Chapitre 20

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Stiles n'avait pas la moindre idée de ce qui lui avait pris, mais une chose était certaine : il n'avait définitivement aucun instinct de survie. Et en même temps, qu'aurait-il pu répondre d'autre ? Il était faible et ne désirait rien d'autre que de s'éviter certains ennuis. Alors, il courbait l'échine, ne disait pas non. Il ne savait plus faire, de toute façon.

Et c'était ce qui l'avait amené à se retrouver dans la luxueuse voiture de Jackson Whittemore. La ceinture de sécurité, il l'avait mise à reculons. Sans être un obstacle, elle restait néanmoins un ralentissement certain : s'il devait se retrouver à fuir, Stiles se retrouverait freiné par la lanière et... Se ferait irrémédiablement rattraper. La suite, il la connaissait.

Car même si Jackson lui avait simplement proposé de venir rattraper les cours qu'il avait manqués, Stiles ne pouvait s'empêcher d'imaginer qu'il mentait... Parce qu'il lui avait dit que la plupart de ses affaires se trouvaient « au loft », l'endroit-même où Stiles s'était ridiculisé en faisant une crise d'angoisse.

Autant dire qu'il ne se sentait pas à l'aise à l'idée de croiser le regard du propriétaire des lieux, contre lequel il s'était complètement laissé aller... Lorsqu'il y repensait, il avait honte, véritablement honte. Et peur. Il était persuadé qu'on lui en voulait et que cet épisode... Ne resterait pas sans suite. D'ailleurs, cette pensée ne fit que gagner en puissance au fur et à mesure qu'ils roulaient, se rapprochaient de l'immeuble immense. Il surplombait la ville, semblait la dominer de toute sa hauteur.

Les mains serrées en poings sur ses cuisses, Stiles attendait, se faisait un millier de scénarii dans sa tête, se demandait lequel se réaliserait.

Parce que Jackson ne pouvait pas l'emmener là-bas uniquement pour les cours. Il y avait autre chose, forcément. Et Stiles n'aimait pas l'idée d'être conduit dans un endroit qu'il ne connaissait pas... Conduit quelque part tout court. Néanmoins, il ne s'en voulut pas : il se savait incapable de refuser n'importe quelle demande d'autrui. Et puis Jackson lui faisait peur. Il avait le regard d'un aigle, glacial. La carrure d'un jeune homme que l'on ferait mieux de ne pas contredire. La puissance d'un groupe, aussi. Scott, Allison, Lydia, ce Derek aussi... Et du monde dont il n'avait pas forcément encore retenu le nom – il espérait d'ailleurs que cela n'arriverait pas. Connaître du monde, c'était connaître de potentiels futurs agresseurs. Stiles était bien placé pour dire que le nombre pouvait faire la puissance. De son côté, il avait toujours été seul... Du clan des faibles.

Et il avait peur de devenir l'attraction de ce groupe-ci.

Néanmoins, il se mentalisa : hors de question qu'il cède à nouveau à l'angoisse. Dans cet état, il était si vulnérable... Et puis il y avait son père, aussi. On l'avait appelé lorsqu'il s'était à moitié évanoui et si Stiles avait pu se trouver une excuse, elle était unique. Noah Stilinski finirait sans doute par se douter de la déficience sociale de son fils et il était hors de question qu'il découvre ses tares. Stiles ne voulait vraiment pas... Entendre parler à nouveau d'Alvan. Il ne survivrait pas à un deuxième séjour là-bas.

- Décrispe-toi, il ne t'arrivera rien.

Stiles jeta un léger coup d'œil à Jackson, dont la voix n'était pas aussi sèche que ses paroles qui, elles, lui paraissaient tranchantes, comme un ordre à peine voilé – c'était en tout cas comme ça qu'il l'interprétait. Un ordre auquel il fallait qu'il obéisse s'il ne voulait pas souffrir. Pour lui, tout fonctionnait de cette manière. A vrai dire, il restait également des plus immobiles parce qu'il avait peur de salir cette voiture semblant hors de prix. Jackson le lui ferait payer, s'il dégradait quelque chose et ce, même par inadvertance – Stiles en était persuadé. Alors se décrisper, il essaya, mais l'immense stress de la réflexion le paralysait partiellement. Il repensa à la « discussion » qu'ils avaient eu l'autre jour dans les vestiaires : et malgré la prévenance maladroite dont le blond lui avait fait preuve, malgré ses tentatives pour le rassurer quant à ses intentions... Stiles ne le croyait pas. Il ne le pouvait pas. Les gens comme lui, il les connaissait : le pouvoir et le nombre leur montait trop vite à la tête. Que dire de leur caractère ? Souvent impulsif, sanguin. A ses yeux, Jackson remplissait parfaitement ces critères.

