Chapitre 3

74 3 0
                                    

☆Emory☆

Ça fait deux semaines que j'ai "rencontré" ma nouvelle voisine. Plus exactement, il s'est passé deux semaines depuis que j'ai voulu lui souhaiter la bienvenue et qu'elle m'a fuit comme si j'étais la peste.

Depuis, je ne l'ai pas vu sortir. Il m'est arrivé quelques nuits où je ne trouve pas le sommeil de me retrouver à me balader dans mon jardin. De là, j'entendais parfaitement des hurlements venir de chez elle. Comme si on s'en prenait violemment à quelqu'un.

Mais je n'ai pas osé aller la voir. Je crois que je lui fais peur. Elle vit seule, selon son amie qui lui rend visite chaque vendredi, alors elle n'est pas mise en danger par un compagnon violant. Je ne sais pas pourquoi elle hurle autant la nuit.

Je l'ai aussi quelques fois surprise en larme sur sa terrasse. Je fais en sorte qu'elle ne me voit pas  évidemment. Mais je sais qu'elle sanglote de longues minutes, dans le silence, en marmonant des mots incompréhensibles.

Cette fille me fait de la peine. Alors j'ai décidé de la mettre à l'aise et de lui ramener un panier de bienvenue, garni de muffins et de cookies. Bon, je l'avoue, j'ai demandé de l'aide à Juliet, une amie et la femme d'un de mes amis.

J'ai abordé subtilement le sujet "nouvelle voisine" lorsque notre groupe s'est retrouvé le week-end dernier, comme chaque mois. Wyatt s'est gentiment moqué de moi, disant que la vie privée de mes voisins ne me regardait pas.

Juliet et Saul, son mari, se sont montrés plus compréhensifs vis-à-vis de mon inquiétude, et m'ont conseillé de la mettre à l'aise, pour ne pas lui mener encore plus la vie dure. Foster n'a rien dit, lui, comme toujours. Il n'est pas très bavard, mais peut donner de très bons conseils dans les situations extrêmes.

Jane, quant à elle, n'a montré aucune compassion. Jane ne voit qu'elle, et se fiche pas mal du bonheur des autres. Je me demande constamment pourquoi elle fait partie de notre bande. Je sais que Juliet ne la supporte plus depuis que Jane a légèrement flirté avec Saul, il y a quelques mois.

Saul a su tout de même la remettre à sa place. Mais c'est assez glacial depuis, et même Foster m'a fait par de son malaise par rapport à la tension qui reigne. Je l'avoue, parfois on se retrouve tous sans Jane, trouvant des excuses pour chacun annuler alors qu'on se retrouvait ailleurs.

Enfin... J'ai écouté Juliet. Et je me retrouve maintenant devant la porte d'entrée de la jeune brune, un gros panier dans les bras. Juliet et Saul sont passés hier pour m'aider à pâtisser. Une grande découverte pour moi. J'espère que ça lui plaira.

Prenant ainsi tout mon courage, j'appuie sur la sonnette avant de ranger ma main dans la poche avant de mon jean, tenant de l'autre le panier. Quelques secondes passent. Peut-être meme une minute.

Soudain, la porte s'ouvre, laissant voir une petite et mince silhouette à la chevelure brune. Immédiatement, son regard vairon croise le mien. Son œil vert et son œil bleu me fixent une micro-seconde.

Je suis tellement absorbé par la contemplation de ces deux iris singuliers, qui m'avaient d'ailleurs aussi captivés le jour de notre première rencontre, que je ne remarque pas directement qu'elle vient de me claquer la porte au nez.

Quoi?

Je me racle la gorge, pris de court, puis dégage ma main de ma poche pour actionner de nouveau la sonnette. J'affiche un franc sourire, qui, je pense, devrait la mettre à l'aise.

-Mademoiselle? Je suis votre voisin. Désolé de vous déranger, c'est...
-Partez!

Je sursaute presque au son autoritaire et colérique de sa voix. Je fronce les sourcils. Comment une si jolie et timide femme peut-elle avoir un ton aussi menaçant? Je n'en reviens pas. Mais il est hors de question que j'essuie une défaite.

-Je ne veux pas vous déranger. Seulement vous souhaiter la bienvenue. J'ai... euh...
-Partez.

Bon... Sa voix est plus suppliante que colérique maintenant. C'est un bon début, non? Certes elle ne veut pas que je reste, mais je ne veux pas, quant à moi, garder toutes ces pâtisseries. Alors autant que j'aille jusqu'au bout après tous les efforts que j'ai fourni.

-Je souhaite seulement vous offrir un panier de bienvenue. Il paraît que c'est ce qu'il faut faire, alors je me suis mis aux fourneaux pour vous faire quelques pâtisseries.
-Qu'est-ce que vous me voulez?
-Eh bien, vous offrir des pâtisseries. Allons, sortez. Je n'aime pas particulièrement m'adresser aux portes, même si la couleur de la vôtre est plutôt chaleureuse. Je vois assure, jai l'air ridicule, sortez.

Je crois percevoir un rire étouffé derrière la cloison en bois. Mais je n'en suis pas certain. Un long silence suit ma demande. Et franchement, je pense  à laisser le panier sur le pas de la porte et à m'enfuir raconter cette histoire à mes amis au plus vite.

Cependant, je suis stoppé dans ma réflexion par un lourd soupire. Je ne sais même pas pourquoi je persévère alors qu'il est clair que je l'agace et qu'elle ne souhaite pas me voir ni me parler. Pourtant je reste là, à attendre.

-Laissez le panier sur le paillasson et reculez de quatre pas.
-Pardon?
-J'ai dit...
-J'ai entendu. Mais... pourquoi?
-S'il vous plaît, reculez. Ou je ne sors pas.

Cette fille est étrange. Mais ça pique encore plus ma curiosité. Je suis certain qu'elle m'observe grâce au judas.

-Très bien.

Je dépose lentement le panier sur le paillasson, puis tourne les talons, faisant quatre pas. Même cinq pour lui montrer que je ne lui veux aucun mal. Je suis à peu près à quatre mètres de la porte. Je me mets face à cette dernière, les poings dans les poches de mon jean.

C'est alors que j'entends la porte se déverrouiller, puis je la vois s'ouvrir. Sa petite silhouette refait surface. Elle sort tel un animal apeuré de sa maison, posant son regard uniquement sur moi.

Elle me détaille. Alors j'en profite pour faire de même. Elle est plutôt petite. Et semble assez fine. Pourtant, elle cache son corps sous de nombreuses couches de vêtements informes, trop larges et qui laissent peu de peau à l'air libre. Je ne vois que son visage et ses mains.

Mains couvertes de pansements, d'ailleurs. Et visage assez blafard. D'horribles cernes entourent ses yeux magnifiques et atypiques. Son jogging et son sweat-shirt l'englobent et semblent vouloir la faire disparaître.

Il y a un truc avec cette fille. Un truc qui cloche.

L'expression sur son regard me fait presque culpabiliser de l'avoir forcé à sortir. Elle regarde partout autour de nous comme si un danger pouvait surgir à tout moment.

Finalement, quand elle se rend compte qu'il n'y a que nous dehors, ce ce n'est pas étonnant dans ce quartier calme, elle pose à nouveau ses yeux sur  moi. Bordel.

Son regard est incroyable. Mais je crois que je me répète. Tant pis. Elle semble surprise et effrayée de me voir. J'essaie de lui sourire chaleureusement.

Je dois savoir.

Nous nous fixons en silence. Je ne sais pas si je dois parler ou pas. C'est à ce moment là qu'elle doit me remercier non? Ou alors je dois de nouveau lui dire bonjour?

Ça ne me dérange pas de rester ainsi. Au moins, cette fois-ci, elle ne me fuit pas. Elle remonte les manches de son sweat pour camoufler ses mains. Je remarque cependant qu'elle se pince les lèvres et enfonce ses ongles dans le tissu qui recouvre sa peau.

Cette femme semble avoir besoin d'aide. Pourquoi? Je ne sais pas. Mais une chose est sûre: elle n'est pas heureuse. Elle a autant piqué ma compassion que ma curiosité. Je ne peux pas rester comme ça sans rien faire.

C'est décidé, je dois savoir ce qu'elle cache.

À cœur perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant