Chapitre 11_Complice hivernal

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Le coeur léger, le vent emportant l'angoisse naissante au creux de mon ventre, je prends appuie sur la selle de la moto pour y descendre, l'appartement devant lequel nous sommes éclaire cette ruelle, la devanture s'effrite, signe que le lotissement date de quelques années, les femmes légèrement vêtues qui frôlent leurs talons blancs au sol et en mastiquant leurs chewing-gum font des œillades à mon accompagnateur nocturne.

Une rousse, dont la robe transparente laisse apparaître un sous-vêtements tout aussi flamboyant que ses boucles, approche sensuellement, ses hanches s'ondulent, sa bouche charnue rosée tente d'appâter l'homme visiblement pas intéressé par la séduisante femme qui pose une main bien trop insistante sur son costume violet sur mesure.

Un picotement désagréable, un regard en coin de travers, la femme se tourne vers mon regard désapprobateur, la rousse claque la langue contre son palais, exerce une pression sur l'épaule de Ran qui se laisse faire, sous mon regard emplit d'une jalousie naissante, elle colle sa poitrine généreuse contre son torse et gémit tel un animal en rut.

- Ran : Lola.

La dénommée Lola fuit mes yeux qui transpercent les siens d'un vert sombre, pour s'attarder à ceux de Ran qui sont plus éclatants et brillant de malice, sous mes yeux écarquillées, elle l'embrasse à pleine bouche tout en faisant glisser non discrètement sa main manucurée sous la ceinture en cuir noir de l'homme qui lui suscite autant d'engouement.

- Lola : Quoi, Raaaan...

Mielleuse, aguicheuse, elle emploie toutes les techniques de drague, de sa voix à ses gestes tout est explicites, rien ne passe inaperçue, des hommes traversant le trottoir à Ran puis moi qui devient subitement jalouse de cette femme qui le connaît plus que bien d'après ce que je constate.

- Ran : Où est Hamna? Nori ici présente m'a dit que généralement il use de certains services de la maison.

- Lola : Ah lui, hm, tu me donnes quoi si je te réponds.

- Ran : Ce que nous n'avons pas eu le temps de finir.

- Lola : Attaches moi la prochaine fois, tu sais comme j'aime quand tu me domines.
L'homme que tu cherches est au deuxième étages avec Vanessa.

Calme toi. Respire Nori.

- Ran : Bien, vas travailler, un homme t'attend.

- Lola : Oui chef.

Éblouit par la voiture derrière nous, elle se contente de marcher au loin en ricanant grossièrement, pour disparaître dans une longue berline de luxe, Ran voyant ce carrosse, frotte ses mains, il marche quelques pas en me devançant mais, rapidement, j'empoigne son épaule gauche et je lui ôte la veste de son costume.

- Ran : Tu as froid?

- Non, j'ai une idée.

- Ran : Développes.

- Admire.

Au milieu des passants, pour seul témoin cette nuit chaude, loin des regards de mon frère, de ses amis, je fais tomber mes vêtements au sol, la veste de tailleur de Ran épouse parfaitement mes courbes, le tissu d'une texture légère et soyeuse s'arrête sous mes fesses, mes doigts se faufilent sous l'élastique retenant ma chevelure, en basculant ma tête, j'agite mes cheveux, je les rend tout broussailleux, une main curieuse glisse entre mes cuisses, un doigt tire sur le string en dentelle et en le tirant plus intensément, je me retrouve face à Ran qui grimace.

- Ran : Je serais derrière la porte.

- Je connais Hanma personnellement. Il ne fera rien.

- Ran : Tu entretiens quel lien avec lui?

Hanma, le complice de mes nuits.

- Serais-tu jaloux, Ran Haitani?

- Ran : Non, juste je n'aime pas mélanger business et relation.

Je retiens.

- Je vois, bien.

Hanma Shuji, l'homme dont l'adrénaline reste sa seule compagne de tout les jours, nous avons effectivement passé du bon temps ensemble, pas du temps charnel, pas du temps à nous étriper, mais du temps à discuter les pieds suspendus dans le vide, en quête d'un changement de vie radicale, c'était après avoir vécu une relation toxique, qui  se nomme  James, c'était un tombeur, un vagabond, un tourmenté et un tortionnaire.

M'étant éloignée de mon foyer, de mon cocon, je l'ai croisé, Hanma, assis, une capuche sur la tête, des poings en sang, une clope pendante sur ses lèvres, la fumée dansante sous son regard vide, perdu, lassé.

Deux écorchés, voilà qui nous étions, lui démoli par certaines décisions prises, moi, par des coups trop longtemps subit sans rien dire, en me retranchant de plus en plus.

Tu ne savais pas.
Un premier amour à jamais perdu.

Une cigarette partagée, sans rien dire, c'est seulement quand son regard sans aucun éclat a traversé le mien qu'il a légèrement reculé.

- Hanma : Matsuno.

- Je suis connu.

- Hanma : Je t'ai croisé avec ton frère. Ton visage. Il ne s'oublie pas aussi rapidement. Vous avez certains traits similaires.

Tu es le premier qui le remarque.
Non le deuxième.

- Hanma : Il te tape?

- Tu parles des bleus? Non, ça c'est un autre.

- Hanma : Je m'en occupe gratuitement si tu veux, je m'ennuie en ce moment.

- Non, ça ira, je peux m'en charger moi même.

- Hanma : Alors pourquoi tu restes avec lui?

- Car pour le moment, je n'ai pas mal, je ne souffre pas et j'attends que ça soit le bon moment pour le faire taire.
Ce qui n'est pas le cas. Si je fais appelle à toi, je te rendrais un service.

- Hanma : Tu es une fille étrange.

- Dit l'homme qui souhaite tuer un autre homme pour chasser l'ennui.

- Hanma : Ouais. Nous sommes bizarres. Nous autres.

- Hanma / Moi : Les écorchés.

Sous cette nuit, froide, ténébreuse et capricieuse, partageant cigarettes, alcool, et souvenirs embrumés, Hanma et moi nous sommes devenus des compagnons de nuit, des nuits d'hivers.

L'éclairage tamisée de ce bâtiment tout aussi grossier que les femmes qui y travaillent, devient un lieu ou, baises, alcools, drogues et gémissements qui ne font plus qu'un, l'escalier miteux qui cache cinq personnes qui s'emboîtent, qui se sucent, qui se lèchent, me fascine tout en m'écœurant.

Détournant la tête, la main en arrière cherchant Ran pour me réconforter, je monte, je tape à la porte 234, quand j'entends le lit grincer, je me débarrasse de la veste de Ran, en lui désignant du doigt l'espace entre la porte et le mur.

- Hanma : Quelle surprise, combien?

- Pour toi, gratuit, je te dois une faveur, puis, les nuits d'hivers sont tristes sans toi en moi.

- Hanma : Nori Matsuno, aurais-tu abandonnée ton coeur et ton amour à l'écart du défunt Baji, pour te glisser dans mes draps?
Est-ce que l'heureux élu est mort lui aussi?

Lui, son prénom, notre relation...
Des souvenirs encore bien trop douloureux.

- Je souhaite avoir mal, fais moi tout oublier.

- Hanma : Entre Nori. Je vais tout te faire oublier.

Je sais et j'y compte bien.

A suivre.

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