Chapitre 9 : La Tombe de Philibert

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J'ajuste mon viseur et inspire un grand coup. Mon doigt tremble sur la gâchette.

- Expire lentement. dit Simon.

Je vide mes poumons, ferme un œil, puis tire. La détonation claque dans mon oreille droite.

- Merde, encore raté ! je m'exclame.

La boite de conserve à l'autre bout de la pièce n'a pas bougé d'un pouce et le mur a un nouvel éclat de balle. C'est le quarante-cinquième ce matin.

- Courage petiot, tu vas finir par y arriver. dit le grand blond en me donnant une tape dans le dos. Si je réussis à viser avec mes gros doigts, tu ne devrais pas avoir de problème.

J'abaisse mon fusil et pousse un soupir exaspéré.

- Ça ne sert à rien, je suis seulement en train de ruiner ton mur à force de tirer n'importe où.

- Je doute que le propriétaire vienne faire un état des lieux, si c'est ça qui t'inquiète.

- Très drôle. En attendant, je ne fais que gâcher des balles. Je pense qu'on devrait laisser l'attaque des Orbes à Donovan et toi.

- Des balles, on en a à revendre, et ça nous aiderait bien d'avoir un troisième tireur sur le toit.

- Pourquoi ne demandez-vous pas à Sham ?

- Je l'entends s'entraîner avec son fusil à fragmentation, mais elle préfère rester cloîtrée en bas.

- Elle n'est pas près de sortir de son trou, hein ? Ça va bientôt faire un mois, ça fait bizarre de ne pas l'avoir vue depuis si longtemps.

- Rien ne t'empêche de descendre la saluer, je pense même que ça lui fera plaisir.

- Vu nos dernières discussions, je n'en suis pas si sûr.

- Je sais que ce ne sont pas mes affaires, mais qu'est-ce qu'il se passe entre vous deux exactement ?

Je n'ai pas envie de répondre à cette question, principalement parce que je ne suis pas sûr d'en connaître la réponse.

- On s'est disputés. Depuis, elle ne veut plus me parler. C'est aussi simple que ça.

- Aussi simple que ça, hein ? Écoute, le silence n'avancera à rien. Descends la voir.

- Je sais bien, j'y penserai. Et toi, comment ça se passe avec le vieux, là-haut ?

Il croise les bras et réplique sèchement :

- Réessaye de tirer au lieu de bavarder.

- Si mal que ça ?

- On s'évite. Je n'ai pas envie de le voir, et lui non plus je pense. Ça fait quelques jours que je ne l'ai pas croisé sur le toit, mais les Orbes Pourpres s'empilent dans la rue, donc je sais qu'il monte les descendre. On dira ce qu'on veut sur ce vieux salaud, mais il sait viser.

- Vous en avez détruit combien ?

- Moi, environ cinquante. Lui doit en être à son centième.

Je relève la tête, abasourdi.

- Tant que ça ? Il doit y avoir des laps de temps énormes entre le passage de certains Orbes, non ?

- Pas vraiment. J'essaye d'en abattre plusieurs d'affilés, mais c'est quasiment impossible. En général, j'en détruis un, puis je rate les vingt ou trente coups suivants avant d'en toucher un autre. Ce qui signifie qu'il y a peut-être des trous dans le circuit, mais très courts. Ce n'est pas avec ça qu'on sortira de Paris.

- Vous vous êtes quand même débarrassés de cent-cinquante Orbes en un mois. C'est un premier pas vers notre évasion.

- J'ai conscience que ça a l'air impressionnant dit comme ça, mais c'est dérisoire. Plus de trente mille Orbes circulent dans les rues selon Donovan, ça revient à essayer de vider l'océan à la petite cuillère.

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