perverse narcissique", "folle", "pauvre fille", "vas crever", "hystérique", "folle" , "violée", "vas crever", "maniaque"... Tous ces mots tournent en boucle dans ma tête.
Tais-toi!
Tu savais que ça finirait comme ça. Tu le savais. Personne ne peut t'aimer.
Arrêtes!
Tu gâche sa vie, sa carrière, tu le brises.
Non...
Tu détruis tout. Elle a raison.
-Non, non, non...
Je secoue la tête. Je ne veux pas entendre cette voix. C'est finit tout ça. C'est finit.
Ça ne sera jamais finit. Tu as été salie, tu salie à ton tour les autres. Tu dois disparaître. C'est terminé pour toi.
Mais...
Tu n'as jamais eu ta place ici.
Je claque la porte de chez Emory et cours jusqu'à chez moi.
Ma vie est un enfer. Du début à la fin.
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À cœur perdu
RomansaMuse Huston a vingt-cinq ans. Créatrice de bijoux pour particuliers, cette jeune femme cache cependant un passé difficile, ou plutôt destructeur. Lorsqu'elle emménage à Saratoga springs, dans l'état de New Yorke, quittant ainsi sa ville natale New-Y...