Chapitre 2: Revolver

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Donovan étudie l'arme posée sur la table : un revolver poussiéreux, sans doute caché au fond d'un tiroir pour échapper aux perquisitions de la Brise. Son canon est légèrement tordu et sa crosse en bois est gondolée d'humidité. Un souvenir d'un âge passé, mais un souvenir qui vient nous hanter.

- Tu veux combattre, Simon ? dit finalement notre chef, brisant le silence. Combattre qui ?

- Tu sais très bien de quoi je veux parler. Combattre les Orbes, une fois pour toutes !

Mon cœur bat à toute vitesse. Pas une seule fois en deux ans quelqu'un n'a suggéré de s'attaquer aux drones. Pendant la Semaine Rouge, les survivants ont laissé pourrir les cadavres qui pavaient les rues et mourir les malheureux enfermés dans les immeubles. Ensuite, la Seconde Commune a tenté de trouver un moyen de fuir Paris, jusqu'à sa fin tragique. Enfin, des suicides, des meurtres, le cannibalisme et le désespoir... Mais jamais le combat. Personne n'a jamais osé se dresser contre les Orbes Pourpres, gardiens immuables de la surface.

- Combattre les Orbes, répète le vieil homme en saisissant le revolver, avec cette antiquité ? Elle t'éclatera entre les doigts dès que tu presseras la détente !

Simon lui arrache l'arme des mains et la pointe vers la voûte, vers la ville.

- Pourquoi pas, Donovan ? Il suffirait d'une balle bien placée pour détruire un Orbe ! Une simple balle.

- Ces drones sont truffés de caméras, ils n'ont pas un seul angle mort et tirent dès qu'ils détectent un mouvement. Tu n'as pas l'ombre d'une chance.

- Jack et moi avons appris à les connaître. Nous savons comment les esquiver, s'en cacher, et maintenant, on a un moyen de les détruire.

Notre chef fixe le grand blond en se grattant la barbe. Prenant la mesure de sa détermination, il poursuit :

- Même si tu parviens à détruire un Orbe, que feras-tu ensuite ? Il y a six balles dans ce barillet et des milliers de drones qui sillonnent nos rues. Si tu en fais tomber un, le suivant ne tardera pas à arriver.

L'expression du colosse s'illumine d'une sauvagerie guerrière, il attendait cette question. Il se jetterait dès maintenant à l'attaque de la ville s'il le pouvait.

- C'est là qu'est l'astuce. Ces machines suivent toujours le même parcours et il y a une durée d'exactement trente secondes entre le passage de chacune d'entre elles. Imagine maintenant qu'il y ait un chaînon manquant, puis deux, puis trois... A chaque Orbe qu'on fait tomber, le laps de temps avant l'arrivée du suivant augmente. Il nous suffit de tirer sur trois Orbes d'affilée et ces trente secondes deviennent deux minutes de liberté dans les rues.

- Deux minutes ? intervient Sham. En quoi ça nous avantage de gagner si peu de temps ?

- Tu dis ça parce que tu n'es pas montée à la surface. Pour échapper aux Orbes, Jack et moi, nous nous cachons dans les poubelles, sous les voitures, dans la moindre planque qui nous évite de finir avec du Bloody Brain plein les veines. Sur les trente secondes entre le passage de chaque Orbe, on compte bien dix secondes à attendre que le premier s'éloigne et dix autres pour se cacher avant que le suivant ne soit en vue. Ça réduit notre vitesse de déplacement, mais aussi nos opportunités. Avec deux minutes, deux précieuses minutes, on pourrait accéder à des immeubles loin des bouches d'égout, on aurait le temps de casser les rideaux de fer les plus robustes... On pourrait même gravir le Mur de Paris. Tu ne te rends pas compte Sham, mais deux minutes, ça pourrait signifier notre évasion !

Les yeux de la jeune fille s'écarquillent, les miens aussi.

- C'est un plan sacrément tordu, je m'exclame, mais s'il fonctionne, ça signifie que...

Orbes PourpresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant