L'hiver était installé depuis un mois déjà. La neige recouvrait les environs du château depuis, comme si le ciel avait décidé de changer de saison du jour au lendemain. Le froid n'épargnait rien ni personne, cristallisant les plantes et figeant l'eau des lacs alentour.
Les hectares de forêt étaient désormais blancs et les chemins autrefois de terre semblaient avoir été peints par la neige. Les lieux étaient méconnaissables. Une immensité de blanc et de gris.
Par ces temps froids et difficiles, peu de monde osait mettre un pied dehors. C'était à se demander si le royaume n'était pas endormi, mort étouffé par la neige, figé par le froid et balayé par les tempêtes.
Pourtant, là, au milieu de cette étendue immaculée et alors même que la nuit était tombée depuis plusieurs heures, une silhouette pourpre se distinguait. À vrai dire, deux silhouettes. La seconde étant aussi blanche que ce qui l'entourait.
La première était une femme, vêtue d'un amas de robes et capes mauves, lilas et violettes. De la dentelle, de la soie, du cachemire ou encore de la laine, elle était couverte de la tête aux pieds. Des parures de perles et de pierres précieuses enveloppaient son cou et pendaient à ses oreilles, embellissant sa tenue. Ses bagues brillaient sous l'éclat lunaire, toutes habillées de joyaux à l'exception de son alliance : un simple anneau d'or blanc gravé au nom de son époux. Ses cheveux bouclés dégringolaient autour de ses épaules tel des rideaux bruns et ondulés. Ses iris caramel scannaient les alentours derrière ses longs cils noirs et par-dessus ses pommettes rosies par le froid et son nez en trompette.
La deuxième silhouette était présentement un grand chien blanc, ou peut-être un loup. C'était difficile à savoir. L'animal arrivait à la taille de la femme, marchant à ses côtés comme pour la protéger. Son museau était aussi allongé qu'un canidé et ses quatre pattes laissaient entendre qu'il en était un.
Il suivait sa maîtresse – car elle semblait l'être – de près, frôlant les tissus de son surcot avec son long pelage blanc. Ils se dirigeaient vers la grande structure du château, revenant des bois qui entouraient celui-ci.
Alors que la jeune dame s'apprêtait à gravir les marches qui menaient à l'entrée de la résidence, la porte de celle-ci s'ouvrit avec fracas, révélant une femme plus âgée et vêtue d'une tunique blanche et de fourrures diverses et variées.
– Votre Altesse ! s'exclama-t-elle d'un air paniqué. Nous vous avons cherchée partout !
Ladite altesse leva les yeux au ciel, soulevant ses robes pour rejoindre sa gouvernante.
– Mes habitudes n'ont pas changé, Ariane, répondit-elle en dépassant cette dernière. Naya voulait sortir et il est hors de question que qui que ce soit le fasse à ma place.
– Ce n'est pas raisonnable ! Les bois ne sont pas sûrs à cette période de l'année, ma Reine ! répliqua Ariane en la suivant de près.
– Vous ne me ferez pas changer d'avis, alors cessez de me tarabuster avec cela.
La voix de la reine avait été forte et claquante, ne laissant nullement place à la discussion. Naya la suivait toujours, grognant sur quiconque s'approchait d'elle, même le domestique venu l'aider à retirer sa cape.
– Est-ce que Lyra est couchée ? demanda la souveraine en tendant sa mante au servant.
– Oui, ma Reine. Je me suis permis de la mettre au lit, étant donné que nous ne vous trouvions pas.
– Bien, je vais aller la border. Ne venez pas nous déranger, s'il vous plaît.
Les domestiques présents dans le vestibule de la grande demeure hochèrent la tête et suivirent du regard leur reine jusqu'au moment où elle disparut en haut des escaliers menant aux étages.
Celle-ci retrouva le calme des couloirs du château, visiblement ravie de ne plus avoir à supporter autant de monde autour d'elle. Malgré une éducation stricte et faite pour qu'elle rejoigne un jour le trône d'Angleterre, la Reine Hermione Malefoy détestait toujours autant d'être assistée telle une incapable. Elle restait la femme indépendante et fière qu'elle était depuis son adolescence.
