Chapitre 12

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Dès que je suis rentrée chez moi, après la "thérapie culinaire" de Juliet et Emory, j'ai appelé Uma. Elle a décroché, et je lui ai juste demandé de passer dès qu'elle le pouvait pour qu'on puisse parler.

Elle m'a répondu qu'elle sautait dans sa voiture et qu'elle serait là dans quinze minutes. Ce qui m'a laissé le temps de préparer les muffins, et de repasser en boucle au moins dix fois ce que nous avons fait chez Emory.

De la pâtisserie, certes. Mais Juliet m'a surtout posé des questions plus ou moins personnelles. Des questions qui sembleraient anodines au premier abord. Sauf pour une psychologue.

Voici ce qu'elle m'a demandé et mes réponses:
1) Mon âge. -Vingt-cinq ans.
2) Lieu de naissance. -New-York.
3) Mes relations avec mes parents. -Mise à l'adoption sous X à ma naissance. Ne parle plus à mes parents adoptifs depuis six ans. Depuis que j'ai découvert la vérité sur tout ça, en somme.
4) Mon métier. -Créatrice de bijoux.
5) Mes études. -Aucune. Mise à part une formation à distance douteuse sur la joaillerie.
6) Ma pâtisserie favorite. -Les éclairs au chocolat.
7) Mon endroit préféré. -Ma terrasse.
8) Ma derrière relation amoureuse. -Je n'en ai jamais eu.

Et après je me suis braquée. Parce que ça m'a rappelé de mauvaise chose. Ça m'a rappelé pourquoi aucun homme ne voudrait de moi, et pourquoi j'avais peur d'eux.

Mais heureusement, Emory était là pour ajouter de la légèreté à tout ça. Il a su changer de sujet, et me changer surtout les idées. Même si je suis certaine que son amie a du déjà posé son diagnostic et lui en faire part.

Je sursaute lorsque la sonnette retentit soudainement. Je soupire. C'est Uma. Et ça m'angoisse. Notre amitié va se jouer ici et maintenant, je ne le sais que trop bien. Et j'ai peur de la perdre.

C'est à reculons que je vais donc lui ouvrir. Elle a dans les mains une boîte boîte carton. Et je suis certaine qu'elle s'est arrêtée en route pour aller à cette boulangerie. Elle me sourit légèrement. Je le lui rends et me recule.

Elle entre, je ferme derrière elle. C'est sans un seul mot que nous rejoignons le salon, où nous retrouvons mes merveilleux et réconfortants muffins. Elle ricane en s'installant sur le canapé. Je fais de même.

C'est un bon début.

-Tu peux prendre un muffin.
-Je sais.
-Je les ai fait avec Emory et une amie à lui.

Elle lève son regard marron vers moi, les sourcils relevés dans une expression de surprise.

-Répète.
-Tu as bien entendu. C'était assez éprouvant, d'ailleurs. Mais son amie est gentille. Elle est psychologue.
-C'est très surprenant de ta part.
-Je sais. Mais je ne t'ai pas appelé pour ça.
-J'avais cru comprendre.

Elle se penche pour ouvrir sa boîte et dévoiler des éclairs au chocolat. Un énorme poids quitte mes épaules et libère ma poitrine. Ce sont les éclairs de la réconciliation. Elle en achète dès qu'elle veut qu'on se réconcilie après chaque conflit.

Elle en prend deux, et se redresse. Puis elle m'en tend un, que je prends, reconnaissante et heureuse. Nous mangeons notre petit écart gourmand en silence.

Lorsque j'ai fini, je lèche mes lèvres et replis mes jambes contre ma poitrine. Je fixe mon amie, cherchant au fond de moi le courage de parler. Les éclairs suffiront-ils? Je ne sais pas et ça me fait peur.

-Je suis désolée pour mon comportement. Vraiment. J'ai réfléchi, et je le suis rendue compte que j'étais la seule à avoir tort.
-Moi aussi. Je sais, mais je fais des choses stupides. Surtout devant toi.
-Non, tu as le droit de vivre, Uma. Ce n'est pas parce que moi j'ai cessé de le faire que tu dois t'en priver.
-Tu vis encore, Muse. Et tu sais pourquoi? Parce que tu t'ouvres à des inconnus, tu fais des muffins avec eux, et tu discutes avec eux. Laisse moi finir. Je t'ai vu, avec Emory. J'ai vu, Muse. J'ai vu comme tu commence à changer. Tu es là depuis quoi? Deux semaines. Mais tu es si différente de celle de New-York.

À cœur perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant