Chapitre 1

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Je ne pensais pas me connaître à cette époque-là. Et dire que la clef de la réussite se trouvait en face de moi sur un plateau d'argent.

J'étais là, devant la grille, et attendais que quelqu'un vienne m'accueillir. Une vieille femme aux yeux rieurs et au sourire chaleureux arriva et m'ouvrit la porte. Elle me fit signe de la suivre et nous entrâmes dans le bâtiment.

— Bienvenue au collège Daniel Serain, dit-elle très gentiment.

J'hochai la tête en signe de remerciement. Dans la vie courante, je ne suis pas très bavard, je préfère écrire, je trouve ça plus facile pour exprimer véritablement ce que je ressens.

La femme, qui était en fait la directrice, me fournit quelques documents à faire signer par mes parents, puis elle m'emmena devant une salle. Mon cœur se mit à battre la chamade ; j'allais bientôt découvrir ma nouvelle classe et mon nouveau professeur principal. La directrice frappa à la porte qui s'ouvrit presque instantanément. Une trentaine d'élèves m'observaient. Deux filles qui se ressemblaient comme deux gouttes d'eau se mirent à glousser dans leur coin, un grand gaillard musclé me fit un doigt discrètement et une jeune fille avec des lunettes d'intello fit mine qu'elle allait vomir. Je rougis violemment.

— Je vous demande d'accueillir Louis Palty, votre nouveau camarade de classe.

Je regardais les élèves et retenais mon souffle. (Je n'avais vraiment pas envie de m'humilier devant trente-deux personnes, encore moins le premier jour). La directrice chuchota quelques mots à l'oreille du prof, qui émit un petit sourire tout en hochant plusieurs fois la tête. Je transpirais à grosses gouttes. Qu'est-ce que j'allais dire ? Que je m'appelais Louis Palty, que j'avais quatorze ans et que j'avais été renvoyé de mon ancien collège ? Mais ça, tout le monde le savait. Ma bouche se mit à trembler, et mes yeux à briller.

Le prof dut comprendre mon embarras car il décida de rompre le silence en me disant : « Assied-toi près de Charles, Louis. » Il me désigna une place près d'un mec qui avait presque la barbe et qui possédait de très longs cheveux châtains bouclés. Un peu intimidé, je m'exécutais. Jamais de ma vie je ne m'étais senti aussi minable.

Les filles de cette classe étaient toutes aussi belles les unes que les autres. L'une d'elle, une fille aux cheveux noirs, aux tâches de rousseur et au regard dur m'observait avec attention. Puis, elle se mit à ricaner méchamment, et le prof lui ordonna de se taire. Je sortis de mon sac une feuille et un stylo.

Chaque élève me fixait intensément. À leur place, j'aurais eu la même réaction. Je me suis fait renvoyer de mon ancien collège car mon comportement envers les autres n'était pas "convenable", comme l'avait si bien dit M. Robieux, le directeur principal.

— Bien, pour commencer, je voudrais t'annoncer que je m'appelle Monsieur Bally. Je serais ton nouveau professeur d'histoire durant cette année, me dit-il. J'espère que tu vas bien t'intégrer dans cette classe. En ce moment, nous étudions la Seconde Guerre Mondiale.

J'hochai une nouvelle fois la tête. « Mais il est muet ou quoi ? » commenta une des filles, avant que toute la classe n'éclate de rire.

— Naomie, ça te dirait de te taire ? gronda Monsieur Bally.

Elle ne répondit pas mais m'adressa un regard moqueur et se mit à glousser si bien que je ne pus m'empêcher de ressentir une très grande gêne.

S'en était trop pour moi. Je n'avais vraiment pas envie de pleurer devant tout le monde et de m'afficher. Alors, j'ai juste rangé mes affaires et je suis sorti. Sans rien dire, comme ça. Comme si c'était normal.

J'entendis M. Bally crier mon nom à plusieurs reprises, mais je poursuivis mon chemin en l'ignorant. Je suis quelqu'un de très sensible et je refuse de le laisser paraître aux yeux des gens. Tout ce que j'avais vécu et surmonté était trop difficile.

Le couloir était froid et lugubre. J'espérais vraiment que je ne rencontrerai personne en cours de route car dans mon état, je n'étais pas prêt à écouter les injonctions de qui que ce soit, j'allais partir de cet endroit.

Je franchis le portail en l'escaladant, puis je me rendis au tabac le plus proche.

— Salut Louis ! Qu'est-ce qui t'amène ici ? me demanda le vendeur.

— Un paquet de cig', comme d'habitude.

Il soupira avant de reprendre :

— Si on apprenait que je vendais de la drogue à un mineur... Je pourrai avoir de gros ennuis. Je suppose que t'as pas envie de ça pour moi, pas vrai ?

— Fais pas le relou, m'impatienté-je. Donne. J'ai la monnaie.

— T'es pas censé être en cours toi ?...

— Vas-y, là !

— OK. Je suppose que tu veux ne plus me voir. Dix euros. Comme d'habitude.

Je lui tendis la monnaie et m'emparai de mon paquet. Pour être un peu tranquille, je me rendis dans un parc près de la boutique et me mis à fumer. Je regardais l'heure. 14h53. Dans une heure et demie, je devrais rentrer chez moi. J'allais sur Instagram pour faire passer le temps. J'avais près de cinquante abonnés même si je n'avais rien posté. Je ne mettais jamais de storie. Mais j'avais l'impression que tous les followers que je possédais allaient s'en aller petit à petit...

17h19. Pratiquement une heure de retard. De toute façon, je m'en fichais pas mal de ne pas rentrer à l'heure, alors pourquoi se presser ?...

Je marchai au bord de la route et contemplais la ville. Le vieux marchand de glace auquel j'allais souvent rendre visite quand j'étais gamin était parti. À la place, une jeune femme d'environ trente-cinq ans avait installé son propre bar-restaurant. J'y étais allé la veille, ses pizzas étaient vraiment délicieuses.

Ma mère m'appela sur mon portable, mais je raccrochais immédiatement. Comme je vous le disais précédemment, il n'y avait aucune raison de se presser...

Je ne supportais pas ma vie dans mon ancien collège. Mes notes étaient en chute libre et ne dépassaient jamais les six ou sept sur 20. Je séchais parfois les cours et n'étais pas forcément toujours très poli avec mes camarades et mes profs. Mais quand je dis pas très poli... En fait, c'était plutôt du langage vulgaire. Et puis, j'étais un véritable bagarreur. En mode je frappais des mecs quand ils discutaient avec Lisa qui est mon ex petite-amie. Et ils ne gagnaient pas toujours, si vous voyez ce que je veux dire.

Et puis il y a autre chose... mon père est mort il y a trois ans et j'ai toujours eu du mal à le digérer. Ma mère s'est fiancée à un mec que je ne connaissais même pas, Yvan Boucher. Je l'ai traité d'égoïste, de méchante, de tout ce qu'il y a de plus ingrat et horrible. De tout ce que vous voulez. Ça n'y a rien changé. Depuis, je me suis toujours senti comme l'exclu du groupe, le mec toujours à l'écart. Vous savez maintenant tout sur moi. Moi et ma petite personnalité.

Celui qui n'y croyait pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant