De petits bruits de pas m'éveillèrent de mes rêves les plus lointains.
Mon matelas se déforma sous le poids de mon esprit de compagnie.
Proche de ma tête, il secoua son feuillage à hauteur de mon nez pour m'extirper des dernières attaches qui me reliaient à mes songes.
- Mmmmh, grognais-je à moitié endormie, pas maintenant Fery, il est bien trop tôt.
Mais Feren était un esprit de type plante plus coriace et têtu qu'il n'y paraissait. Alors, quand je refusais de quitter mon lit, il me jouait son tour habituel pour me forcer à entamer une nouvelle journée.
-SPLASH-
Cette fois-ci, c'était la bonne. Je sursautais au contact de l'eau glaciale et toisais Feren d'un regard assassin.
Il me fixait malicieusement et son sourire sournois se déforma face à sa bêtise.
- Ça te fait rire ?
Au travers de mes cheveux trempés et collés sur mon visage, je vis ce petit être à l'apparence d'un navet fuir en direction de la porte de ma chambre. Ses belles feuilles qui trônaient sur sa tête se mirent à virevolter dans tous les sens face à sa hâte de quitter les lieux. Il était espiègle et c'est quand il se comportait ainsi que mon affection pour lui se transformait en amour vache.
Il connaissait très bien l'humeur qui m'animait lorsqu'il me réveillait de la sorte et c'est sans surprise que je tentais de le courser pour me venger. Mais, mon traître de lit avait choisi son camp et mes pieds s'emmêlèrent dans les draps.
J'atterris face la première sur mon sol et je découvris à quel point le bois de pin pouvait être dur.
Son rire retentit de plus belle et je le vis à l'interstice de la porte, à moitié caché derrière le battant, se délectant de la scène qui se déroulait sous ses yeux.
- C'est ça, rigole ! On verra qui fera le malin quand il n'aura pas été arrosé pendant plusieurs jours.
Il cessa de s'esclaffer et prit aussitôt la mouche, quittant les lieux pour le reste de la journée.
Son caractère têtu m'épuisait, mais j'y étais habituée et je savais qu'il ne tarderait pas à revenir, laissant derrière lui cette altercation.
Je me redressais et détendis mes muscles encore endormis. Je sentais une légère douleur émaner de mon épaule et mon genou et je devinais sans trop de surprise que des bleus allaient orner ces parties-là durant quelque temps.
Je soufflais d'exaspération et rejoignais ma salle de douche plus bougonne que jamais.
L'eau chaude, ruisselant sur ma peau, fit fuir les dernières raideurs et soulagea mon esprit grincheux du matin. C'était un régal de pouvoir se détendre de la sorte.
J'aurais adoré m'attarder quelques instants de plus, mais je devais me hâter, car mon boulot n'allait pas se faire seul.
Vêtue d'une robe vert émeraude ajustée et d'un châle pour me protéger de la fraîcheur de ce mois d'avril, je rejoignis mes parents à la cuisine.
Leurs chamailleries étaient ce qu'il me manquait pour égayer ma matinée. Ils étaient comme chien et chat, mais toujours bienveillants et fidèles l'un envers l'autre.
Un amour fort les nourrissait, mais je n'en comprenais pas toutes les subtilités. Une fois, je m'y étais intéressée et ils m'avaient expliquée que leurs âmes étaient sœurs.
Cette simple phrase avait suffi pour faire rêver mon cœur d'enfant, mais aujourd'hui, c'était du passé et je supposais que beaucoup d'immortels s'alimentaient de cette idylle pour donner du sens à leur existence.
Ma mère, perchée sur le plan de travail, avait sur sa tête deux branches où des oiseaux de toutes sortes s'amusaient à se poser. Ses pouvoirs de Nymphe les envoûtaient et malgré ses efforts pour les chasser, ils finissaient toujours par revenir.
Ses cheveux vert eau ondulaient au rythme de ses tentatives pour taquiner mon père qui préparait le petit déjeuner.
Vêtus d'une toge en lin, ses longs cheveux noirs contrastaient avec la couleur du tissu. Impassible face à ma mère, il se retourna et posa sur elle un regard lumineux, l'intimant d'arrêter ses enfantillages.
Ma mère fit la moue, mais je savais qu'elle essayait juste de l'attendrir, ce qu'il parut deviner, car ses yeux roulèrent en direction du plafond et un sourire naquit sur ses lèvres.
S'ensuivit une œillade en coin et les deux finirent par s'esclaffer d'un rire complice.
Ils étaient touchants et nuls ne pouvaient se douter face à cette scène anodine, que mon père était l'un des Fae guérisseur le plus puissant que Sidéris n'avait jamais connu et que ma mère pouvait créer n'importe quelle vie sur la terre la plus aride.
Pour ma part, je tenais de mon père, ce qui faisait de moi une Fae, mais à l'inverse de mes parents, j'étais née sans une once de compétence magique.
La cérémonie de l'éveil qui devait libérer mes pouvoirs n'avait pas fonctionné et personne n'en sut la raison.
C'était devenu ma réalité et je vivais continuellement avec ce secret que seuls ma famille et certains guérisseurs connaissaient.
J'embrassais ma mère sur la joue, ce qui attira son attention.
- Tu es ravissante ma chérie, cette robe met en valeur tes cheveux auburn et tes tâches de rousseurs.
La fierté qui émanait de ses yeux verts pinça ma poitrine. Je ne savais pas ce qu'elle voyait en sa fille divergente, mais ce qui était indéniable, c'était qu'elle m'aimait sincèrement.
- Ta mère à raison.
Mon père était peu bavard et toujours digne dans sa façon de se comporter. Il porta un regard doré en ma direction, ce qui me suffit à en comprendre toutes les subtilités qu'il ne réussissait à exprimer.
Quelques rayons traversèrent les fenêtres et vinrent illuminer sa peau ébène et faire ressortir les tatouages argentés qui ornaient son visage à la beauté envoûtante.
Même si j'étais une Fae, je tenais mon physique plus anodin de ma mère qui était certes magnifique, mais pas aussi impressionnante que mon père.
- Merci, dis-je en piquant un ou deux pancakes encore chauds.
- C'est tout ce que tu manges ? demanda ma mère.
- Je n'ai pas le temps, je suis en retard.
Et sans crier gare, je quittais les lieux pour rejoindre le sentier en direction de la bibliothèque de la ville.
La journée s'annonçait radieuse et malgré mon retard, je pris le temps de ramasser quelques Marjolaines pour fleurir la boutique et la rendre plus chaleureuse.
Les bruns situés aux abords de la route étaient pour la plupart détruits ou abîmés par le passage des voyageurs. Je m'enfonçais donc dans la forêt pour cueillir des plants mieux préservés et créer ainsi un bouquet plus harmonieux.
Un bruit attira ma curiosité. Il était rare de croiser des personnes de si bonne heure dans ces bois. Je me dirigeais en direction de l'agitation, intriguée de savoir qui se trouvait là.
Une forme se distinguait au travers des herbes hautes et je reconnaissais l'aspect humanoïde d'un immortel.
Peut-être était-il égaré ?
À quelques mètres de lui, un instinct primaire me chuchota de fuir. Pour autant, ma curiosité, bien plus forte, me poussa à avancer. Le plus discrètement possible, je me glissais entre les buissons et les ronces pour voir de qu'il s'agissait.
Désormais, je pouvais discerner sa peau rouge corail qui contrastait avec ses cheveux blancs comme neige, ses courbes féminines et au-dessus de sa tête, des cornes ornées de bijoux en or.
Elle fouillait les herbes à la recherche de quelque chose et ne semblait pas me remarquer.
Sa silhouette peu commune m'intriguait et en me penchant pour l'observer davantage, une branche céda sous mon poids, trahissant ainsi ma présence.
La créature se retourna tel un animal aux aguets.

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Entre deux mondes
FantasyAerin, jeune Fae dépourvue de pouvoirs magiques, vit dans un monde qui en est remplit. Sur le chemin vers la boutique où elle travaille, elle fait la rencontre d'une créature bien mystérieuse. D'où vient-elle ? Qui est-elle ? Avec son amie Laïa, e...