Chapitre 18

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Stiles reposa son stylo sur son bureau et regarda sa feuille d'un air à la fois perdu et embêté. Cela faisait un moment qu'il travaillait, qu'il étudiait une leçon avec laquelle il avait du mal et... Il n'en ressortait pas grand-chose. Son plus gros défaut, mis à part la compréhension en elle-même ? La mémorisation. Stiles peinait à intégrer ce qu'il essayait désespérément d'apprendre depuis qu'il s'était posé à son bureau pour travailler. Il avait regardé sur internet et testé nombre de techniques, dont celle qu'il avait lui-même jugée comme étant la meilleure. Elle consistait en une bonne grosse lecture puis relecture de sa leçon puis à écrire sur une feuille à part ce qu'il en avait retenu et quels principe la concernant il était capable d'expliquer.

Il y avait trop peu d'encre bleue, sur sa feuille.

Et c'était pour chaque notion pareil. La même difficulté, le même vide. Le même brouillard. Comme si apprendre était quelque chose de trop difficile pour lui ou que son cerveau n'en était pas capable.

Comme si Stiles était trop con pour continuer d'aller à l'université. Un endroit auquel il n'était d'ailleurs pas retourné depuis deux jours. Manquer des cours ne l'enchantait pas, mais l'hyperactif souffrait véritablement d'y aller tout en sachant qu'il ne ferait que noter aveuglément sans comprendre, et encore. Disons que chaque cours était une souffrance parce qu'il n'en comprenait pas la plupart et que chacun des contenus qui étaient proposés lui paraissaient on ne peut plus étranger.

A côté de cela, la peur du monde continuait de le ronger. Chaque personne qui le frôlait où passait simplement son chemin non loin de lui donnait l'impression à l'hyperactif qu'elle allait se retourner dans sa direction et... Lui faire du mal, tout simplement. Il n'y avait pas un étudiant qui ne lui faisait pas cet effet-là. Ainsi, se trouver dans une salle ou bien un amphithéâtre lui faisait toujours ce truc, à tel point qu'il l'empêchait quelque peu de se concentrer. Et Stiles notait alors encore moins de choses qu'au départ. Ce cercle vicieux, duquel il se pensait incapable de sortir, ne faisait que l'opprimer davantage.

Alors, le jeune homme avait décidé de sécher, de s'accorder... Une pause des gens. Une pause du fourmillement humain. Une pause du bruit. Dans son appartement, seul le bruit de son stylo grattant auparavant sa feuille brisait le silence ambiant. Maintenant, il était posé. Et Stiles se prit la tête dans ses mains. Pourquoi peinait-il autant à suivre ? Pourquoi chaque cours lui paraissait insurmontable ? Le contenu lui paraissait trop difficile, trop appuyé sur des choses qu'il n'avait pas étudiées... C'était à se demander comment il avait réussi à être diplômé d'un lycée qui n'avait de scolaire que le nom. A se demander aussi comment l'université avait pu l'accepter dans ses rangs. Était-il normal de ramer à ce point-là, ou c'était juste lui, le problème ? Cette hypothèse, loin d'être validée, était pourtant celle qu'il privilégiait, pour la simple et bonne raison qu'il ne voyait personne se prendre autant la tête que lui. Tous les autres étudiants semblaient à leur aise, dans leur élément. Comme si tout devait être simple, comme si ça l'était véritablement. L'université, la continuité logique du lycée, que ce soit en termes d'études ou de difficulté.

Stiles n'y avait pas fait son entrée par envie, mais parce qu'il savait que c'était ce que son père attendait de lui et qu'il ne pensait pas que son fils peinerait autant à suivre. L'hyperactif lui-même savait que ce n'était pas censé être le cas, que rien de ce qu'il vivait ne devrait être une souffrance à l'heure actuelle.

Avait-il perdu la capacité d'étudier ? Ou quelques neurones ? Le fait est que Stiles ne restait pas à l'appartement juste pour fuir l'université, ou se tourner les pouces. S'il était là, c'était pour travailler, progresser, trouver un sens à ce qu'il était censé faire.

Et pouvoir retourner en cours sans se soucier de rien mis à part de ses camarades. Si cette impression restait peu enviable, il s'agissait pour lui d'une réelle motivation, quelque chose... Qui lui permettrait de se détendre quelque peu et de n'appréhender qu'un côté de l'université : le danger de l'humain.

Le plus angoissant... Le pire de tous.

