Chapitre 2

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Stiles s'affairait à trier ses cours. Dieu qu'il était bordélique ! Son manque d'organisation flagrant était en train de lui coûter un après-midi de révisions. Lui qui avait prévu d'être efficace et d'enchaîner les matières... C'était raté. Il perdait son temps et il le savait. Bien sûr qu'il aurait dû faire ça la veille, au lieu d'aller traîner dans ce bar un peu particulier, ce bar dans lequel il avait vu un piano.

Cet instrument dont il n'avait pas joué depuis si longtemps.

Au début, il avait été fébrile. Toucher ces touches en imitation d'ivoire lui avait fait quelque chose. La sensation lui avait rappelé son enfance et toutes ces heures durant lesquelles il s'amusait à jouer ce qui lui passait par la tête. Oh bien sûr, pour arriver à un tel niveau, il avait dû travailler. Stiles était incapable de compter le nombre d'heures qu'il avait passées à user ses doigts, à s'entraîner jusqu'à s'en déformer les empreintes digitales. Parce qu'il fallait être réaliste : pour atteindre une telle excellence, il en avait bavé mais maintenant, qu'est-ce qu'il en était content.

C'était la première fois depuis des années qu'il touchait à un clavier et la sensation avait été grisante. Il avait tant envie de recommencer qu'il était à deux doigts de balancer ses cours par la fenêtre et retourner en courant dans ce bar.

Parce que l'ambiance lui avait fait du bien. Evidemment, Stiles avait demandé la permission au patron accoudé au bar avant de s'autoriser à s'amuser. C'était alors qu'il s'était assis sur ce siège et que tout avait commencé.

C'était avec une touchante timidité qu'il avait d'abord effleuré les touches. Etait alors venu un moment où, nerveux, il s'était jeté à l'eau : commençait alors une longue série d'exercices pour se délier les doigts, ces choses trop rouillées pour jouer tout de suite correctement. Stiles s'était d'ailleurs étonné lui-même. En plus de ce souvenir de ces exercices, il les exécutait avec une facilité déconcertante, comme si la dernière fois qu'il avait touché un piano remontait à la veille.

La fièvre du jeu l'avait alors emporté et il s'était réellement lancé. Ou alors, peut-être était-ce ce regard brûlant dans son dos qui l'avait poussé à cesser ses exercices pour passer à quelque chose de plus sérieux. Il avait senti ces yeux le scruter, le détailler. Au début, c'était intimidant mais Stiles s'y était graduellement accoutumé et avait joué. Il y avait mis toute sa passion, toute son âme musicienne. Parce que regard n'était pas mauvais, il l'avait senti.

Il l'avait vu lorsqu'il s'était levé pour quitter le piano. Des orbes d'une teinte incertaine ou plutôt... Un mélange de couleur extrêmement particulier. Unique. Des yeux qui l'admiraient. Cet homme au physique presque irréel avait, semble-t-il, beaucoup apprécié son jeu et ça l'avait galvanisé. A ce moment-là, Stiles aurait voulu rester encore un peu, l'envie d'éblouir cet inconnu qui l'avait réellement écouté, pas comme les autres clients du bar qui ne faisaient jamais attention à lui. Malheureusement, il avait à faire et avait dû s'en aller.

Depuis, la sensation de ce regard brûlant dans son dos lui manquait. Une semaine était passée et il n'avait pas revu cet homme, même après être retourné chaque soir au bar. Dommage.

Le jeune homme pesta soudainement contre lui-même. Ce n'était pas le moment de penser à ça, il devait continuer de trier ses cours pour, après, se mettre enfin à réviser. Il avait du retard et c'était mauvais. Soudain, une sombre lumière s'alluma dans son esprit et il lâcha tout son rangement. Réviser, il devait réviser. Le reste pouvait attendre. Mais en même temps, il ne fallait pas que ses cours restent en désordre... Qu'elle était la meilleure chose à faire ? L'angoisse commença à gagner l'étudiant. C'était mauvais, tout avait l'obligation d'être parfait. Les cours devaient être rangés, classés, remis au propre, connus par cœur.

Les Doigts d'OrOù les histoires vivent. Découvrez maintenant