Alors pourquoi diable n'avait-il pas essayé de trouver un moyen d'éviter de monter dans cette voiture ? C'était presque aussi suicidaire que de prendre le risque de dire « non. » Dans les deux cas, l'hyperactif se pensait fichu.

- Pourquoi tu n'étais pas là ?

Stiles se crispa davantage en comprenant que Jackson avait notifié... Et fait attention à son absence. Quoiqu'à bien y réfléchir, Stiles le savait déjà puisque le blond était venu s'installer à côté de lui et lui avait écris un mot justement à ce sujet... Le châtain se sentit affreusement bête.

- J'étais malade, répondit-il d'une petite voix, les yeux baissés.

Il se savait mauvais menteur et c'était d'autant plus vrai que sa fébrilité était de plus en plus marquée.

Mais si Jackson perçut effectivement son mensonge, ce fut d'une autre manière, bien plus profonde... Surnaturelle. Stiles avait le cœur d'un petit animal effrayé, tant et si bien qu'il n'était pas si aisé que cela de déceler une irrégularité dans son rythme cardiaque. Et pourtant, il l'identifia avec netteté.

- Tu me diras ce qu'il te manque précisément, j'ai tous mes cours chez Derek, lui apprit le blond. Là-bas... Tu pourras prendre ce que tu veux sans problème.

Stiles le regarda un instant et haussa légèrement un sourcil. S'il finit par hocher la tête, il trouva tout de même étrange le fait que Jackson laisse des affaires à lui dans ce loft qui n'était pas le sien. D'ailleurs, il y avait du monde la dernière fois qu'il était venu : tous ces gens de son âge avaient semblé à leur aise, avoir leurs marques ici. Avait-il affaire à une secte, ou quelque chose pouvant s'y apparenter ? Si tel était le cas, il était véritablement dans de beaux draps. Et l'angoisse qui ne le quittait jamais, celle-là même qui menaçait de le rendre malade à chaque instant, s'intensifia. Voilà pourquoi il ne se projetait pas sur le long terme : son stress le boufferait bien avant qu'il termine l'université... Pour cela, il fallait encore qu'il arrive au moins à la fin de son année...

- Il n'y a personne, entendit-il.

Stiles s'efforça d'organiser puis de taire toutes les pensées qui polluaient son esprit. Mais l'angoisse de se savoir dans une voiture, sans doute en route pour l'enfer, ne le quitterait pas de sitôt. Ainsi, il fit de son mieux pour reporter son attention sur Jackson. A ses côtés, il ne devait pas baisser sa garde. Même seul, il ne le faisait jamais vraiment.

- Personne ? Répéta-t-il, peu certain de l'information qu'il était censé retenir.

- Enfin personne, il y a juste Derek, se corrigea Jackson, qui arborait un air pensif. C'est son jour de repos.

Stiles hocha la tête sans arriver à savoir s'il s'agissait d'une bonne ou d'une mauvaise nouvelle. Car il avait un avis très partagé concernant cet homme dont il ne connaissait pas grand-chose, si ce n'est rien. Leur première rencontre avait été à distance, chacun s'était vu, puis reconnu. Et ce jour-là, Stiles avait complètement perdu les pédales.

Alors si quelqu'un devait lui en vouloir par rapport à son malaise, c'était bien lui. Jackson l'emmenait véritablement au casse-pipe... Et le châtain retint un soupir, contint au mieux ses peurs, son angoisse. Ses phalanges blanchirent.

Il avait l'impression que quelque chose allait se passer et rien de ce que pourrait lui dire Jackson ne le rassurerait... D'autant plus que le bonhomme lui-même le terrifiait. Ainsi, Stiles retint son souffle et se prépara à toute éventualité lorsque le blond gara sa voiture dans le parking privé de l'immeuble. Il camoufla ses débuts de tremblements et suivit Jackson jusqu'à l'ascenseur. 

Les Doigts d'OrOù les histoires vivent. Découvrez maintenant