Mon beau marin - Dramione

287 19 0
                                    

La journée est belle ce matin. Le vent est assez fort pour nous faire naviguer et le ciel est assez dégagé pour que je puisse voir l'horizon. L'océan est infini, aucune terre en vue.

Je me suis réveillé à l'aube, juste à temps pour voir le soleil se lever et les cieux se colorer d'un dégradé de rose.

Désormais, alors que le soleil est haut dans le ciel et que mes matelots sont tous sur le pont, je n'ai qu'une envie : m'allonger au bout du beaupré et finir la courte nuit que j'ai passée. De toute manière, personne ne pourra me dire quoi que ce soit.

Je me tourne vers ceux qui m'accompagnent en mer depuis deux mois déjà et je soupire. Une petite heure, juste une petite heure.

– Tiens la barre, Théo, ordonné-je à mon second.

Celui-ci hoche la tête et me remplace aussitôt, alors que je me mets en route vers le beaupré, laissant mon épée sur le pont principal pour ne pas m'encombrer. Je songe à la demande qu'il m'a fait de le déposer au prochain port afin qu'il puisse rentrer une semaine avant Noël. J'y réfléchirai plus tard.

Je n'ai pas pris le temps de m'y reposer depuis des semaines. J'aime cet endroit, le seul de mon bateau où je peux profiter pleinement de l'air marin que nous traversons pourtant chaque jour. Je devrais abuser plus souvent de ma position de capitaine pour le faire. J'ai tendance à oublier qui je suis.

Si mon père entendait ça...

Une fois arrivé au bout du beaupré, je m'installe le plus confortablement possible sur la barre, que j'ai aménagée il y a quelques années. J'y ai ajouté deux planches de bois pour élargir l'espace que je me réserve pour ces matinées plus calmes que les autres. Elles se font rares, maintenant que l'hiver est arrivé.

Je ferme les yeux quelques secondes, simplement pour apprécier la brise qui soulève la mèche s'échappant de mon catogan. Je devrais couper mes cheveux, ma mère me le répète chaque fois que je rentre en Angleterre.

Je les aime ainsi. Astoria aussi, songé-je. Pas que cela m'importe vraiment. C'est tout bonnement... plus facile ainsi.

Parfois, je m'imagine ne jamais rentrer. Ni pour Noël, ni pour quoi que ce soit. Je m'imagine rester sur mon bateau, naviguer jusqu'à la fin de mes jours et vieillir sur le pont principal. Ma mère me manquerait trop, j'en suis conscient, mais ce serait si simple. Pas d'obligations. Pas de pression. Pas de réprimandes pour mes trop longs voyages. Pas de risques que mon père me retienne de repartir. Ce serait l'idéal.

Cela semble si utopique.

Soudain, le son d'une éclaboussure retentit juste sous moi et je ne peux m'empêcher de me redresser pour essayer d'apercevoir ce qui a pu produire ce bruit.

J'écarquille les yeux en découvrant la silhouette argentée d'une femme aux jambes recouvertes d'écailles. Du moins, sans jambes.

Je sens les battements de mon cœur s'accélérer en comprenant de quoi il s'agit. Je pensais que c'était une légende. En cinq ans de vie marine, je n'ai jamais vu une telle chose. Une telle merveille.

Une sirène.

Ses longs cheveux bruns et ondulés la suivent alors qu'elle nage quelques mètres sous moi. Le soleil miroite sur sa queue écaillée et argentée, faisant apparaître des tas de couleurs. Je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi beau. Je n'y crois pas.

Alors que j'imagine qu'elle va disparaître dans les profondeurs de l'océan, elle se retourne et je croise son regard.

Les traits de son visage sont doux, c'est une merveille. Puis elle me sourit, entrouvrant les lèvres pour m'adresser quelques paroles.

Viens, rejoins les mers, rejoins-nous, mon beau marin, me chante-t-elle.

Puis elle disparaît et c'est comme si elle n'avait jamais existé. Comme si tout cela n'avait été qu'un mirage.

Je déglutis et me promets une chose : je la retrouverai, même si cela prend des mois, des années. Je la retrouverai et je la rejoindrai.


Calendrier de l'Avent - Multiship - 2022Où les histoires vivent. Découvrez maintenant