Le loft n'avait évidemment pas changé. La décoration, sommaire mais agréable, était toujours là. L'éclairage de la pièce principale restait dingue. Pourquoi Stiles s'attendait-il à autre chose ? Lui-même n'en avait aucune idée. Tout était toujours aussi clair, aussi grand, aussi calme. Rien, absolument rien n'avait bougé. Et Jackson avait raison : il n'y avait personne. L'hyperactif arrivait-il à se détendre pour autant ? Absolument pas. Il avait l'habitude de vivre dans la crainte perpétuelle alors son corps se crispait presque naturellement. Sur le qui-vive, il laissait son regard voguer à travers la pièce en inspectant chacun de ses recoins avec minutie, persuadé que quelqu'un, n'importe qui, pouvait en surgir. Stiles sentit le sang quitter peu à peu son visage. Pourquoi avait-il accepté de venir, déjà ? Parce qu'il ne savait plus dire non et qu'il avait considéré qu'il était plus sage d'obéir à Jackson plutôt que de s'écouter, lui, et fuir l'autre étudiant. Dans cette situation, il n'avait trouvé aucune porte de sortie et... N'avait pas su réfléchir autrement que sous le prisme de cette logique qui lui avait été inculquée très jeune. A ses yeux, l'obéissance limitait la douleur et ces dernières années, ça lui avait réussi. Alors Stiles, même si la fin de son séjour à Alvan avait officiellement signé sa libération, continuait plus ou moins d'agir comme s'il y était encore. Son conditionnement était tel qu'il lui faudrait du temps avant de réussir à le briser vraiment. Stiles avait beau être conscient de ce fait, cela ne l'aidait pas pour autant à se sortir de cet état des plus oppressifs.
- Assieds-toi, je reviens.
Stiles retint à grand peine le sursaut qui faillit le trahir quant au fait qu'il s'était complètement perdu dans ses pensées. S'étant repris juste à temps, il ne fit rien d'autre qu'obéir en silence en espérant avoir agi correctement. C'était également pour cette raison qu'il s'assit sur un fauteuil et non sur le canapé. Stiles ne désirait pas que l'on pense qu'il prenait ses aises par excès de confiance – ce serait se trouver bien loin de la réalité. De toute façon sitôt ses cours rattrapés, si c'était effectivement la raison pour laquelle on l'avait fait venir, il décamperait et s'enfermerait à double tour dans son petit appartement. C'est ainsi que, tendu, Stiles attendit le retour de Jackson, qui se fit dans le silence le plus total. Quoique le seul bruit que perçut l'hyperactif fut le bruissement léger des porte-vues lorsque l'autre étudiant les posa sur la table.
- Tu peux prendre ce qui te manque et me ramener les cours en question quand tu les auras rattrapés de ton côté, l'informa le blond.
Stiles hocha la tête de façon automatique et s'il trouva étrange le fait que Jackson ait ses affaires de cours ici, chez Derek, l'homme qu'il avait croisé au bar l'autre jour... Il n'en fit aucunement la remarque. La chose ne le regardait pas. Néanmoins, il feuilleta les cours en question, soigneusement écrits et triés en tâchant de se dépêcher de trouver les séances que ses absences lui avaient fait manquer. Il ne put toutefois s'empêcher de s'attarder sur les encadrés faits à la main, avec ou des remarques, ou des explications supplémentaires concernant les notions abordées. Il les lut attentivement et les trouva très... Bien, beaucoup plus compréhensibles que ses propres cours. Pourtant, cette séance-là, il l'avait. Pourquoi était-elle si différente de la sienne ? Concentré sur sa tâche, il ne perçut pas les pas légers, ne remarqua pas non plus que Jackson s'en était allé et qu'il ne pouvait donc pas s'agir des siens.
- ... Un café ?
Cette fois, Stiles ne put réprimer le sursaut qui le prit... Ni même la terreur qui l'envahit si soudainement pour avoir... Réagi. L'hyperactif pesta contre lui-même et s'ordonna de ne jamais se concentrer complètement sur quelque chose lorsqu'il n'était pas chez lui. Ainsi, il se tendit à un point inimaginable et osa à peine lever les yeux vers Derek. Ses mains soudainement froides manquèrent de lâcher le porte-vues qu'elles tenaient mais sa conscience un poil rendue paranoïaque par ces dernières années l'empêchèrent de le faire. Si tu abîmes les affaires de Jackson, tu es mort, lui souffla une petite voix, celle qui l'accompagnait depuis des années.
- Tu veux un café ? Répéta son hôte, qu'il avait déjà failli oublier.
Stiles eut instinctivement envie de dire non. Le café, ce n'était pas bon pour lui, il ne pouvait pas en prendre à cause de son hyperactivité... Qu'il s'efforçait de dissimuler au mieux et pour laquelle il prenait un traitement journalier.
Et pourtant, il hocha la tête. Habitude, obligation. Peur de refuser, de risquer de prendre un retour de bâton quel qu'il soit. Ce qui était dingue, c'est que Stiles savait pertinemment à quel point l'image qu'il renvoyait de sa personne pouvait s'avérer pitoyable... Mais c'était quelque chose qui pouvait être à son avantage. L'on ne devait pas le penser fort, ou gênant d'aucune manière – et de toute façon, il ne l'était pas. Et en même temps, il fallait qu'il se montre soumis, mais pas trop non plus. Quant au dosage, il essayait chaque jour de le rendre le plus équilibré possible.
Stiles voulait tout faire pour éviter de souffrir alors si cela signifiait s'écraser, il n'hésiterait pas à s'exécuter tant que cette technique le sauvait.
Or, Derek ne bougea pas et fronça légèrement les sourcils. Stiles, incapable de soutenir son regard plus de quelques instants, baissa automatiquement le sien. J'ai fait une erreur, pensa-t-il tout de suite. Et l'angoisse, si elle resta cantonnée à son esprit et ne s'imprima pas sur son visage, fut perçue d'une toute autre façon par son hôte.
- Ton visage dit le contraire de tes mots. Tu n'es pas obligé d'accepter si tu ne le veux pas, tu sais ?
Derek ne disait qu'une partie de la vérité, puisque ce qui l'aidait à entrevoir ce que son invité cachait allait plus loin qu'une simple expression faciale : son odeur le piquait. Elle suintait la terreur... La même qu'il avait sentie lorsque Stiles était venu ici la dernière fois.
L'étudiant lui semblant réfléchir, avant d'hocher la tête.
- Alors tu sais que tu peux refuser, continua Derek, abandonnant le ton interrogatif.
Très honnêtement, il ne comprenait pas ce que cherchait à faire Stiles en acceptant un café à contrecœur. Il n'était pas idiot, sa peur devait jouer là-dedans, mais... Jusqu'à quel point ? Derek n'eut pas le temps de réfléchir davantage que l'étudiant hocha à nouveau la tête. Quelque peu décontenancé, il lui lança donc un regard interrogateur... Qui, dans un sens, obligea Stiles à répondre.
- Dans ce cas... Pas de café, si possible...
Sa voix n'était rien de plus qu'un filet rauque, presque un souffle. Derek devina sa gorge sèche, serrée, laquelle avait vraisemblablement failli ne pas laisser passer ces mots. Et même si Stiles avait fini par lui dire qu'il ne désirait pas boire de café, l'homme n'était pas certain que cet aveu avait été fait pour les bonnes raisons. Néanmoins, il lui affirma qu'il n'y avait pas de problème en arborant un air tranquille qui se voulait rassurant, tout en s'installant sur le fauteuil en face du sien. Cette action-là, aussi simple et banale puisse-t-elle paraître, ne fit rien de moins que crisper Stiles davantage. Un nombre incalculable de pensées parasites fusa dans sa tête – ainsi que tout un tas de questions qu'il ne poserait jamais. Qu'est-ce qu'il fait là ? Qu'est-ce qu'il veut ? Il me surveille... Je dois me dépêcher. Où est Jackson ? Est-ce qu'il m'a laissé volontairement avec... Lui ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui va m'arriver ? Contrôle-toi, Stiles. Tu n'as pas le droit de perdre les pédales comme tu l'as fait la dernière fois. Alors il ne s'autorisa rien de plus que de légers, très légers tremblements, qu'il pensa véritablement discrets. Derek ne les remarquerait pas, n'est-ce pas ? Stiles s'efforça de se concentrer sur l'essentiel : les cours de Jackson, histoire de ne prendre que ce qu'il lui manquait. Pas plus.
Si le blond avait décidé de se montrer « gentil » avec lui, il n'avait pas la moindre intention de le provoquer en profitant de ses cours à outrance.
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Les Doigts d'Or
FanfictionUn bar. Un piano. Une rencontre. Une série de hasards qu'on aime avec une petite touche de fragilité. Une histoire d'amour possible entre un Derek en mal d'amour submergé par la solitude et un Stiles trop doux pour son bien, cachant des stigmates qu...