CHAPITRE 19 - Will the Wise Part. IV

49 4 0
                                    

2 Novembre 1984.

Le soleil automnal semblait avoir sortit sa plus belle panoplie de nuances ambrées. Sous un ciel parsemé de fins nuages en filaments, les éclats d'or, de cuivre et d'ocre s'amusaient à jouer avec les contrastes de la nature et la légère brise qui courrait près du sol. L'enceinte scolaire—du lycée jusqu'au collège—bourdonnait des conversations énergiques des élèves, dispersés en une multitude de petits groupes. Tous les vendredi c'était la même danse. Une espèce de soupir collectif de contentement qui bruissait dans l'atmosphère. Un relâchement des épaules, un défoulement discret.

Adossé contre le flanc de sa Camaro, Billy expira un nuage de nicotine dans l'air tiède, le regard perdu en direction du collège face à lui, situé en haut du parking. Il sentait son impatience fourmiller au bout de ses doigts qui jouaient avec son Zippo, faire lentement bouillir la colère qui brûlait perpétuellement dans le fond de son ventre.

Il amena à nouveau sa cigarette à ses lèvres dans un geste nerveux, tournant la tête vers Jo, assise en tailleur à sa gauche sur le capot de la voiture. Elle donnait l'impression d'avoir été écrasée par une vague déferlante, et il n'arrivait pas à savoir si elle était sur le point de s'évanouir ou de se mettre à hurler son âme hors de son corps. Tout ce qu'il savait, c'est qu'elle n'irait certainement pas mieux en restant au milieu de tout ce bruit insupportable.

Billy souffla un nouveau nuage de fumée dans la brise légère, reportant son intérêt vers le collège où il n'y avait toujours aucune trace de la tête rousse qui lui servait de demi-soeur. Qu'est-ce qu'elle foutait, putain ?!

Jo n'avait pas prononcé un seul mot depuis son entrevue avec la principale. Entrevue qu'il avait entendu de bout en bout par la porte entrouverte de la salle.

Il connaissait ce genre de discours. Ces phrases toutes faites qu'on balançait à tort et à travers en pensant qu'elles allaient miraculeusement « guérir » le bordel que les gens avaient dans leur tête. La conformité sociale jusqu'au bout de la psychanalyse. Votre douleur a une date limite de consommation. Tant pis pour vous si vous n'êtes pas prêt. Il les avaient déjà entendus.

Il ne savait pas par quoi Jo était passée. N'avait aucune idée de ce que la principale avait pu dire en parlant de disparition. Tout ce qu'il avait retenu, c'était que Jo galérait à garder la tête hors de l'eau. En soit, il l'avait déjà deviné—en tout cas en partie. Sa façon de décrire ce qu'elle avait dans la tête, sa crise d'angoisse à la soirée d'Halloween, son comportement borderline... Aucune personne saine d'esprit ne se plongeait avec autant de persévérance dans les affres de la démesure juste pour le plaisir de s'éclater. Il y avait autre chose. En tout cas, c'est comme ça que ça marchait pour lui.

C'est aussi pour ça qu'elle l'attirait. Parce que si au départ il avait été clairement séduit par son physique—par sa façon de le regarder avec franchisse—et, disons-le clairement, pour le sexe, le peu dont ils avaient discuté ensemble jusqu'à présent lui donnait envie de creuser plus loin. Peut-être pour se comprendre lui-même. Ou peut-être simplement par curiosité d'avoir trouvé quelqu'un qui pouvait lui ressembler.

Tout ce qu'il savait, c'est qu'au moment où Jo était sortie de cette putain de salle avec ce regard égaré—cette lueur trop familière, cet éclat morose que lui-même passait son temps à fuir dès qu'il croisait son reflet dans un miroir—il avait voulu la faire sortir de ce lycée. L'emmener ailleurs pour fumer un joint ou n'importe quoi qui pourrait l'aider à affronter la tempête qu'il devinait être en train de se répandre en ce moment sous son crâne.

Sauf que Max était encore à la bourre.

Billy jeta son mégot au loin d'une pichenette du pouce, lançant un nouveau coup d'oeil en biais à Jo qui fumait sa cigarette d'un air absent, totalement déconnectée du reste. Il s'approcha pour enrouler un bras autour de son cou, l'attirant à lui pour déposer un baiser sur sa tempe.

She's Lost ControlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant