Chapitre 4 : L'enfant du Boulevard Masséna

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Je fais volte-face, la main déjà posée sur le manche de mon couteau. Un petit garçon. Il ne doit pas avoir plus de huit ans, ses prunelles en amande dégagent un mélange de crainte et d'espérance. Il porte une écharpe rouge, une parka déchirée et un bonnet crasseux d'où dépassent des mèches brunes et bouclées. Je reste muet, incapable de bouger. Que fait-il dans la rue, malgré les Orbes qui y circulent ? Ça ne peut pas être un des Enfants du Minotaure, ils ne montent pas à la surface.

- Alors monsieur, est-ce que je peux vous suivre ? répète-t-il. Je suis perdu, je n'ai vu personne depuis longtemps.

Mon attention se détache de lui lorsque j'entends le son d'un Orbe en approche. Il ne mettra pas plus de dix secondes à atteindre l'intersection de l'avenue d'Italie et de la rue Tagore. Il ne mettra pas plus de dix secondes à nous tuer tous les deux.

 Il ne mettra pas plus de dix secondes à nous tuer tous les deux

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Je ne réfléchis pas, je n'en ai pas le temps. J'attrape le garçon par son écharpe et le tire vers moi. La forme sphérique d'un Orbe apparaît au croisement. Plus de temps ! Je saute pieds joints dans la bouche d'égout, l'enfant sous le bras. Alors que nous tombons, ses petites mains s'accrochent de toute leur force à ma taille. Mes pieds heurtent de plein fouet le conduit d'égout et le choc se répercute dans mes os, prêts à se fracturer. Je perds l'équilibre, lâche l'enfant et bascule dans l'eau. Elle est peu profonde et mon dos heurte le fond du canal. Le garçon se redresse à côté de Sham, dont les yeux sont écarquillés comme des soucoupes.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? s'exclame-t-elle. Qui est ce gamin ?

Sans attendre ma réponse, le bout de son kriss dépasse déjà de sa manche.

- Arrête ! Ne lui fais pas de mal !

Je me hisse sur le rebord à la force des bras, mais mes jambes flageolent trop pour que je parvienne à me lever. Dans la chute, l'enfant s'est entaillé la main droite.

- Ça va, petit ? je demande. Désolé de t'avoir fait tomber sans prévenir.

- C'est rien, je ne me suis pas fait trop mal. répond-il, en lapant sa paume blessée.

J'ai presque un sourire de soulagement, avant que l'Indienne ne reprenne :

- D'accord, tout le monde va bien dans le meilleur des mondes. Alors maintenant, tu peux m'expliquer qui est ce chiard ?

- Je n'en sais rien.

Et en me tournant vers l'enfant :

- Qui es-tu ?

- Je m'appelle Nathaniel, j'ai neuf ans. J'étais perdu dans la rue, je cherche mon papa.

- Ton père ?

- Mon papa travaille à l'usine de conserves du boulevard Masséna. Il m'a demandé de l'attendre là-bas, mais je voulais voir où il était. Il a dit qu'il devait aller chercher maman et que je ne devais surtout pas sortir dehors. Alors je suis resté caché dans l'usine, comme il a dit. Je n'ai pas bougé, comme il a dit. Je n'ai pas bougé du tout.

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