Chapitre 9

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Stiles s'aspergea le visage avec l'eau du robinet. Bordel. Il n'en pouvait plus et profitait de la pause qu'on lui accordait magnanimement avec un plaisir qu'il avait tout fait pour dissimuler. Le but n'était pas d'incommoder ses hôtes, encore moins de se montrer impoli, mais il fallait avouer qu'il était terrifié et que la peur de faire la moindre incartade était là, bel et bien présente. Feindre l'impassibilité, il avait du mal, pour ne pas dire qu'il n'y arrivait pas. C'était tout juste s'il arrivait à ne pas grimacer d'inconfort, et encore.

Il ferma le robinet et les yeux, par la même occasion. Tenir son rôle était bien plus difficile qu'il ne le pensait, d'autant plus que chaque pan du devoir qu'il devait faire avec Jackson le pétrifiait sur place. Il se rendait compte que ses lacunes étaient bien plus importantes qu'il ne le pensait de prime abord, et c'était mauvais signe pour la suite. Comment pourrait-il arriver à obtenir un quelconque diplôme avec... Si peu de notions comprises ? Son avenir lui paraissait affreusement compromis parce que... On n'allait pas loin sans aucun diplôme en poche. Même les métiers les moins exigeants dans ce domaine préfèreraient prendre quelqu'un avec un certain bagage plutôt que... Lui. Le discret. L'empoté. L'angoissé. Et sans travail, forcément, pas d'argent. Sans argent, pas de survie. Stiles se doutait bien que son père l'aiderait un temps – il lui finançait déjà ses études et c'était beaucoup – mais viendrait un temps où il lui couperait les vivres et c'était parfaitement normal. De même, l'hyperactif n'avait pas pour intention de vivre aux crochets de son paternel alors qu'il devrait se débrouiller. En fait, il avait déjà songé à prendre un emploi à mi-temps, en parallèle de ses études, mais pour l'instant, c'était tout bonnement impossible pour lui de concilier les deux.

Il avait trop de lacunes et s'il voulait s'en sortir, il allait falloir qu'il redouble d'efforts. Même si l'envie de rejouer dans ce bar était une idée qui le tiraillait depuis un moment, il allait devoir faire une croix dessus. Les études passaient avant le plaisir personnel. Et puis il y avait cet homme, l'hôte de ces lieux. Derek Hale. Il l'avait entendu jouer et espérait de tout son cœur qu'il n'allait pas lui demander de faire une démonstration en ce jour, parce que Stiles n'y arriverait tout simplement pas. Son stress était tel qu'il redoublait d'efforts pour ne pas se laisser submerger. Bon, il était à deux doigts de faire une crise de panique mais ça allait. Pour l'instant, il tenait le coup.

Et il fallait que ça continue. Tant qu'il était dans cet endroit, il ne pouvait pas se permettre de craquer. Parce que c'était... On allait forcément en profiter. Descendre quelqu'un qui se laissait aller était diablement simple. Ces gens n'avaient pas l'air d'être méchants, mais... Il ne les connaissait pas. Même en dehors de ça, l'humain était du genre à faire le mal si on lui offrait ce genre d'énergumènes sur un plateau d'argent. Parce que c'était amusant, facile et jouissif. La hiérarchie était partout, le plus fort faisait toujours du mal au plus faible. Enfin, c'était l'idée qu'il se faisait de la société. Comment penser autrement lorsque l'on avait passé des années dans un enfer qui vous martelait que les choses fonctionnaient ainsi et pas autrement ? Stiles serra les poings. Ça va aller, ça ne va pas durer longtemps. Oui, mais pour que cela soit rapide, il fallait qu'il comprenne ce qu'il avait à faire et comment résoudre ces exercices qui, pour lui... Ne voulaient rien dire. Son retard était monstrueux.

Des coups légers portés contre la porte le firent sursauter.

- Tout va bien ? Fit la voix d'Allison.

Par chance, elle n'ouvrit pas la porte. Stiles ne voulait pas qu'elle le voie ainsi, il avait besoin d'un peu plus de temps. Juste un tout petit peu, histoire d'endosser ce masque si difficile à faire tenir.

- O-ouais, balbutia-t-il. J'en ai juste... Encore pour une minute, je... J'arrive.

Sa voix était diablement faible, atrocement pas assurée. Ce qu'il détestait se trouver dans ce genre de situation ! Il était seul. Seul, dans un appartement comptant nombre d'inconnus. Il ne connaissait que trois personnes et encore, connaître était un bien grand mot. Allison avait l'air adorable, mais il ne savait pas à quoi pouvait ressembler son vrai visage. Que pouvait-il se cacher sous cet air angélique ? Scott ne semblait pas l'apprécier outre mesure et à vrai dire, il ne s'en cachait pas vraiment. En tout cas, il n'avait pas l'air d'être d'accord avec la manière dont sa copine se rapprochait de lui, l'étudiant quelconque à lunettes qui, lui, voulait simplement vivre sa vie. Quant à Jackson... C'était difficile à dire. Sans être brutal ni agressif, il le faisait se sentir... Comme une merde. Et il y avait de quoi. Il s'agissait d'un bel homme blond, sportif, aux magnifiques yeux bleus. Le fantasme vivant de bon nombre de jeunes femmes – et jeunes hommes, en soi. Il avait un visage dur et fermé, lui donnant un air qui soufflait à Stiles de ne jamais lui chercher de noises, même par accident. Pour les autres, il les avait à peine regardés, même ce Derek, qu'il avait déjà aperçu dans ce bar. Sa terreur était telle qu'il ne voulait pas vraiment chercher à en savoir plus. Disons qu'il avait d'autres chats à fouetter... Comme endiguer la nouvelle horde de crises de panique qui le menaçaient.

Les Doigts d'OrOù les histoires vivent. Découvrez maintenant