Chapitre 22

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C'est essoufflée à cause de mon sprint et à cause de la crise d'angoisse qui monte en moi et que je ne parviens pas à contrôler que je claque la porte de chez moi derrière moi.

Sans attendre, je fonce jusqu'à l'étage. Mais je m'arrête en plein milieu de l'escalier. Est-ce que je vais vraiment le faire? Après tout le chemin que...

"Vas crever."

Je retiens un sanglot, mais d'autres suivent et je suis incapable de les arrêter. Je finis de monter les dernières marches en pleurant à chaudes larmes, ne voyant pas vraiment où je mets les pieds.

Cependant, j'arrive rapidement à ma salle de bains. Je fouille les placards. Je me fiche de ce que je cherche, du moment que ça peut m'aider.

Allez! Qu'importe! Des cachets, une lames, des produits ménagés. Qu'importe du moment que ça m'aide à sortir du trou dans lequel je suis depuis dix ans et dont je commençais à peine à sortir.

Je m'arrête net quand je sens sous mes doigts une boîte. Une boîte que je ne pensais plus avoir, en réalité. Je le prends et l'examine. Antidépresseurs. J'ai d'autres médicaments dans ma chambre. Le mélange sera parfait.

C'est presque comme un automate que je me dirige jusqu'à ma chambre à coucher. Je fouille dans les tiroirs de ma commode. Trouvé. Il y a un peu de tout, passant du simple comprimé de paracetamole à des cachets contre l'anxiété.

Je m'installe à même le sol, ouvrant les boîtes et exibant face à moi toutes les gélules. Je peux le faire. Je le sais. Je l'ai déjà fait. Oui. Je l'ai déjà fait. C'était un mois à peine après mon viol.

Après un mois, déjà, je savais que je n'y arriverai pas. Mais on me force à le faire. On me force à vivre. Je me force à vivre. Pourquoi? Pour que tout finisse ainsi? Ça n'en vaut pas la peine.

La première fois, c'est ma mère adorptive qui m'a retrouvé. Encore. La seconde fois aussi. Après, j'ai arrêté. Parce qu'elle était là. J'ai... j'ai besoin d'elle. Je le ressens.

-Maman...

Mes sanglots redoublent alors que je récupère, d'une main tremblante, mon portable. J'ai encore son numéro. Je l'ai toujours gardé. Même après avoir coupé les ponts quand j'ai su que je n'étais pas leur vraie fille.

Je crois que... j'ai été stupide, à l'époque. Si stupide. Ils ont fait de leur mieux. Comme j'ai aussi fait de mon mieux. Ça sert à quoi de leur en vouloir alors que tout ça va finir?

J'appuie sur le petit téléphone à côté de son nom, et je colle le combinée à mon oreille pour écouter les sonneries.

-Maman... maman... maman...
-Allô?

Je retiens mon souffle. Cette voix... je m'en souviens comme si c'était hier. Elle est là.

-Maman...

Le silence me répond alors que mes pleurs ne font que redoubler. Encore et encore. Toujours des pleurs. Il n'y a que ça.

-Muse?
-Oui...
-Bon sang... Qu'est-ce que... Ça fait si longtemps.
-Je vous pardonne maman, je vous pardonne. Je suis désolée. Tellement désolée. Tout est de ma faute. Pardon... pardon...
-Ce n'est rien, on ne t'en veut pas... Qui c'est?

Mon père...

-Papa!
-C'est Muse. Elle... je mets le haut-parleur.

Je l'entends pianoter sur son portable. Ce qui me fait sourire. Ma crise de panique est déjà bien loin.

-Tu t'en sors?
-Deux secondes... Voilà. Muse?
-Oui, je suis là maman.

Mes sanglots reprennent.

À cœur perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant