Entre deux mondes

Chapitre 4

Désormais seule à la boutique, je pris le temps de tout vérifier avant de partir. Je laissai deux bols d'eau et quelques baies à notre nouvel ami. Je récupérai quelques manuscrits qui pouvaient m'aider dans mes recherches, notamment sur l'histoire de nos dieux et les espèces des petits animaux.

En fermant la porte à double tour, j'avais l'impression d'être observée. Il faisait nuit et sans pouvoirs, je ne distinguais presque rien. Je me dépêchais donc et pris le chemin de ce matin en sens inverse, mais cette sensation de malaise me suivait. Un bruit en direction de buisson derrière moi alerta mes sens, je me retournais et tentai d'ajuster ma vision au noir de la nuit. La peur commençait à s'insinuer en moi. Je savais que quelque chose était bizarre et je ne voulais pas attendre pour le découvrir. J'accélérai donc le pas quand un autre bruit, cette fois-ci à ma gauche et bien plus proche que le précédent, me fit sursauter. En regardant dans cette direction, je distinguai deux yeux jaunes me fixer. Je les reconnaissais, il s'agissait des yeux de la créature de ce matin et elle était clairement en train de me suivre. Prise de panique, je me mis à courir. Mon pouls s'accéléra et ma respiration se fit saccadée. Quelques instants après, je me retournai pour voir si elle me suivait toujours, mais le temps de jeter un œil, je me heurtais à une masse dure et je me retrouvais les fesses par terre. En reprenant mes esprits, je distinguais ces fameux yeux jaunes à quelques centimètres de mon visage. Contrairement à moi, elle était à peine essoufflée et semblait parfaitement distinguer ce qu'il se passait autour d'elle. J'étais terrifiée et pour la première fois de ma vie, je regrettais de ne pas avoir de pouvoirs.

Elle se mit à parler dans une langue qui m'était inconnue. Voyant mon incompréhension, elle leva les yeux au ciel tout en se redressant. Tandis qu'elle me dominait de sa hauteur, elle me demanda :

- Où est-il ?

Surprise qu'elle sache parler notre langue, je mis plusieurs instants avant de trouver mes mots et c'est lorsque je comprenais qu'elle s'impatientait, que je lui répondais.

- Qu_qui ?

- Rhaegal ! Elle semblait jurer dans sa langue.

- Qu-qui ?

- Es-tu sourde ?

- Non mais-

- Alors où est mon dragon ?

Et je compris qu'elle parlait de la créature qui logeait à la bibliothèque.

- Il-il était blessé ! J-je l'ai ramené à la boutique où je travaille. Elle me toisa du regard.

- Emmène-moi là-bas !

Je me redressais lentement et me dirigeais vers la boutique. La créature se rendit invisible, mais me fit comprendre qu'elle me suivait en frôlant de temps à autre mon bras.

Le chemin me paraissait long et la pression qui se faisait sur mes épaules grandissait à chaque pas. J'hésitais à m'enfuir une nouvelle fois et m'éloigner. Si je parvenais a atteindre ma maison, mes parents pourraient me protéger, mais si je me loupais je risquerais de la mettre encore plus en colère. 

  J'étais terrifiée. Qu'allait-il se passer en arrivant à la boutique ? Allait-elle m'ôter la vie une fois quelle aura récupéré ce dragon ? 

En arrivant devant la porte, elle ôta sa protection et regarda autour d'elle si nous étions seules. Pendant ce temps, je déverrouillais la serrure. Une fois à l'intérieur, elle vit la créature sur les sièges du bas. Elle s'approcha lentement de Rhaegal et une fois à sa hauteur, elle la réveilla avec une tendresse surprenante. Le dragon ouvra les yeux et quelques instants plus tard, il reconnu sa maîtresse. Tel un chiot, sa queue remua frénétiquement et il se mit sur ses pattes arrières pour réclamer un câlin. Visiblement rassurée, elle le prit a bout de bras et lâcha des cris de joie qui me firent sursauter. Son comportement était subitement niais et cela me surpris. On était loin de l'image terrifiante de ce matin. Lentement, la peur s'en alla et je me permettais même de m'approcher d'elle. Elle semblait fort attachée à cet animal.

Elle remarqua les soins sur sa patte et tout en se retournant elle me demanda :

- C'est toi qui l'as soigné ?

Je hochais la tête en guise de réponse et cette dernière me sauta au cou tout en me remerciant.

Je n'y comprenais plus rien, comment la créature hostile de tout à l'heure pouvait être cette jeune femme au comportement hystérique.

Une fois les remerciements faits, elle recula et j'en profitais pour l'observer davantage. Elle portait la même tenue que ce matin. Ses yeux luisaient d'une aura magique et elle avait des oreilles pointues mais plus petites que celles des Faes. Elle avait beaucoup de bijoux aux poignets et au niveau de ses cornes.

- Comment est-ce possible ? Me coupa-t-elle dans mes réflexions.

- Comment ça ?

- Tes pouvoirs ? Comment fais-tu ?

Surprise par sa question, mes yeux s'agrandirent et elle le remarqua. J'espérais qu'elle ne parlait pas de mon absence de pouvoirs. Je l'espérais du plus profond de mon cœur et pour ne pas éveiller ses soupçons, je fis mine de ne pas comprendre sa question.

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

- Tu n'as pas de pouvoir, comment ça se fait ?

- Qu'est-ce qui te fais croire que je n'en ai pas ?

- Je le ressens.

Elle le ressentait ? Comment était-ce possible ? Je ne connaissais personne qui pouvait ressentir la présence de pouvoir chez les autres. Même les plus puissantes créatures que nous connaissions n'en étaient pas capables. Alors comment pouvait-elle le ressentir ?

Prise de vertiges, je reculai d'un pas sans même la quitter des yeux.

- Comment est-ce possible ? Repris-je.

- Que veux tu dire ?

- Comment as-tu su que je n'avais pas de pouvoirs ?

- Je viens de te le dire, je le ressens et honnêtement, ce n'est pas bien compliqué de le deviner. N'importe quelles créatures magiques utiliseraient ses pouvoirs pour se défendre. Certaines mêmes les utilisent pour montrer leur puissance. Pourtant, ce matin, tu semblais terrifier, mais tu n'as rien fait. Même pas une once de magie ne s'est fait ressentir.

- Mais comment peux-tu le ressentir ? Ma voix partie plus que je ne le voulais dans les aigus, témoignant ainsi de mon manque de patience et de la panique qui commençait à m'envahir.

- Parce que je suis une démone et que c'est l'une des caractéristiques de mon peuple.

Une démone ? De son peuple ? Était-elle folle ? Aucun être magique connu n'existait sous ce nom. Et même lors de nos cours sur les espèces et les pouvoirs magiques, aucunes créatures ne nous avaient été présentées sous ce nom-là. Je savais que je ne pouvais pas me tromper. Il s'agissait de mon cours préféré, car quand je refusais la réalité sur mes pouvoirs, je m'étais alors intéressée à toutes les créatures qui pouvaient exister et donc quels pouvaient être mes pouvoirs. Je m'étais persuadée que le jour de ma naissance, ils s'étaient trompés sur ma race et m'avaient ainsi empêché d'avoir les cours adéquats quant à l'apprentissage de mes pouvoirs. N'importe quelles excuses étaient moins dur à encaisser que la réalité.

- Pourquoi sembles-tu si surprise ? Elle semblait ne pas comprendre.

- Les démones ne sont pas des créatures magiques de ce monde, il ne s'agit là que d'histoire que pouvaient nous conter nos parents pour nous effrayer et nous empêcher d'approcher de la barrière magique.

Un léger rire s'échappa de ses lèvres. Elle semblait vraiment trouver la situation amusante.

- Comment t'appelles-tu ? Me demanda-t-elle en penchant la tête.

- Aerin.

- Moi, c'est Lilith et je te présente Rhaegal. Elle montra le petit dragon qui s'était assis. Pour répondre à ta... (Elle sembla chercher le terme approprié) ... "réflexion" disons. Je ne te mens pas, je suis bien une démone et sentir la présence de pouvoirs magiques n'est là que l'une de mes nombreuses caractéristiques en tant que telle. Ne t'es-tu jamais demandé d'où provenaient toutes ces légendes que peuvent te raconter tes parents ? Elle marqua une pause. Les démons, les dragons, les sorcières ou encore les spectres appartiennent aux enfants de la nuit, nous sommes plus communément connus sous le nom des Iliths.

Les Ilitth ? Pourquoi ce nom m'évoquait-il quelque chose ? Les enfants de la nuit ? Les Iliths ? ...

- Tamaerian !