Hermione remonta le couloir qui menait à ses appartements d'un pas léger, espérant ne pas réveiller sa fille. Elle savait qu'à cette heure-ci de la nuit, il y avait peu de chances que Lyra ne dorme pas. Elle regrettait presque d'avoir promené Naya si tôt. Habituellement, elle attendait que sa fille dorme pour le faire, mais devant l'impatience et les grognements de sa protectrice – comme elle aimait l'appeler –, elle n'avait pas eu d'autre choix et avait quitté le château pour plusieurs heures. Il était hors de question que qui que ce soit d'autre s'en occupe.
Elle ouvrit tout doucement la porte de ses quartiers, se faufilant à l'intérieur en laissant passer Naya devant elle. Le premier boudoir était plongé dans le noir et elle dut plisser les yeux pour se diriger jusqu'à la chambre de sa fille, qu'elle trouva tout aussi sombre. Cette fois-ci, elle ne laissa pas passer Naya, qui s'allongea sur un grand tapis persan.
Le lit à baldaquin de Lyra se trouvait au centre de la pièce, entouré par des rideaux blancs. Hermione s'en approcha à pas de loup, les écartant pour se pencher vers sa descendance. Au même instant, elle entendit les douze coups de minuit résonner dans le boudoir.
– Joyeux Noël, mon amour, chuchota-t-elle en caressant du bout des doigts la joue de sa fille de six ans. Que les divinités et les étoiles exaucent tes rêves et que ta vie soit faite de bonheur et d'amour.
Elle se baissa ensuite pour lui embrasser le front, soufflant d'autres paroles protectrices à son oreille. Une tradition qu'elle respectait chaque année à la période de Noël.
– J'espère que ton père sera là lorsque...
Elle ne termina pas sa phrase, se redressant vivement en entendant la porte de ses appartements s'ouvrir puis se refermer. Les battements de son cœur s'accélérèrent en l'absence de réaction de Naya. Il n'y avait qu'une seule personne qui ne la faisait pas aboyer.
Une seconde plus tard, ce fut au tour de la porte de la chambre de s'ouvrir pour laisser apparaître l'homme que Hermione avait cru ne jamais revoir. Ses yeux se remplirent de larmes.
Face à elle, le roi Drago Malefoy la fixait, encore vêtu de sa tenue de soldat. Il semblait aussi bouleversé qu'elle.
– Vous êtes rentré, murmura-t-elle comme si elle n'y croyait pas.
Un sourire étira le coin gauche des lèvres du roi. Il lui tendit une main, qu'elle s'empressa d'attraper en le rejoignant. Il la tira hors de la chambre de leur fille, refermant la porte derrière lui.
La reine pleurait à chaudes larmes, incapable de s'arrêter de sangloter.
– Vous êtes rentré, répéta-t-elle.
– Je suis rentré, répondit-il avec un sourire en attrapant son visage entre ses paumes.
– Et vous êtes vivant, ajouta-t-elle en palpant son torse, ses bras, puis ses joues. Vous êtes vivant.
Il l'embrassa une première fois, sans se défaire de son sourire.
– Je n'aurais pas supporté l'idée de ne plus vous revoir, chuchota-t-il avant de lui embrasser la joue.
Le roi et son armée étaient partis deux mois plus tôt pour la France. Une guerre avait éclaté entre l'Italie et la nouvelle Gaule et l'Angleterre étant leur alliée, s'était vue obligée de leur porter secours. La reine en avait été détruite, regardant son époux la quitter pour combattre.
– Vous êtes en vie, fit-elle sans y croire.
– Et en bonne santé, je vous le promets, Hermione.
– Vous me faites le plus beau des cadeaux de Noël, Drago. Je vous aime tellement.
Ce soir-là, sous les douces lumières des bougies de leur chambre, les souverains anglais se retrouvèrent comme s'ils ne s'étaient jamais vraiment quittés.
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