La vie lui avait appris qu'il n'y avait rien de plus terrifiant qu'un cerveau humain, capable de déviances multiples... Nombreuses. Des déviances qui nécessiteraient plus d'une vie pour toutes les identifier, les noter, les analyser, les classifier. Le plus grand danger pour l'Homme n'était pas une arme, un poison, une maladie, mais lui-même. Stiles avait retenu le meilleur des adages à ce sujet, qui lui paraissait plus vrai et plus juste que n'importe quel autre.

L'Homme est un loup pour l'Homme.

Et il ne savait même pas pourquoi... Pourquoi ses semblables pouvaient être si cruels, entre eux notamment. Peut-être plus qu'envers une quelconque autre espèce. Stiles était d'avis que la sienne n'avait rien de bien et ne faisait rien de ce à quoi elle disait tendre. L'humain voulait la paix, il menait la guerre. L'humain désirait le calme, et le combattait par la violence. Pourquoi, au final ? Pourquoi tant de contradictions ? Pourquoi ne pas tout mettre en œuvre pour que chacun ait le droit à une vie saine, normale ? Pourquoi sans arrêt vouloir assoir sa domination pour autrui ? Le confort et la stabilité ne suffisaient-ils pas ?

Stiles éteignit sa lampe de bureau et laissa ses affaires en plan. Il avait les paupières lourdes, les yeux qui le piquaient. Lui, il adorait le calme, le silence. Tout ce qui faisait de la solitude quelque chose d'agréable et de sécurisant. Si l'humain était un danger, Stiles s'en écartait volontiers, mais il savait qu'un retour à la vie normale était inévitable. Qu'il lui faudrait prendre à nouveau des risques certains et se confronter à cette peur qui ne le quitterait sans doute jamais. En tous les cas, Stiles ne voyait pas ce qui pourrait le détendre vis-à-vis de ses semblables. Dans la mesure où il venait à craindre son propre père, craindre qu'il le renvoie dans cet enfer... Il n'avait pas grand espoir que les choses s'arrangent pour lui.

L'hyperactif se frotta doucement les yeux après avoir déposé ses lunettes sur son bureau. D'une manière ou d'une autre, il lui fallait se reposer un peu, prendre un peu de temps pour lui. Il était têtu, mais pas complètement suicidaire. Peut-être d'ailleurs que fermer les yeux quelques minutes lui permettrait d'assimiler un peu mieux ce qu'il avait travaillé. Parfois, le sommeil, ça marchait. Parfois, il se réveillait avec le sentiment de se souvenir de quelques éléments supplémentaires et d'en comprendre certains. Cette fois-ci ne ferait sans doute pas exception – il l'espérait.

Parce que dormir était le seul élément de sa vie qu'il trouvait agréable et qui ne lui donnait pas complètement envie de disparaître. L'inconscience avait cela de particulier et d'agréable qu'elle mettait le corps en pause tout en laissant le temps s'écouler. Et Stiles adorait ça. Savoir que le temps filait sans lui et qu'il avait passé plusieurs heures sans devoir agir ni se torturer l'esprit avec quelque questionnement que ce soit.

Il y avait néanmoins des fois où le sommeil se révélait être la source d'un stress incroyable. Le monde onirique avait cela d'arbitraire qu'il pouvait ou détendre, ou torturer.

Ainsi, Stiles s'allongea sur son lit et se mit une alarme dans l'optique simple de se reposer quelques minutes, pour mieux se remettre au travail dès son réveil. Cette technique avait tout pour fonctionner, d'autant plus qu'il l'avait expérimentée quelques fois déjà, parce qu'il faisait toujours en sorte de ne pas faire durer la chose plus que nécessaire. En général, il se laissait un quart d'heure, pas plus.

Sauf que cette fois-ci, l'étudiant oublia d'activer le son, qu'il désactivait dans la vie de tous les jours car il s'agissait pour lui d'une certaine source de stress. Il avait toujours peur qu'au milieu d'un cours, d'une conversation indésirable, son téléphone émette un bruit et que ce bruit agace. La discrétion était devenu le maître-mot de son existence, tant et si bien qu'elle la colorait en tous points.

Mais parfois, le silence dont il était si friand était une source de hantise. Car s'il s'endormit plutôt rapidement, Stiles dépassa de loin les quinze minutes qu'il était censé s'accorder et sombra dans un sommeil profond et empli d'angoisses... Au point qu'une nuée de rêves peu appréciables le submergèrent.

Les Doigts d'OrOù les histoires vivent. Découvrez maintenant